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GEORGIE

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s'était détachée du royaume pour former plusieurs petits États, soumis d’abord aux Romains, puis aux empereurs byzantins. Elle prit alors le nom de Lazique, sous lecpiel on comprend toutes les tribus géorgiennes qui habitaient au sud de l’Ingour et le long des côtes de la mer Noire. La seule marque de dépendance de ces États vis-à-vis de la cour de Byzance était une espèce d’investiture que les basileis accordaient aux nouveaux rois en leur envoyant les insignes de leur dignité. L’empire byzantin avait fait des habitants de ces provinces des garde-frontière destinés à barrer la route aux envahisseurs. Les Perses virent dans la conquête de Lazique un moyen sûr d’atteindre plus facilement Constantinople. C’est pourquoi ils entreprirent contre les Byzantins une guerre longue et acharnée, surtout à partir du règne de Justinien. Le Lazique resta néanmoins sous la dépendance de Constantinople jusqu’au commencement du xe siècle. A cette époque, il fit son union au royaume de Géorgie d’Abkhasie (Aphkhazétie en géorgien). Cette union dura pendant plus de cinq siècles, jusqu’au partage de la Géorgie entre les trois fils d’Alexandre I er (1442).

De quel patriarcat dépendait l'Église du Lazique ? Au moins depuis 628, année qui marqua l'écrasement des Perses par Héraclius, sinon plus tôt, la Géorgie occidentale fut soumise à la juridiction de Constantinople. Dans une Notilia episcopatuum, composée vers 650 et publiée par Gelzer, Ungedruckle und ungenùgend verôffentlichle Texte der Notiliæ episcopatuum, dans Abhandlungen der k. bayer. Académie der Wissenschaflen, Munich, 1900, p. 542 sq., le Lazique forme une province ecclésiastique, dont le chef, le métropolite de Phasis, étend sa juridiction sur quatre suffragants, les évêques de Rhodopolis, de Saésines, de Pétré et de Ziganes. On signale aussi dans la même liste un évèché autocéphale en Abasgie. Nous ne savons pas combien de temps dura la juridiction de Constantinople sur cette province lointaine. En tout cas, le lien de dépendance n’existait plus au début du xe siècle. Dans une autre Notitia episcopatuum de cette même époque, Gelzer, op. cit., p. 357, on trouve bien encore une province ecclésiastique portant le nom de Lazique, mais elle ne comprend pas des territoires vraiment géorgiens. La métropole, Trébizonde, commande à sept évêchés suffragants situés à peu près tous en Arménie. Les sièges indiqués vers 650 n’y figurent plus.

Du x c siècle à la fin du xive, la Géorgie occidentale releva probablement du catholicos de Mtzkhéta. Mais en 1390 nous la voyons gouvernée par un catholicos particulier, du nom d’Arsène. Le domaine de ce dernier comprenait l' Aphkhazétie, c’est-à-dire l’Imérétie, la Mingrélie, le Gouria, le Samtzkhé, la Svanétie et l’Aphkhazétie proprement dite. Le catholicos résidait ordinairement à Bidchvinta ou Btunsta, dont l'église célèbre passait pour avoir été bâtie par l’apôtre saint André lui-même (1). L’origine de ce catholicat demeure plus obscure que celle du catholicat de Mtzkhéta. Il est impossible de trouver dans les documents qui nous restent de cette époque aucune indication ni sur la date de son érection, ni sur les circonstances qui l’ont accompagnée, ni sur le nombre des titulaires. La division politique de la Géorgie en plusieurs principautés ne semble pas avoir été la cause principale de cette séparation ecclésiastique. Tamarati, op. cit., p. 397. Il est probable que les patriarches d’Antioche regrettaient d’avoir reconnu l’autonomie à l'Église géorgienne, surtout depuis que les conquêtes arabes avaient singulièrement amoindri leur puissance. On a des preuves certaines qu’ils cherchèrent à profiter des divisions qui existaient en Géorgie pour reprendre au moins une partie de leur juridiction ancienne. On peut citer, entre autres, des lettres adressées au catho licos de Mtzkhéta par des évoques du Samtzkhé, dans lesquelles ils avouent s'être laissé entraîner par les émissaires grecs. Ils promettent de ne plus en recevoir et de ne plus même faire mention du patriarche d’Antioche à la liturgie. Jordania, Chroniques, t. iv, p. 227, 265, 315. De même une charte de Dorothée, patriarche d’Antioche (1484-1523), adressée à Mzédchabouc, prince du Samtzkhé, fait les plus grands éloges de lui et des évêques de la région, tandis qu’elle traite d’impie et d’infidèle le roi de Géorgie, ce qui semble indiquer une flatterie intéressée. Jordania, op. cit., p. 316. Michel, patriarche d’Antioche, serait venu dans la Géorgie occidentale vers 1470 pour régler différentes affaires ecclésiastiques. Il aurait aussi sacré le catholicos Joachim, qui n’est pas autrement connu. Jordania, op. cit., p. 294. Un autre patriarche d’Antioche, Macaire III (1643-1672), vint plusieurs fois en Géorgie au cours du xviie siècle. Jordania, op. cit., p. 482.

Le catholicos le plus célèbre de l’Aphkhazétie est Evdémon Tchkhétidzé, mort en 1605, auteur de vingttrois canons ecclésiastiques qui sont entrés dans le code géorgien compilé par le roi Vakhtang VI au xviii c siècle. Malachie, qui était en même temps prince de Gouria, demanda au pape Urbain VIII des missionnaires et les reçut avec faveur. Tamarati, op. cit., p. 401-403. Plusieurs de ses successeurs se montrèrent également très accueillants pour les missionnaires latins. Le dernier fut Maxime (1776-1795) qui mourut à Kiev, au cours d’une ambassade auprès de Catherine II pour lui demander du secours contre les Turcs. Maxime ne fut pas remplacé.

XIV. Organisation de l'Église géorgienne. Liste des évêchés. — La Géorgie conserva jusqu'à la fin de son indépendance un système politique et social semblable sur beaucoup de points à celui de la féodalité occidentale. Le clergé formait un corps indépendant et privilégié, une société régie par ses propres lois. Le catholicos, chef spirituel du pays, les métropolites, les archevêques, les évêques, les archimandrites, les prêtres séculiers et les moines constituaient la hiérarchie ecclésiastique. Brosset, Histoire de la Géorgie, Introduction, Saint-Pétersbourg, 1859, p. lxxix. Comme pour les autres classes de la société, tout dommage commis au détriment d’un ecclésiastique était frappé d’une amende ou prix du sang, qui variait naturellement suivant la dignité de la victime. Les tarifs n’ont pas changé du viii c au xvie siècle. Les évêques se mêlaient intimement à la vie nationale. Tout comme ceux du moyen âge en Occident, ils accompagnaient les armées sur le champ de bataille et il est probable qu’ils tirèrent plus d’une fois l'épée.

Le catholicos est reconnu « roi spirituel » du pays, Brosset, op. cit., Introduction, p. cix, dans les chartes royales et dans les différents articles du code. Cela n’empêchait pas les princes séculiers de le maltraiter, de le déposer ou de le chasser au gré de leur caprice. Us donnaient même souvent sa charge à des personnages indignes, mais qui appartenaient soit à leur propre famille, soit à une famille noble dont ils voulaient se concilier les faveurs. Les intérêts spirituels étaient nécessairement négligés par ces prélats de cour, plus occupés d’affaires temporelles, voire même militaires, que du soin des âmes. Le titre de « roi spirituel > n'était cependant pas un vain mot. Il donnait au catholicos une autorité réelle sur les citoyens et même sur l’armée, au temporel comme au spirituel. Brosset, op. cit., Introduction, p. cx-cxii.

Il ne semble pas que la Géorgie ait été divisée en provinces ecclésiastiques bien déterminées. Du moins, nous ne connaissons pas de document qui le prouve. Il est probable que les diocèses se groupaient par province civile, sans avoir eux-mêmes de limites exactes.