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    1. GONET Jean-Baptiste##


GONET Jean-Baptiste, dominicain, né à Béziers, entra dès l’âge de dix-sept ans dans le couvent des prêcheurs de sa ville natale vers 1633. Docteur de l’université de Bordeaux en 1640, il y enseigna la théologie jusqu’en 1671, se faisant remarquer par la sûreté de sa doctrine, en même temps que par son ardeur à défendre l’école thomiste contre les attaques de ses adversaires. En 1671, au chapitre provincial tenu à Béziers, il fut élu provincial et exerça cette charge jusqu’en 1675. Il revint à Bordeaux pour y reprendre son enseignement qu’il continua deux ans ; mais, en 1677, lorsque l’on détruisit l’ancien couvent du Chapelet pour agrandir le Château-Trompette, Gonet éprouva de cette suppression un tel chagrin qu’il ne voulut plus demeurer à Bordeaux. Il retourna à Béziers, sa patrie, où il s’occupa à reviser ses ouvrages, et où il mourut le 24 janvier 1681, âgé d’environ soixante-cinq ans. L’enseignement de Gonet à l’université de Bordeaux avait été marqué de quelques incidents, qui intéressent l’histoire de la théologie. En efïet, le 6 juin 1660, la faculté de théologie de Bordeaux avait déclaré exempter d’hérésie les Lettres provinciales de Pascal, ainsi que les Notes de Nicole caché sous le nom de Wendrock. Toute l’université avait fait sienne cette déclaration de la faculté de théologie représentée par les trois professeurs, le prêtre séculier Hiérome Lopez, l’augustin Arnal et le dominicain J.-B. Gonet. La déclaration avait été consignée dans les Actes et les archives de l’université. Elle se trouve à la suite des Motifs pour faire voir que l’arrest du 5 novembre 1660, qui interdit les professeurs en théologie de l’université de Bordeaux, a esté rendu par surprise, in-4° de 4 pages. Elle est signée des trois professeurs de théologie. Mais, quelques mois après, quatre évêques et neuf docteurs de la faculté de Paris, « après avoir diligemment examiné ledit livre, » déclarèrent à leur tour « que les hérésies de Jansénius condamnées par l’Église y sont contenues et défendues…, ce qui est si manifeste, ajoutent-ils, que si quelqu’un le nie, il faut nécessairement ou qu’il n’ait pas lu ledit livre ou qu’il ne l’ait pas entendu, ou ce qui pis est, qu’il ne croie pas hérétique ce qui est condamné comme hérétique par le souverain pontife, par l’Église gallicane et la sacrée faculté de Paris. » Voir Dumas, Histoire des cinq propositions de Jansénius, Liège, 1699, t. i, p. 251. 252. Il est clair que par ces paroles la faculté de théologie de Paris visait surtout celle de Bordeaux. La conséquence de cette déclaration fut que, le 23 septembre, intervient un Arrest du Conseil d’Estât portant que le livre intitulé : Ludovici Montaltii lillerse provinciales, sera lacéré et bruslé par les mains de l’exécuteur de la haute justice, puis la sentence du lieutenant civil donnée (le 8 octobre 1660) en conséquence dudil Arrest. C’est le titre d’une plaquette in-4 n de Il pages, imprimée en 1660, à Paris, par les imprimeurs ordinaires du roi et où se trouve aussi le Procès-verbal d’exécution, avec l’avis et jugement des prélats et autres docteurs de la sacrée faculté de théologie de Paris, qui ont examiné ledit livre. Cette sentence fut exécutée le 14 octobre, à la Croix du Trahoir. Le tour de la faculté de théologie de Bordeaux arriva bientôt. En effet, le 5 novembre 1660, le roi fait aux professeurs « très expresses inhibitions et deffenses de faire aucune leçon de théologie dans ladite université de Bourdeaux, ni ailleurs. » Voir doni Devienne, Histoire de la ville de Bordeaux. t. il, p. 142. Il faut noter pourtant, et les trois professeurs de théologie le faisaient remarquer dans les Motifs cités plus haut, p. 4 : « Ils n’ont pas loué ledit livre, ils ne l’ont pas approuvé, ils ne l’ont pas exempté des notes de témérité, de scandale, et autres dont il était accusé ; mais ils ont simplement dit qu’ils n’y avaient point trouvé d’hérésie : Nullam in eo hseresim a nobis repertam fuisse declaramus. » Trois

ans déjà s’étaient écoulés sans que les professeurs de théologie aient pu reprendre leurs cours, lorsqu’au mois d’août 1663 parvint au parlement de Bordeaux la déclaration des six propositions enregistrées au parlement de Paris le 30 mai 1663, et qui avaient pour but d’attaquer l’autorité du pape. Elles étaient comme l’esquisse des articles qui seraient arrêtés dans l’Assemblée du clergé de 1682. Le 4 août 1663, Louis XIV ordonna que les propositions seraient « lues, publiées et enregistrées n dans tous les parlements et dans toutes les universités du royaume. D’Argentré, Collcctio judiciorum, Paris, 1755, t. iii, p. 93. Les volontés du roi furent exécutées, le 20 septembre 1663, et les différentes facultés de l’université de Bordeaux souscrivirent aux six propositions. Gonet fut du nombre. Le P. Michel Camain, jésuite, ne voulut pas souscrire. Voir le décret de l’université dans Ant. de Lantenay, Mélanges de biographie et d’histoire, Bordeaux, 1885, p. 53, note 2. On voit donc que Gonet partageait les idées régnantes du gallicanisme. C’est qu’à cette époque on ne croyait nullement la foi engagée ou même compromise. Déjà en 1660, en ne condamnant pas les Lettres provinciales, les docteurs de l’université de Bordeaux n’avaient nullement entendu défendre une doctrine qu’ils avaient eux-mêmes condamnée en acceptant deux ans auparavant, le 28 février 1658, les bulles d’Innocent X et d’Alexandre VII, décidant la double question de droit et de fait dogmatique et le caractère hérétique des propositions de Jansénius, entendues au sens de l’auteur. Même ils avaient fait « un décret par lequel ils avaient résolu de ne donner aucun degré à ceux qui seront suspects de jansénisme, ou qui voudront mettre en dispute quelques-unes des dites propositions. » Motifs, p. 5. De plus, en 1665, deux ans après avoir signé les six propositions, les mêmes docteurs, et Gonet est du nombre, signent le Formulaire d’Alexandre VIL On voit donc que le gallicanisme de ces docteurs n’avait pas le caractère d’opposition au pape qu’on se plaît souvent à lui prêter. Les cours de la faculté de théologie de l’université de Bordeaux ne furent repris qu’en 1669 et non pas en 1662 comme l’écrit dom Devienne, Histoire de la ville de Bordeaux, t. ii, p. 142. Ils ne le furent qu’en vertu d’un Arrest du conseil d’état portant le rétablissement de l’exercice de la faculté de théologie en l’université de Bourdeaux, le 15 mai 1669. Voir cet arrêt très intéressant dans Ant. de Lantenay, Mélanges, p. 59 sq. Il suit de tout cela que l’enseignement de Gonet à l’université de Bordeaux subit une interruption de près de neuf années, à dater du 5 novembre 1660. D’après une lettre adressée à Arnaud d’Andilly, le 30 novembre 1660, on lu : annonçait le départ du P. Gonet et celui de Lopez, théologal de Bordeaux, pour Paris, probablement pour tenter de faire rapporter le décret du 5 novembre. Nous ne savons pas si, de fait, il le rendit à Paris. Voir Ant. de Lantenay, Alélanges, p. 103. Après les événements que nous venons de rapporter, Gonet n’occupa plus guère la chaire de théologie de Bordeaux que deux ans, de 1669 à 1671, date de son élection comme provincial. En quittant l’enseignement en 1671, Gonet proposa, pour le suppléer, le P. J.-B. Maderan, lui aussi de la province dominicaine de Toulouse. Maderan occupa la chaire de théologie jusqu’à ce que Gonet eût achevé son provincialat. Sur Maderan, voir Scriptores ordinis prœdicalorum, édit. Coulon, xviiie siècle, p. 125-127. Lorsqu’on 1677, Gonet se retira définitivement de l’enseignement, Maderan revint prendre sa place. Parmi les ouvrages théologiques qui, à cette époque, eurent le plus de vogue se place en première ligne le Clypeus theologiæ thomislicse contra novos ejus impugnatores, 16 in12, Bordeaux, 1659-1669. C’est un traité complet de théologie dogmatique. Il eut de nombreuses éditions. En