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GOMAR


sacrée Scripluræ ars poetica, canonibus suis descripta, et exemplis sacris et Pindari ac Sophoclis parallclis demonslrala, in-4°, Leyde, 1637 : Gomar pensait trouver la clef de la poésie hébraïque dans la quantité des syllabes ; mais cette thèse, complètement abandonnée aujourd’hui, fut victorieusement combattue, dès 1643, par Louis Cappel, professeur à Saumur, dans ses Animadversiones ad Novam Davidis Lyram.

II. Gomarisme.

1° Gomarisme strict ou supralapsuirc. — On pourrait prendre le terme de gomarisme dans un sens rigoureusement étymologique et comme désignant les opinions propres de Gomar sur la prédestination, celles qui eurent toujours ses sympathies, auxquelles il a rendu témoignage en toute occasion, qu’il a souhaité et tâché de propager autant que les circonstances le lui ont permis, sans cependant jamais parvenir à les faire triompher complètement. Ainsi entendu, le gomarisme est moins un système publiquement et historiquement accepté sous ce nom qu’une conviction personnelle, et il se confond de fait avec le supralapsarisme. C’est donc la doctrine d’après laquelle le péché originel et la déchéance du genre humain rentrent tout aussi bien que la rédemption dans le décret de l’élection divine. Que tel ait été le sentiment extrémiste de Gomar, tous ses écrits en font foi. Son commentaire du c. ix de l’Épître aux Romains, Opéra theolog. omnia, part. II, p. 58 sq., peut donner une idée de la franchise avec laquelle il le proposait et des arguments sur lesquels il prétendait l’appuyer. « On se demande, dit-il, quelle est la portée des termes massa et lutum (duꝟ. 21). Ceux-là les ont mieux pénétrés, qui les entendent, non de l’argile et de la masse argileuse, mais de la masse humaine. Seulement cette interprétation se divise elle-même, suivant qu’on rapporte les deux expressions au genre humain à créer ou au genre humain déjà créé et déchu. C’est la première opinion que les théologiens les plus remarquables défendent comme vraie et cadrant parfaitement avec le contexte. Pour eux donc, Yargile et la masse désignent la matière informe ou la terre, de laquelle, pour des fins déterminées, le bon plaisir de Dieu, c’est-à-dire du potier céleste, a tiré le genre humain. Que si quelques-uns soutiennent que ce sont les hommes déchus en Adam qui deviennent l’objet d’une prédestination à leurs propres fins, en d’autres termes, d’une élection pour la vie ou d’une réprobation pour la ruine, cette manière de voir ne plaît point à un bon nombre de théologiens des plus distingués de l’univers chrétien, et cela pour divers motifs. Et d’abord, elle répugne à un principe universel de raison, ainsi qu’à la sagesse de Dieu. Par là même, en etîet, qu’elle se définit ce en vue de quoi une chose se fait, la fin est première dans l’intention et dernière dans l’exécution. Par conséquent, il n’est point d’ouvrier sage dans l’esprit duquel elle ne précède le début même de son activité. Cette vérité a pour elle le consentement unanime des philosophes sans nulle exception. C’est pourquoi le très sage auteur du genre humain, Dieu, bien qu’il ait décidé toutes choses en même temps, a cependant, au point de vue de l’ordre, fixé d’abord la fin de l’homme à créer avant de décider sa création. Autrement, il aurait, contrairement à l’ordre de la sagesse et à la nature de la fin, décrété les moyens tendant à la fin avant cette fin elle-même. A bon droit tiendrait-on pour insensé un potier qui déciderait d’abord la fabrication d’un vase et ne se demanderait qu’ensuite quel en sera l’usage. Pareille absurdité, qui ne se conçoit pas chez un potier sage, se conçoit bien moins en Dieu, source unique de toute sagesse et de tout ordre stable. De plus, si le terme massa désignait le genre humain déchu, on ne pourrait plus dire du potier divin qu’il fabrique des vases, les uns pour l’honneur, les autres pour l’ignominie ; mais on dirait

que, des vases pleins d’ignominie, c’est-à-dire assujettis au péché et à la malédiction, il a remis une partie en honneur, laissant le reste dans son ignominie. » Un peu plus loin, ibid., p. 61, 62, le commentateur ajoute : « Si maintenant, parce qu’il s’agit d’une question non encore tranchée, l’un ou l’autre, tenant ferme par ailleurs à l’analogie de la foi, soutient que l’objet de la prédestination’est l’homme déchu et que c’est celui-ci qui est visé en cet endroit par le terme massa, ainsi que le pensent quelques personnes même pieuses et doctes, je ne m’y oppose point. Mais je me range, quant à moi, à l’avis de Bèze, de Whitaker et d’un très grand nombre d’autres théologiens illustres ; et les raisons qui m’y portent, je les ai, eu égard à mon dessein, suffisamment indiquées pour qui voudra confronter thèse avec thèse, arguments avec arguments. Ce sentiment ne blesse aucun des attributs de Dieu. En revanche, comment le sentiment opposé ne va pas à rencontre de la sagesse divine en plaçant, dans l’ordre de la pensée et de l’intention, les moyens avant leur fin, c’est ce que je n’ai pas encore pu saisir. Si quelqu’un me démontre qu’il y a moyen de concilier ces choses, je me rendrai, comme je le dois, à l’évidence. »

Gomarisme historique.

Ces dernières réflexions

de Gomar nous montrent qu’il saura, le cas échéant, sans renoncer réellement à aucune de ses idées, se rallier à des formules transactionnelles, et, s’accommodant aux circonstances, se contenter, dans l’affirmation publique du dogme prédestinatien, de ce qui sera moralement possible. Le cas s’est réalisé, on l’a vu plus haut, au synode de Dordrecht ; et c’est ce qui a donné naissance au gomarisme historique et pratique, à celui dont l’expression officielle a pu devenir le centre et le point de départ d’un parti. Comme tel, le gomarisme s’oppose directement à l’arminianisme. De là vient que, pour l’historien, gomaristes et contrc-remontranls sont les deux noms appliqués indifféremment aux adversaires des remontrants ou arminiens. II s’ensuit qu’au point de vue doctrinal, on peut définir brièvement ce gomarisme comme le système qui, le supralapsarisme mis à part, maintient la rigueur primitive des dogmes calvinistes, à rencontre des mitigations proposées par l’arminianisme et condensées dans les cinq fameuses propositions. Voir Arminius. Le synode de Dordrecht s’est prononcé sur chacun des cinq chefs. Quant à la prédestination, de même qu’il en proclame le décret absolu, immuable, unique cause pour laquelle les uns reçoivent la foi, tandis que les autres ne la reçoivent pas, Dieu donnant cette foi vive et vraie à tous ceux qu’il veut retirer de la damnation commune, et à eux seuls, la donnant du reste gratuitement et exclusivement en vertu de son bon plaisir, sans supposer, « ni comme cause ni comme condition, soit la foi et l’obéissance de la foi, soit la sainteté, soit une autre bonne qualité ou disposition quelconque, » Acta synodi nation. Drodrechti habitée, sess. cxxxv, a. 6-10, p. 249-250 ; de même il condamne la thèse d’après laquelle « la certitude du salut dépendrait d’une condition incertaine » et serait subordonnée à la persévérance dans le bien. Ibid., a. 7, p. 254. La rédemption, ajoute-t-il, ainsi que la grâce qui en découle, « est annoncée indifféremment à tous les peuples ; mais les élus sont les seuls à qui Dieu a résolu de donner la foi justifiante, par laquelle ils sont infailliblement sauvés. » Acta, sess. cxxxvi, a. 7, 8, p. 257. On voit comment, dans tout cela, la doctrine de la prédestination particulariste est maintenue et la possibilité du salut restreinte aux prédestinés. Pour ce qui est de la nature déchue et du rôle de la grâce, assurément celle-ci est indispensable à celle-là, d’autant que l’homme, dépouillé par sa chute de tous les dons divins, n’est que ténèbres et aveuglement dans l’esprit, malice, dureté et corruption dans la volonté et dans le cœur, impuissance complète à l’égard du salut.