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GNOSriCISME


condamnait, » il importe de constater qu’en matière de sacrements tout particulièrement, ce sont les gnostiques qui ont emprunté à l’Église. Ils conféraient le baptême, et voici la formule employée par certains d’entre eux : Ecç ovo(j.a àyvoifffou Ilocrpôç xwv oXtov, eîç àW0eiav p]i£pa nâvTwv, xal eîç y.aTsX80vT<X eî ; ’I^aouv, s !  ; ïvwffiv xaî à-ovuTpfoj’.v xai xoivcovîav TtSv 6uva ; j.scov. S. Irénée, Conl. ha>r., i, 28, 3, P. G., t. vii, col. 661. Mais à quoi bon un baptême, faisait observer Tertullien, Adv. Marcion., i, 28, P. L., t. ii, col. 280, quand on exclut le corps du salut ? Cui enim rei baptisma quoque upud eum (Marcionem) exigitur ? Et in hoc iotum salutis sacramentum carnem mcrgit exsorlem scriulis. Ils avaient leur clergé : des lecteurs, des diacres, des prêtres, des évêques, comme le rappelle Tertullien, Præscript., 41, /’. /.., t. ii, col. 57 ; c’était du moins le cas des marcionites. Ils célébraient l’eucharistie : tel le gnostique Marc, qui, pour imiter ce que faisait l’Église, prenait des calices pleins d’eau et de viii, et, après de longues prières qu’il prononçait en forme de consécration pour faire croire qu’il consacrait réellement et changeait ce mélange en sang de Jésus-Christ, faisait paraitrc ces mêmes calices pleins d’une liqueur rouge. S. Irénée. Cont. hær., i, 13, 2, P. G., t. vii, col. 580. Ces imitations ou ces contrefaçons sacrilèges, dûment stigmatisées par les Pères, montrent où étaient les vrais sacrements. 3. Service occasionnel rendu à l’Eglise par le gnosli(isme. — C’est le propre de l’hérésie en général de provoquer, sur les points dogmatiques qu’elle attaque, une défense appropriée et un progrès dans la connaissance. La gnose n’a pas échappé à ce genre de service rendu à l’Église.

D’une part, en effet, sa méthode empruntée à la philosophie et à l’enseignement chrétien a mis en avant la raison, l’Écriture et la tradition. Et c’est justement par ce procédé que les Pères ont réfuté la gnose. Saint Irénée a ainsi inauguré, dans son traité contre les hérésies, la méthode théologique, qui donne, comme il convient, la première place aux données scripturaires et traditionnelles, mais qui emprunte aussi à la raison ses lumières pour la défense de la foi. Dès le IIe livre de son traité, il se place sur le terrain philosophique, et c’est au nom de la raison qu’il réfute les gnosliques ; au troisième et au quatrième, c’est sur le terrain ecclésiastique, au nom de l’Écriture et de la tradition. Et ici, comme il constatait ce procédé arbitraire de la part de Marcion et des autres de faire un choix parmi les Livres sacrés ou, comme il dit, de circumeidere Scripluras, de decurlare Evaiujelium secundum Lucam et Epislolas Pauli, Cont. hær., i, 27, 4 ; iii, 12, 12, P. G., t. vii, col. 689, 906, comme aussi celui d’interpréter à leur façon les textes qu’il leur plaisait de retenir, il eut soin de faire remarquer que l’Écriture ne se lit, ne s’expose et ne s’interprète sans mélange d’erreur et sans danger que dans l’Église, où elle s’est conservée fidèlement, sans additions ni soustractions, depuis les apôtres. Cont. hær., iv, 33, 8, col. 1077. La vraie gnose, dit-il, car il ne recule pas devant ce terme tant vanté par les gnostiques, la véritable règle de foi, la formule de l’orthodoxie, la note caractéristique de la vérité, c’est la tradition orale et vivante de l’Église ; et cette tradition se trouve dans la succession ininterrompue des évêques dans les Églises fondées par les apôtres, et, pour ne parler que d’une seule, « la plus grande et la plus ancienne, connue de tous, dans l’Église fondée et établie à Rome par les très glorieux apôtres Pierre et Paul. » C’est là qu’est la tradition qui confond tous les novateurs ; et il conclut : Ad hanc igitur Ecclesiam, propter potiorem principulilatem, necesse est omnem convenire ecclesiam., hoc est cas qui sunt undique fidèles, in qua semperab his, qui sunt undique, conservala est quæ est ab apostolis traditio. Cont. hær., ni, 3, 2, col. 848-849.

La force d’un tel argument n’échappa point à Tertullien. Tertullien sut la faire valoir d’une manière originale dans son fameux argument de la prescription. Les gnostiques, pour justifier leur manie de construire des systèmes à grand renfort de spéculations et de recherches, invoquaient ce texte : Quærile et invenielis, Matth., viii, 7. Præscript., 8, P. L., t. il, col. 21. Sans nul doute, réplique Tertullien, il faut chercher pour trouver, et pour croire dès qu’on a trouvé, et pour s’en tenir à la foi. Ibid., 9, col. 23. Car à chercher toujours, on ne trouve jamais, et on ne croit jamais. Ibid., 10, col. 24. Ne cherche que celui qui n’a pas encore trouvé ou qui a perdu. Ibid., 11. col. 25. Mais s’il faut chercher, c’est chez nous, auprès des nôtres, et non chez les hérétiques : Quæranms ergo in nostro, et anoslris, etdenostro ; idquc dumtaxat quod, salua régula fidei, potest in quæstionem devenire. Ibid., 12, col. 26.

Dans leurs recherches, les gnostiques s’appuient sans doute sur la Bible et allèguent l’Écriture ; mais ils ne sont pas recevables. Ibid., 15, col. 28. Leurs recherches sont sans profit, parce qu’ils n’admettent pas tous les Livres sacrés, parce qu’ils font subir des retranchements ou des additions à ceux qu’ils reçoivent, et parce qu’ils interprètent à leur gré ceux dont ils citent les textes, 17, col. 30. Dès lors, l’unique question à trancher préalablement est celle-ci : Quibus competat fuies ipsa ? Cujus sint Scripluræ ? A quo, et per quos, et quando, et quibus sil tradila disciplina qua fiunt christiani ? Ibid., 19, col. 31. Or, dit-il, le Christ a confié la doctrine de la foi aux apôtres, et les apôtres l’ont donnée aux Églises qu’ils ont fondées. Dès lors., toute doctrine qui s’accorde avec les Églises apostoliques, matrices et sources de la foi, est la véritable, puisque c’est celle que ces Eglises tiennent des apôtres, que les apôtres ont reçue du Christ et le Christ de Dieu. Par contre, toute doctrine en opposition avec l’enseignement de ces Églises est également en opposition avec celui des apôtres, du Christ et de Dieu ; et par là même, elle doit être répudiée.

Les apôtres, prétendaient les gnostiques, n’ont pas tout connu ; et s’ils ont tout connu, ils n’ont pas tout enseigné ; et s’ils ont tout enseigné, leur enseignement a été altéré par les Églises. C’est à réfuter cette triple hypothèse que s’applique Tertullien. 1. Ceux que Jésus-Christ a établis maîtres, qu’il a instruits lui-même, et auxquels il a envoyé le Saint-Esprit pour parfaire leur instruction, ne peuvent pas ne pas avoir reçu la révélation complète. Præscript., 23, P. L., t. il, col. 3435. Alléguer l’exemple de Pierre repris par Paul, c’est confondre une faute de conduite avec une erreur de doctrine : Utique conversationis juit vilium non prædicationis. Ibid., col. 36. 2. Les apôtres auraient eu un enseignement public et un enseignement secret ; c’est une erreur : point d’Évangile occulte chez eux. Ibid., 25, col. 37. Ils ont prêché publiquement, mais avec la prudence requise et selon leurs auditoires. Ibid., 26, col. 38. Ils ont toujours été conformes à eux-mêmes, dans leurs écrits particuliers comme dans leur parole publique. 3. Les Églises auraient-elles, par leur faute, altéré ou diminué l’enseignement apostolique " ? Saint Paul a bien repris les Galates et les Corinthiens. Reprises ou non, les Églises apostoliques n’ont reçu qu’une seule et même règle de foi. Ibid., 27, col. 40. Cet accord des Églises apostoliques est un fait indéniable et caractéristique de la vérité : Quod apud multos unum invenitur, non est erratum, sed traditum. Ibid., 28, col. 40. Et revenant ad principolitalem vcrilalis cl posteritatem mendacitatis, c’est-à-dire à ce caractère de la vérité d’être antérieure au mensonge, il conclut : Id esse dominicumel verum, quod sit prius traditum : id autem extraneum et falsum, quod sit potier lus immissum. Ibid., 31, col. 44. Or les gnostiques sont de nouveaux venus ; ils ont été chassés de l’Église tels