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GEORGIE


Bithynie, dans les environs de Constantinople et de Thessalonique. Tamarati, Église géorgienne, Rome, 1910, p. 315 sq.

Le mont Athos ne pouvait manquer de les attirer nombreux. Ils y occupèrent pendant longtemps le monastère qui porte encore leur nom, celui d’Iviron ou des Ibères (xûv 'I6riptov). D’après un vieux manuscrit géorgien de 1074, ce couvent fut fondé vers 971 par un des seigneurs de la cour de David le Guropalate, nommé Jean, qui avait d’abord pratiqué la vie religieuse au mont Olympe. Le nouvel higoumène vit bientôt accourir auprès de lui une foule de ses compatriotes de toute condition, parmi lesquels plusieurs personnages officiels. Tel ce Tornic, ancien général, qui sortit momentanément de sa solitude pour combattre le rebelle Scléros (976). Le couvent des Ibères au mont Athos devint, lui aussi, un foyer de science ecclésiastique où l’on s’occupait surtout de traduire les œuvres des Pères de l'Église grecque et de reviser les anciennes versions de l'Écriture sainte et des livres liturgiques. Ce fut même lui qui exerça le plus d’influence sur toute la nation. Les plus célèbres de ses higoumènes furent, après Jean, saint Euthyme (9641028) et saint Georges Mtatsmindéli (1014-1066) qui traduisirent en géorgien de nombreux ouvrages grecs. Journal asiatique, 6e série, 1867, t. i, p. 333 sq. Au xvie siècle, le monastère tomba aux mains des grecs qui en ont depuis lors jalousement interdit l’entrée aux Géorgiens, mais sans tirer aucun profit de la riche collection de manuscrits laissée par les partants.

XI. Histoire politique du xme au xixe siècle. — Après les règnes glorieux de David le Restaurateur et de la reine Thamar, la Géorgie commença à connaître la décadence, à cause de la corruption de la noblesse et des divisions nombreuses qui affaiblissaient le pays. Les Mongols de Gengis-Kban ne tardèrent pas à lui infliger un châtiment terrible en 1220-1221. Puis ce fut le tour de Djélal-ed-Din, sultan du Khorassan, qui ravagea la Géorgie de 1226 à 1230. Les Mongols revinrent en 1236. La reine Roussoudane implora alors contre eux le secours du pape Grégoire IX (1240), qui ne put malheureusement rien entreprendre pour la secourir. Finalement, les Géorgiens se résignèrent à accepter la domination des Mongols dont ils devinrent tributaires, vers la fin du xme siècle. Ils servirent même pendant longtemps dans les armées de leurs vainqueurs. Georges V, dit le Brillant (1318-1346), réussit à se débarrasser de la tutelle des Mongols de Perse, alors très affaiblis, et reconstitua son royaume. Quarante ans après sa mort, Timour-Leng (Tamerlan) fit une première apparition en Géorgie en 1386 et renouvela à plusieurs reprises ses dévastations pendant une vingtaine d’années. Brosset, op. cit., t. i, p. 652. Le pays se releva un peu sous Alexandre I er (1413-1442). Le partage du royaume entre les fils de ce prince mit de nouveau la division et accéléra la ruine. Cependant, plusieurs rois cherchèrent à s’allier avec l’Occident pour une croisade contre les Turcs, mais ces démarches n’obtinrent pas de résultat. La chute de Constantinople (1453) eut pour conséquence un encerclement plus redoutable de la Géorgie. Turcs et Persans s’immiscèrent dans les querelles intérieures pour s’en attribuer les lambeaux. En 1469, le pays se démembra en trois royaumes et cinq principautés. Les princes qui gouvernaient cette malheureuse contrée durent accepter officiellement l’islamisme pour conserver leur trône. Quelques-uns restèrent secrètement fidèles à la religion chrétienne, mais ce ne fut qu’une exception. La Géorgie fut souvent dès lors le champ de bataille où les deux puissants empires musulmans se disputèrent la prédominance. Les Turcs pénétrèrent dans la Géorgie occidentale en 1577 et la soumirent tout entière. De leur côté, les Persans, conduits par

Abbas le Grand (1577-1628), s’attaquèrent à la Géorgie orientale et la mirent au pillage. Abbas emmena vers 1615 un million d’habitants environ qui furent dispersés dans les différentes provinces de l’empire et qu’il remplaça par des Arméniens et des Persans. Nouvelle invasion en 1633 pour châtier le roi Téimouraz I er qui avait relevé la tête. La Géorgie sembla renaître sous Vakhtang VI (1703-1737), bien que ce roi fût obligé de vivre assez longtemps loin de sa patrie. Le relèvement s’accentua encore sous Héraclius II (17441798) dont les victoires assurèrent pendant quelque temps la tranquillité au royaume. Cependant le danger de plus en plus pressant lui fit conclure une alliance qui eut des conséquences funestes pour la Géorgie. En 1783, il se reconnut vassal de la Russie, ce qui lui attira les vengeances du chah de Perse, Agha-Moliammed Khan (1795). Son fils Georges XII (1798-1800) fut le dernier roi de Géorgie. En 1801, l’empereur Alexandre I er proclama l’annexion de la Grousie ou Géorgie proprement dite. La Mingrélie fut occupée en 1803, la Gourie en 1810 et l’Imérétie enfin en 1814. Tout le pays devint alors une simple province de l’empire. La tyrannie des Russes remplaça dès lors celle des Turcs et des Persans.

XII. L'Église géorgienne du xiiie au xixe siècle. — Nous venons de voir par quelles tribulations passa la Géorgie du xme au xix c siècle. Cette période de troubles intérieurs et d’invasions de la part des musulmans fut pour l'Église des plus funestes. Cependant il se produisit pour elle une cause nouvelle de relèvement intérieur. Ce sont les relations assez étroites que les rois et les catholicos entretinrent avec Rome à partir du règne de Roussoudane (1223-1247). Comme ces rapports ont reçu dans la suite un développement considérable, nous préférons leur consacrer une étude spéciale.

Une question se pose tout d’abord. A quelle époque la Géorgie s’est-elle séparée de l'Église catholique ? On n’a encore trouvé aucun document, ni chez les écrivains indigènes ni chez les étrangers, qui puisse donner quelques précisions sur ce point. On sait du moins que les Géorgiens restèrent en général étrangers aux querelles suscitées à Rome par la sophistique byzantine. Cependant, les moines du mont Athos durent très probablement y prendre part et leur influence a pu contribuer à détacher la Géorgie de l'Église universelle. Leur indépendance ecclésiastique vis-à-vis des patriarches byzantins atténua certainement l’animosité des Géorgiens contre Rome, car il ne s’agissait pas pour eux d’une question nationale. Les guerres interminables qu’ils avaient à soutenir contre des ennemis sans cesse renouvelés ne leur permettaient pas d’ailleurs de se mêler beaucoup à ces querelles de théologiens. Jusqu'à la fin du xii c siècle, ils continuèrent de faire mention du pape dans leurs offices, au même titre que des patriarches grecs. Brosset, op. cit., t. i, p. 457 ; Jordania, op. cit., t. i, p. 140, 142, 152. Il est probable que la séparation s’est faite insensiblement, à cause du manque de relations entre la Géorgie et le monde occidental. Honorius III, dans une lettre adressée en 1224 à la reine Roussoudane, ne considère pas celle-ci comme schismatique, puisqu’il lui accorde ainsi qu'à son peuple l’indulgence apostolique. Grégoire IX ne parle pas non plus de séparation dans une bulle de 1233. Archives Vaticanes, Reg. Val., 17, fol. 6. Toutefois, dans une lettre que Roussoudane écrit au pape, elle lui promet, si elle reçoit du secours contre les Mongols, de s’unir avec tout son peuple à l'Église catholique. C’est la première fois qu’on entend parler du schisme des Géorgiens. Dans la réponse qu’il fit en 1240 à la reine et à son fils David, Grégoire IX constate la séparation en ces termes : « Aussi faut-il, très chers fils, que vous et vos sujets reconnaissiez humblement le pontife romain,