Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/76

Cette page n’a pas encore été corrigée
127
128
ENNODIUS (SAINT) DK PAVIE


inespéré ; il demanda et obtint la main d’nne jeune fille riche, et le voilà, selon son expres.sion, de mendiant devenn roi. On incline fort à croire qu’il commença par enseigner l’éloquence avec éclat ; en tous cas, sa prose et ses vers, sous le règne de Tliéodoric, lui valurent vite la célébrité. Mais le luxe et la gloire le corrompirent bientôt ; lùinodius s’oublia jusqu’à railler la misère des pauvres et à mener lui-même, ses succès en poésie et en rliétorique aidant, une vie toute de vanité. Une maladie cruelle vint l’arracher à ses égarements. l* ; nnodius, abandonné des médecins et désespérant de sa guérison, fit alors vœu au martyr saint Victor de se convertir, de publier la confession de ses fautes et de ne jamais plus cultiver les lettres profanes. Il guérit, et, pendant que sa femme allait s’ensevelir dans un cloître, il embrassa l’état ecclésiastique. Il fut ordonné diacre à Pavie vers 493, et, depuis ce temps, sa vie est niêlée aux affaires de l’Église.

On le voit, en 494, accompagner l’évêque de Pavie, saint Épiphane, dans son ambassade près de Gondebaud, roi des Burgondes. Plus tard, en 502, Maxime, le successeur d’Épiphane, emmène son diacre avec lui au IV*" concile romain célébré sous le pape saint Symmaque, synodiis Palmaris, afin de soutenir la cause du pontife légitime contre la faction de l’antipape Laairent. I.es ennemis de Synmiaque s’étant élevés contre la décision (*onciliaire, Aduersus synodum afeso/ii/ion(s//ico/ ! f//7za : ’, Ennodiusfutolliciellement chargé d’en prendre la défense ; et son apologie, Apologelicus pro synodo qiuiiia Rormina, lue publiquement dans un nouveau concile de l’an 503, approuvée de tous les Pères, fut insérée dans les actes de l’assemblée, entre les procès-verbaux de la IV* et de la V* session. Hefele, Histoire des conciles, trad. franc., Paris, 1908, t. II, p. 969. A la mort de Maxime, Ennodius monta sur le siège de Pavie en 510 ou 511, et déploya dans l’administration de son diocèse une rare vigilance avec d’éminentes vertus. Telles étaient sa réputation et son autorité que le pape saint Hormisdas l’envoya deux fois, en 515 et en 517, à l’empereur Anastase 1°, pour aller combattre à Constantinople l’hérésie monophysite et travailler au rapprochement des Églises d’Orient et d’Occident. La mission d’iinnodius resta par malheur stérile. L’évêque de Pavie mourut dans sa ville épiscopale le 17 juillet 521. On l’a élevé au rang des saints, et sa fête se célèbre au jour anniversaire de sa mort.

II. CAnve.TÈRE. — Rhéteur et évêque, poète ou plutôt faiseur de vers et prosateur, Ennodius, qui fut un des lettrés les plus distingués de l’époque de Tliéodoric, fut aussi un partisan passionné de la vieille rhétorique païenne. Il en admirait naïvement et complètement les programmes, les procédés, les thèmes d’ordinaire bizarres, sinon pis ; ce système d’éducation lui semblait nécessaire pour tout le monde, même pour les prêtres ; et c’eût été, selon lui, toucher à l’arche sainte que d’essayer de le réformer. Il ne faut donc pas s’étonner si l’on trouve, à chaque page, dans la prose et les vers d’Ennodius, la langue et l’imagination du paganisme ; si les sujets que l » -auteur se plaît à traiter, comme ceux qui se traitaient dans les écoles, sont empruntés souvent à l’ancien culte ; et si partout les allusions à la fable et à l’histoire héroïque abondent. Du moins quelques traits de paganisme se montrent-ils toujours à côté de sentiments chrétiens. Ainsi, dans un Itinéraire en Gaule, Ennodius, après avoir vénéré les tombeaux des martyrs, se met à comparer les Alpes au labyrinthe de Crète et à parler de Dédale, de Phœbus et du Léthé ; dans un autre itinéraire, les Parques figurent à côté de Jésus-Christ. Ennodius représente au ve siècle la tendance profane qui allait à copier la littérature du paganisme.

.Sous ces oripeaux, néanmoins, sous ce vernis mythologique qui couvre, en la déparant, l’œuvred’Ennodius, on sent percer le chrétien et l’homme d’Église. L’évêque de Pavie est un champion ardent de la primauté du Saint-Sicge ; il tient que le pontife romain n’a pas dans l’Église d’autre juge que Dieu, et que le nom de pape, commun primitivement à tous les évêqucs, lui doit être réservé conune un titre d’honneur spécial. St. Léglise, Saint Ennodius et la suprénvUic pontifu(de au 17e siècle, Lyon, 1890. I-^^nnodius a en outre dénoncé, Dict., vi, le danger de l’erreur monophysite, et on sait le rôle qu’il a joué dans la tentative de réconciliation entre l’Orient et l’Occident. Il semble liien, quoiqu’on l’ait contesté, qu’Ennodius se rattache plus, dans la question de la grâce, à Cassicn et à Fauste qu’à saint Augustin et à saint Prospcr d’Aquitaine ; car, s’il croit l’homme incapable d’avancer sans la grâce dans la voie de la vertu, il reconnaît à l’homme le pouvoir d’y entrer. On voit par une curieuse lettre d’Ennodius, iv, 8, qu’au commencement du vie siècle, la légitimité du prêt à intérêts n’était pas contestée et que l’aflranchissement dans l’Église était prononcé ou du moins rédigé par l’évêque lui-même, sur la simple demande du maître de l’esclave.

III. Ouvrages.

Dans les manuscrits on ne trouve point les productions d’Ennodius rangées par groupes distincts ; elles s’y entremêlent et s’y suivent, sans autre ordre en général que l’ordre chronologique. Mais le P. Sirmond et presque tous les éditeurs modernes après lui les ont divisées en quatre groupes : Lettres, Opuscules, Dictioncs ou discours. Poésies.

1° Les lettres, Epislohe ad lamiliares, P. /.., t. lxiii, col. 13-1(58, au nombre de 297, ont été réparties par le P. Sirmond en neuf livres, selon l’usage qui a prévalu en pareille matière depuis Pline le Jeune. Elles sont adressées pour la plupart à de très hauts personnages dans l’Éghse ou dans l’État, et à Euprepia, sœur d’Ennodius. Nul doute qu’elles neremontent à l’époque où l’auteur était diacre, et ne soient antérieures par conséquent à l’an 513. Écrites de ce style obscur et entortillé qu’affectionnaient les derniers rhéteurs païens, infectées de mauvais goût et de recherche, ces lettres ne laissent pas d’avoir une valeur historique et de nous fournir d’utiles renseignements sur la civilisation de l’Italie au temps de Théodoric.

2° Toutefois les 10 Opuscules d’Ennodius, Opuscula miseella, P. L., t. lxiii, col. 176 sq., excitent généralement un plus vif intérêt. On y remarque notamment le panégyrique du roi des Ostrogoths, Théodoric, col. 176-184, composé en 507, à l’occasion sans doute d’une fête politique, non pas, comme on l’a cru, pour remercier le prince de s’être déclaré contre l’antipape Laurent, et qui ne laisse pas, malgré ses graves défauts, de dénoter un talent supérieur en même temps que de nous offrir une source historique d’un très haut prix. C. Cipolla, Intorno al panegirico di re Theodorico, Padouc, 1889. Citons encore la vigoureuse et triomphante apologie de la synodus Pcdmaris et du pape saint Symmaque, col. 183-207, Duchesne, dans la Pevue de philologie, 1883, p. 78-81 ; deux biographies de saints, la Vie de saint Épiphane, évêque de Pavie, mort selon toute apparence le 27 janvier 497, col. 207-240, et la V ; > de saint Antoine, moine de Lérins, col. 239-246, toutes les deux pleines d’affectation et d’enfiure ; l’Eucharisticum de vita sna, col. 245250, courte autobiographie, en forme de prière, à l’exemiile des Confessions de saint Augustin, et dont le P. Sirmond a emprunté le titre au poème similaire de Paulin de Pella ; la Parwncsis didascalica, col. 249256, sorte de manuel de pédagogie, dans lequel, selon le goût du temps, les vers alternent avec la prose, et que l’auteur écrivit en 511, à la demande de ses deux jeunes amis, Ambroise et Heatus.