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EUCHARISTIE AIT XII" SIÈCLE EN OCCIDENT


non milura nasciliir, scd consccralionc nobis conficiitir corpus et sanguis Chrisii (can. 39) ; qiiod anle bencdictionem panis et viniim est, post bencdictionem est corpus et sanguis Chrisii (can. 40) ; sub specie panis el vini invisibilem Chrisii carnem et sanguincm suminms (can. 41) ; quare elemrnlorum specirs rcscrvenlur… (can. 43) ; unie consecralioncm est panis, sed verbis Chrisii in ejns corpus cointcrtitur (can. 55) ; qnibus exemplis pneler naturani siibstanlia panis et rini in corpus et sangninem Chrisii converti probctur (can. 69) ; ])Ost consccralioncm, ticet figura panis et fini nuineal, tamen nicliil est ibi nisi corpus et sanguis Chrisii (can. 74) ; corpus quod ex Virgine sumptnm est a fidelibus accipitur (can. 91), etc. Il serait aisé de dresser nne liste semblable à l’aide d’autres recueils canoiiiques ; contentons-nous de renvoytr le lecteur, dans l'état actuel des sources inédites, à la dissertation toujours précieuse des IJallerini (dans leur édition des œuvres de saint Léon, 7*. /.., t. c.vi, col. 9 sq.), et aux travaux de P. l’ournier, WoKT von Glanwell, Thaner, etc.

On le voit, toutes les données relatives à la conversion sont déjà fournies par les afllrniations des adversaires de Bérenger et par les textes recueillis dans les dossiers patristiques ou les collections canoniques. L’objet du dogme ne fait de doute pour personne : l’on croit à cette époque qu’il y a vraiment « conversion » , c’est-à-dire que toute la substance du pain et du vin est changée en la substance du corps et du sang de.lésus-Christ, que le pain et le vin n’existent plus après la consécration, mais que leurs apparences extérieures (forma, figura, proprielales, qualilas naturalis, odor, sapor, species, accidentia, etc.), continuent à subsister sans que leur substance y soit encore. Nous avons déjà indiqué la plupart des passages saillants en faisant le relevé des principales sources d’information. Pour la question spéciale des accidents, voir Eucharistiques (Accidents).

2. Explication et théories.

Mais l'étude même de la « conversion » et des problèmes philosophiques que soulève ce dogme a été faite par ces mêmes auteurs avec une succession de tâtonnements ou de progrès, qui affectent tantôt la pensée, tantôt l’expression ; n’oublions pas que tout le xiiie siècle théologique en est là. Il ne faudrait pas non plus vouloir trop presser le sens de certains mots du vocabulaire de l'époque qui ne s’est formé que petit à petit. Dès qu’elle sortait (les notions vulgaires, la terminologie des écoles, tenue en lisière par le legs des textes anciens et, par suite, désorientée quand elle se trouvait en face d’expressions dont l’interprétation historique lui faisait défaut, ne pouvait atteindre sa fixation définitive que par un long travail d'épuration. Le mot seul de subslantia, qui joue son rôle dans la formation du mot Iranssubslanticdio, donnait lieu à plus d’une équivoque ; Guillaume de Conches le faisait remarquer à ce moment, Dialogus de substanliis physicis, Strasbourg, 1567, p. 8. Il en allait de même avec les mots forma, accidens, etc. "Voir, par exemple, Pierre Lombard, 1. II, dist. XXXVII, 4 ; 1. 1, disL VIII, 8, etc., ou les dictionnaires de théologie de l'époque. Alain de Lille, Distincliones distinclionum Ihiologicarum, P. L., t. ccx, col. 960, etc. Voir aussi Espenberger, Die Philosophie des Pclrus Lombardus, dans Beilrâge zur Geschichte der Philosophie des Millelallers, MunsteT, 1901, t. iii, fasc. 5, p. 37 sq. ; Baumgartner, Die Philosophie des Alaniis de Insulis, ibid., Munster, 1898, t. II, fasc. 4, p. 39. Passons en revue quelques individualités ou quelques groupes.

Alger de Liège avait trouvé une formule des plus exactes dans sa brièveté : quidquid enim mutatur in aliud, in alio'^desinit esse quod fueral sive substanlialiler sive accidenlaliter ; sed in pane et vino cum in

corpus Chrisii mulantur, accidenlia (qu’ailleurs il appelle souvent forma, qualilales, etc.) esse non desinunl, sed omnia rémanent. Ergo panis et vini subslantiæ esse desinit. Op. cil., i, 7, P. L., t. clxxx, col. 756-757. La légitimité de ses déductions laissée à part, on ne pourrait mieux dire.

Pour être plus développées, les considérations de Guitmond sur les quatre espèces de changements « substantiels » , reriim miilaliones subslanlivas sive e/ficienlias, op. cit., ii, /'. L., cxlix, col. 1 143, citées par la Bible, ne contenaient rien de plus : pur création ; par anniliilation, col. 1443 ; cf. ce qu’il y dit des accidents qui périssent ou qui se changent en d’autres, col. 1443-1444 ; par le passage naturel ou miraculeux en une substance non existante auparavant, col. 1144 ; par le passage d’une chose existante en une autre déjà existante aussi, col. 1444 ; ce dernier mode est réservé au seul cas de la « conversion » , col. 1444.

Si nous passons aux principaux représentants de l’enseignement scolaire, nous constatons chez Robert Pulleyn, Sententiæ, VIII, 5, P. L., t. clxxxvi, col. 966-908, toute la doctrine de la conversion avec la permanence des accidents, sans le mot de transsubstantiation. Il se rencontre pour plusieurs expressions avec Roland Bandinelli, son confrère dans le cardinalat.

Dans tout son exposé, Hugues de Saint-Victor se montre d’une sobriété qui tranche avec les développements de la plupart des représentants du groupe abélardien ; mais, pour succinct qu’il soit et dépourvu de toute verbosité dialectique, le c. ix du De sacramentis, 1. II, part. VIII, constitue un modèle de précision theologique, qui écarte toute idée ou expression inexacte et digne d’un esprit clair et ferme comme le sien. Cette conversion se fait non pas per unionem, mais per Iransilionem ; il n’y a pas d’augmentation quantitative. De plus, le corps du Christ ne reçoit pas son être de ce pain, mais la substance du pain se change dans le vrai corps que possède le Christ et ce changement du pain ne se produit pas, parce que le pain cesse d'être, mais en devenant ce qu’il n'était pas. Hugues donne alors les motifs de la précision de son langage, en opposant les divers points énumérés de la vraie doctrine aux diverses catégories d’erreurs. P. L., t. CLxxvi, col. 468.

Le célèbre contemporain de ces deux auteurs, Abélard, a eu, semble-t-il, sur la permanence des accidents ou tout au moins sur la disparition du pain et du viii, une idée étrange et qui ne peut se concilier, quoi qu’en ait pensé son auteur, avec la croyance orthodoxe. A en juger par l’accusation de Guillaume de Saint-Thierry, Disputalio adversus Abcelardum, c. IX, P. L., t. CLXXX, col. 280, par la lettre de saint Bernard à Innocent II, Epist., cxc. De erroribus Abxlardi, c. iv, P. L., t. clxxxii, col. 1062 : omillo quod dicil… post consecralionem panis et calicis priera accidenlia qiiæ rémanent pendere in aère, et par les échos que reflètent les affirmations de ses disciples immédiats ou médiats, il aurait enseigne que la substance du pain et du vin disparaîtrait et que les accidents subsisteraient dans l’air. Cf. les textes de Roland, etc., dans Gietl, op. cit., p. 234, note 11 ; Sententiae divinitatis, édit. Geyer, p. 134 ; cf. Déni (le, Die Senlenzen Absclards, etc., dans VArchiv fur Literaturund Kirehengeschichle des Millelallers, 1885, 1. 1, p. 433. Le texte même d’Abélard ne nous a été conservé que par les courtes citations des Capitula errorum Pétri Abaslardi, c. ix. Voici ce que nous y lisons, édit. Cousin, t. ii, p. 768, ou P.L., t. clxxxii, col. 1052 : De speciebus panis et vini quseritur si sint modo in corpore Ciirisli, siciil prius eranl in substcuitia panis el vini quse versa est in corpus Chrisii, an sinl in acre. Sed verisimilius est quod sint in aère, cum sinl in