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EUCHARISTIE AU XI1 « SIÈCLE EN OCCIDENT


de ses paraphrases des prières liturgiques, ou la description des cérémonies de la messe qui commence avec le 1. II, pour donner une longue étude dogmatique sur l’eutharistie, col. 851-885. Il la fait débuter aussitôt qu’il a terminé l’explication de la prière du canon : ut fiai corpus et sanguis dileclissimi Filii lui Jesu Christi, col. 852, et y intercale la paraphrase des paroles qui se prononcent depuis cet endroit jusqu’aux mots : Unde et memorcs, avec lesquels s’ouvre le 1. V, col. 885. Des passages plus ou moins longs de cette œuvre se retrouvent reproduits dans les lettres d’Innocent III, comme dans celle à l’archevêque de Lvon démissionnaire, .Jean de J3elesmes, £’p !.'>7., v, 121, 29 novembre 1202, P. L., t. ccxiv, col. 1119, 1121. Cf. De sacro altaris mystcrio, 1. IV, c. v, ix.

A part les traités écrits contre Bérenger, c’est peut-être la plus longue œuvre dogmatique de toute cette époque sur l’eucharistie. Elle a sans doute des parties originales, mais fidèle à la tradition scolaire, l’auteur suit de près ses devanciers, tels que Hugues de Saint-Victor, à qui il fait des emprunts qui s’appelleraient aujourd’hui de vrais plagiats. La suite des chapitres accuse des répétitions inutiles, des manques de logique dans l’ordre, etc., où se trahit la diversité des emprunts et des modèles ; mais une étude détaillée des sources est encore à faire. Innocent III examine successivement les figures anciennes de l’eucharistie, c. ii ; sa matière, pain et viii, azyme, c. iii, iv ; sa forme actuelle et à la dernière cène, c. v, vi ; la vérité de la présence réelle, c. vu ; la présence sous l’hostie divisée, c. VIII, IX ; la communion des apôtres et de Judas, c. XII, XIII ; la double manducation, c. xiv, et la permanence du sacrement après la communion, c. xv, XVI. Ici commence un long passage sur la transsubstantiation, c. xvii-xxi ; puis quelques cas de rubriques, pain sans viii, vin oublié, etc., c. xxii-xxv. Avec les c. xxvi-xxviii, XXXV, xli, xliii (de hora institutionis ) recommence la paraphrase du canon : postquam cœnatum est, entrecoupée de questions théologiques sur la conversion de Vaqua cum vino, vinum sine aqua, etc., sur la raison d’être de l’espèce du pain et du vin, etc., c. xxix-xxxiv, sur le sacramentum et res sacramenti et les questions connexes, c. xxxvi-xl. Enfin, un dernier chapitre, xliv, donne les motifs de l’institution. On peut dire que, si les idées développées dans le De sacro altaris mysterio d’Innocent III sont le résultat de tout un siècle de recherches et d’études, leur expression même matérielle est le résumé, disons mieux, le reflet ou l’écho fidèle des principaux représentants de l’enseignement théolog ique du xii « e siècle. Si le commentaire sur les Sentences, que lui attribue le carme LouisJacques de Saint-Charles, Bibliolheca pontificia, Lyon, 1643, 1. I, p. 117, sur la foi de Possevin, ne peut se retrouver, la perte est sûrement compensée pour le chapitre de l’eucharistie par cet ample traité De sacro altaris mysterio.

II. Doctrine contenue dans ces sources.

I. sa

    1. TEBMINOLOGIB EN PROCHES##


TEBMINOLOGIB EN PROCHES. ARGVMENT PATRISTIQL’E. DÉFINITION DE L’EVCHABISTIE DANS LA SÉRIE DES SACRE MENi’S. — De l’examen de ces nombreux traités généraux ou particuliers qui se succèdent au xiie siècle, se dégage une première constatation : le progrès constant de la terminologie qui va se fixant. Alger de Liège, op. cit., I, 5, 17, P. L., t. CLxxx, col. 752, 791, avait déjà fait remarquer les confusions qui surgissent de l’emploi d’un vocabulaire mal défini et tout ce qui a été dit à ce moment sur le sacramentum, etc., confirme sa remarque. Petit à petit les mots prennent non seulement un sens plus précis qui écarte les synonymes et les expressions tâtonnantes, mais, en outre, on en crée de nouveaux, tel celui de Iranssubslantialio dont on parlera plus bas. Les espèces du pain et du vin désignées d’une manière fort différente :

forma, Alger, i, 9, col. 760 ; Pierre le Vénérable, t.cLxxxix, col. 803 ; Rob. Pulleyn, t. clxxxvi, col. 967 ; Innocent 111, 1. IV, c.ix, P. L., t. ccxvii, col. 862, etc. ; figura (passim) ; s pecies, Wger, ii, 1, col. 809 ; Rob. Pulleyn, col. 967 ; Grégoire de Bergame, c. xxx, p. 116, etc. ; qualilas naturæ, qualilates occidentales, Alger, 1, 7, col. 757, 810 ; Grégoire de Bergame, c. xxi, p. 85 ; Arnoul de Rochester, d’Achery, Spicilegium, t. ii, p. 441 ; Rob. Pulleyn, col. 967, etc. ; proprietales, Rob. Pulleyn, col. 966 ; Pierre de Poitiers, 1. V, cxii, P. L., t. ccxi, col. 1247, etc., marquent une tendance, qui s’affirme de plus en plus, à préférer le mot de species et mieux d’accidentia. Guitmond l’emploie déjà, II, P. L., t. cxLix, col. 1450 ; Guillaume de Saint-Thierry, P. L., t. CLxxx, col. 343 ; Hildebert ( ?), accidentia sine subjecto, P. L., t. CLXxi, col. 1153 ; Baudouin de Canterbury, P. L., t. cciv, col. 771 ; Pierre de Blois, P. L., t. ccvii, col. 420 ; Etienne de Tournai, De consecralione, 1. II, c. xxxii, p. 272 ; Alain de Lille, Pierre de Poitiers, etc., avant eux Pierre Lombard et Gratien, passim. Ce mot finira par dominer exclusivement. Le terme de forma qui s’appliquait souvent à l’ensemble du rite consécratoire ou à la matière et à la forme, voire même au ministre : par exemple, Giraud le Cambrien, Gemma ecclesiastica, i, 8, p. 26-28 ; Césaire d’Heisterbach, D(n/o(7 ! îs, ix, 1, p. 166 ; Rufin, op. cit., p. 551 ; Innocent III, 1. IV, vi, viii, P. L., t. ccxvii, col. 859, 861 ; Pierre de Poitiers, Hœc attenditur in rébus et in verbis, 1. V, c.xi, P. L., t. ccxi, col. 1243, commence à désigner purement les formules : hoc est.., hic es<, c’est-à-direce qui, depuis Guillaume d’Auxerre, sera appelé désormais dans le langage technique la « forme » du sacrement. Il en va même avec le mot materia. En même temps se précisent les divers sens que peut revêtir le mot conversio et l’on écarte ceux qui ne correspondent pas à la réalité de la conversion eucharistique. Sans doute, ce travail ne se fait pas sans tâtonnements ; il s’y mêle des qualificatifs qui ne sont pas toujours heureux, ou des comparaisons qui manquent totalement de justesse, comme dans la lettre d’Hildegarde au clergé de Mayence, voir plus loin ; mais sous l’expression hésitante ou l’explication incomplète, la vraie croyance à la chose se laisse apercevoir sûrement.

L’ordre même et la disposition d’ensemble ou de détail des traités doit trop se débattre contre la fascination des anciens textes qui se présentent auréolés par les siècles, ou contre l’attrait des discussions polémiques, surannées ou actuelles, qui veulent être enregistrées, pour qu’un Magister divinitatis consente à les omettre sans engager sa réputation. De là, entre autres causes, des digressions, des répétitions, des longueurs, aussi bien à la fin qu’au début du siècle. Il faut attendre une main vigoureuse, au service d’un esprit puissant, pour étreindre tout cela en une systématisation parfaitement logique ; le xiii* siècle y sera aidé d’ailleurs par l’assoupissement de certaines questions fort agitées auparavant.

La documentation patristique est abondante assurément, principalement dans les traités antibérengariens, les collections canoniques de Gratien, d’Yves, d’Alger, etc., chez quelques Sommistes qui utilisent ces divers dossiers. Remarquons la survivance des principaux textes du Liber de corpore et sanguine Domini d’Hériger de Lobbes, jadis attribué à Gerbert ; cf. dom Morin, Les Dicta d’Hériger de Lobbes sur l’eucharistie, dans la Revue bénédictine, 1908, t. xxv, p. 1-18, qui lui-même puise dans Paschase Radbert, J. Ernst, Die Lehre des hl. Paschasius Radbertus von der Eucharistie, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 27, et celui-ci est dépendant de Fauste de Riez, cité sous le nom d’Eusèbe d’Émèse. Ibid., p. 36 ; P. L., t. xxx, col. 271.