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EUCHARISTIE DU IX « A LA FIN DU XP SIÈCLE


tromper tant qu’on n’a pas pris garde que la terminologie sacramentaire n’était pas fixée au ixe siècle, que la signification des termes sacramentum, veritas, figura, res, virtus, natura, spirilus, species, substantiel, etc., n’était ni toujours ce qu’elle est aujourd’hui ni constamment identique chez les écrivains de la reiuiissance carolingienne. Une étude approfondie de la question a fait la lumière. Il est acquis maintenant que, à l’exception peut-être de Jean Scot Ériugène, les écrivains du ix'e siècle s’accordent dans la foi à la Y>résence réelle. Aussi n’est-ce qu’improprement qu’on place aux ix’= et xe siècles la première controverse eucharistique, et au XI’siècle la seconde ; la véritable bataille, ce que les Allemands nomment A ôendm’iWslrcit, éclate, pour la première fois, avec Bérenger. CL F.Kattenbusch, Realencykiopàdie, 1908, t. xx, p. 60.

Le corps eucharistique du Christ est à la fois identique à son corps historique et différent dans son mode d’être. En appuyant sur l’identité, Paschase Radbert sauvegarde mieux la présence réelle que Ratramne et ceux qui, avec lui, insistent sur la différence. L’erreur de Bérenger vient de ce qu’il n’a vu que la différence. Il l’a vue si exclusivement qu’il n’a pas réussi à entrer dans la pensée de Lanfranc et de Paschase, je ne dis pas pour l’adopter, mais même pour la comprendre. Il part en guerre contre Paschase et Lanfranc, en supposant que, d’après eux, le corps historique du Christ serait divisé en autant de parcelles, porliuncula carnis Domini, qu’il y eut ou qu’il y aura d’hosties consacrées, et que ce corps, ainsi démembré presque à l’infini et gardant son mode d’être, serait consommé par les conmnmions successives. H. Reuter, Geschichte dcr religiôscn Aufhiûrung im Mitlelalter, Berlin, 1875, t. i, p. 287, note 12, relève une douzaine de textes de Bérenger sur cette prétendue portiuncula carnis Domini. Que le même corps, présent au ciel dans son être matériel et physique, soit présent dans les hosties consacrées selon un mode d’être spirituel, cette idée ne semble pas même un instant eflleurer son esprit. Le résultat, c’est que, malgré des efforts pour maintenir la présence réelle, Bérenger s’exprime sur elle d’une manière confuse, et, finalement, à travers toutes sortes de contradictions, l’ébranlé, s’il ne la rejette pas tout simplement.

La transsubstanlialion.

Quoiqu’il n’ait pas

évité les expressions équivoques, Ratramne ne semble pas pouvoir être rangé parmi les adversaires de la transsubstantiation. Les centuriateurs de Magdebourg écrivent même, Centur., IX, c. iv. De doclrina : iranssubsianliationis semina habcl Ratramnus. Quant à Bérenger, quelle qu’ait été son opinion sur la présence réelle, il n’a sûrement pas admis la transsubstantiation. Des deux classes de ses disciples, pendant que l’une ne voulait pas la présence réelle, l’autre la conservait, mais à la transsubstantiation elle substituait l’impanation, conformément, disait-elle, à la pensée intime du maître. La négation bérengarienne poussa les écrivains orthodoxes à un travail scientifique diligent qui perfectionna l’exposé théologique du dogme. Déjà Paschase Radbert l’avait fait progresser. Son enseignement sur l’identité du corps eucharistique et du corps historique du Christ conduit à préciser la nature de la conversion substantielle produite par la consécration, « à en distinguer nettement le terminus a quo, le terminus ad quem, et, par suite, le moyen terme… Le terminus a quo, c’est-à-dire le pain et le viii, dans ce que Paschase appelle leur réalité ou substance, et qui manifestement se distingue dès lors de leurs apparences sensibles, cessent d’être ; et le terminus ad quem, c’est-à-dire le corps et le sang du Christ, dans ce que Paschase appelle un mode spirilucl d’être, un mode extraspatial et insaisissable

aux sens, succèdent au terminus a quo. r, Paschase est moins heureux quand il définit l’opération par laquelle le corps succède au pain, le sang au vin ; il l’appelle une création, Liber de corpore et sanguine Domini, c. XV, n. 1, P. L., t. cxx, col. 1321, et ce mot imprudent sera repris par Raban Maur, Epist., iii, ad Egilem Prumiensem abbatem, c. i, P. L., t. cxii. col. 1512, 1517, par Adelman de Liège, De eucharistise sacramento ad Berengarium epistola, P. L., t. cxLiii, col. 1293, par Ascelin le Breton, Epist. ad Berengarium, P. L., t. cl, col. 67, etc. « En outre, on ne comprend pas que ce corps spirituel, rendu présent sous le voile des apparences du pain, soit numériquement identique au corps glorieux du Christ, et identique à lui-même en toutes les hosties. Il faudrait que Paschase ait la notion de la présence substantielle, c’est-à-dire une théorie métaphysique de la constitution des corps, qui résolve métaphysiquement le problème de la multiiocation du corps glorieux et de l’identité du corps glorieux ou historique et du corps eucharistique, en faisant de l’étendue un accident : mais cette métaphysique manque à Paschase et à ses contemporains. » P. Batifîol, L’eucharistie, la présence réelle et la transsubstantiation, p. 359, 365, 366-367. Paschase est suivi et amélioré par Haymon d’Halberstadt. Au xie siècle, nouveaux progrès. Guitmond d’Aversa, en particulier, apporte de telles précisions que, sauf le mot qui ne tardera guère, VExposilio canonis missee qui le renferme, P. L., t. cxlv, col. 883, est attribuée faussement à saint Pierre Damien. cf. J. de Ghellinck, A propos du premier emploi du mot transsubstantiation, I, dans Recherches de science religieuse, Paris, 1911, t. ii, p. 466-469, il formule tout le dogme de la transsubstantiation. Cf. Loofs, Realencykiopàdie, 189Q, 1. 1, p. 64 ; F. Kattenbusch, Realencykiopàdie, 1908, t. XX, p. 61. Voir Eucharistie au xii’^ SIÈCLE EN Occident, col. 1233. En attendant le mot « transsubstantiation » , nous avons, dans Guitmond encore, le mot impanatio, 1. III, col. 1490 ; cf. col. 1430, 1469, 1482, 1488. Et, en attendant la définition du IV « concile oecuménique de Latran, qui contiendra le mot « transsubstantiation » , le concile non œcuménique de Latran de 1079 exige de Bérenger une profession de foi qui renferme la doctrine de la transsubstantiation.

L’eucharistie après la consécration.

 Une fois

établies la présence réelle et la transsubstantiation, plus d’une question restait à éclaircir. Que devient l’eucharistie après la consécration, après la communion ? Que deviennent le corps et le sang du Christ ? Que deviennent les saintes espèces ? Sur ces points-là, et sur tous les problèmes connexes, la pensée des écrivains du ix^^ à la fin du xi'e siècle est moins sûre que sur les précédents ; elle hésite, elle s’embrouille, elle tombe souvent dans de vraies puérilités, et elle n’échappe pas toujours à l’erreur.

Que devient le corps du Christ ? On se rappelle l’attitude d’Amalairc en présence des solutions qu’il entrevoit : après la communion, le corps du Christ remonte au ciel, ou il reste dans le corps du communiant, ou il s’exhale dans les airs, ou il sort du corps avec le sang, ou, entraîné dans le courant de la digestion, il est sujet aux mêmes vicissitudes que les aliments et in secessiim emittitur. A l’extrême opposé du nominalisme eucharistique, pour lequel il n’y a dans l’hostie consacrée que la figure du corps du Christ, il y eut donc une sorte d’ultraréalisme et, comme on l’appela au xie siècle, de stercoranisme, qui apparut au moins comme possible. Faut-il aller plus loin et croire qu’il eut des partisans avoués ? La chose demande examen. On a eu tort de compter Amalaire parmi ses tenants ; dans la lettre ad Guntradum, il ne veut pas discuter les opinions diverses qu’il énumère, et ailleurs il se déclare pour la permanence