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EUCHARISTIE DAPRÈS LES PÈRES

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la christologic antiochienne au v siècle, dans les Éludes, 1908, t. cxvii, p. 477 sq., écarte avec raison saint Augustin et montre, comme nous l’avons déjà noté, que les autres ne font connaître qu’une école et qu’une époque, l’école antiochienne du Ve siècle ; tentative isolée et assez courte, qui n’a pas empêché la doctrine traditionnelle de suivre son cours. L’opinion erronée de Théodoret et des autres provient de la position prise par eux en face du monophysisme et de l’assimilation trop étroite qu’ils ont voulu voir entre le mystère eucharistique et le mystère de l’incarnation.

2. Argumentation de Théodoret contre le monophysisme. — Théodoret, qui avait formulé la théorie de l’incarnation dans ces quelques mots : 6’jo çjasfov î-/ti>n’. ; ctTJyyjz’ic, l’union sans confusion de deux natures, voulut en montrer la vérité en faisant appel au dogme eucharistique. L’eutychicn qu’il combat soutenait que la nature humaine, dans le Christ, a été absorbée par la divine après l’ascension comme une goutte de miel jetée dans la mer est absorbée par la mer, que l’humanité du Sauveur a dès lors perdu sa nature et a été changée en la nature divine et qu’elle n’a plus ce qui caractérise un corps humain ; pour l’établir, il s’appuyait sur le changement qui s’opère dans l’eucharistie, où le pain n’est plus du pain mais devient le corps du Christ. De la réplique de Théodoret il faut retenir que, tandis que le dogme de la présence réelle n’est pas mis en question, celui de la conversion se trouve mal expliqué, sinon nié.

a) Les textes. — « Dans l’institution des mystères, le Christ a appelé le pain corps et le vin sang. — En effet.

— Mais selon la nature, le corps ne peut être appelé que corps et le sang ne peut être appelé que sang. — J’en conviens. — Or, notre Sauveur a changé les noms : il a donné à son corps le nom du symbole et au symbole le nom de son corps. De même s’étant appelé lui-même la vigne, il a appelé le symbole son sang. — Tu dis vrai, et je voudrais connaître la raison de ce changement. — La raison en est claire pour les initiés aux mystères : Jésus-Christ a voulu que ceux qui participent aux mystères ne considérassent pas la nature de ce qu’ils voient, mais que, par ce changement de noms, ils eussent foi dans le changement opéré par la grâce, T/) £y. yàpiTo ; ysvEvrp.Évi, (Jcrago/r. Car lui qui a appelé son corps naturel froment et pain, et qui s’est nommé lui-même la vigne, il a honoré les symboles visibles du nom de corps et de sang, non pas qu’il ait changé la nature, mais parce qu’il a ajouté lagrâce à la nature, où rr, cpj<jiv jj.STaoaXo’iv, a>, ).à ttiV /âpiv t’^ cp-J<T£i Trpo17TE6£iy.(, ’)c. « Eranistes, i, P. G., t. lxxxiii, col. 56. « Dis-moi, les symboles mystiques, qui sont offerts à Dieu par les prêtres, de qui sont-ils les symboles ? — Du corps et du sang du Seigneur. — Du corps réel ou non réel ? — Du corps réel. — Très bien… Si donc c’est du corps réel que les divins mystères sont le symbole, le corps du Seigneur est encore maintenant un corps, il n’a pas été changé en nature divine, mais rempli de gloire divine. — C’est fort à propos que tu as parlé des divins mystères ; car, par eux, je te montrerai que le corps du Seigneur est converti en une autre nature. Réponds donc à mes questions. — J’y répondrai. — Avant l’épiclèse sacerdotale, comment appelles-tu les dons offerts ? — Je ne dois pas le dire clairement, car il y a sans doute ici des noninitiés. — Réponds donc énigmatiquement. — L’aliment fait de tels grains. — Et l’autre symbole, comment l’appelons-nous ? — Ce nom est aussi connu, et signifie breuvage. — Mais, après la consécration, comment les appelles-tu ? — Corps et sang du Christ.

— Et tu crois participer au corps et au sang du Christ ? — Je le crois. — De même donc que les symboles du corps et du sang du Seigneur sont une chose avant l’épiclèse sacerdotale, et après l’épiclèse sont

transformés et deviennent autre chose, de même le corps du Seigneur après l’ascension a été transformé en la substance divine. — Tu es pris dans tes propres filets ; car, après la consécration, les symboles mystiques ne perdent pas leur nature propre, ol/.Ei’a : ç.l17c ;  ; ils demeurent dans leur substance première, TtooTôpa ; oOcia ;, dans leur apparence, c/r.u.aT’vç, dans leur forme, îÏSoj :  ; ils sont visibles et tangibles comme ils l’étaient auparavant. On ne peut que concevoir ce qu’ils deviennent, et le croire, et l’adorer, comme étant ce qu’on les croit, voeÎTai ôk aziç, i- ; i-it-o, /.al -iiTTE-JcTa :, -/.ai -poaxuvEÏTai, m ; èy.cîvz ovTa intr. TiuTTE-Jc-a !. » Enmistes, ii, col. 165-169. « Rappelle-toi ce que le Seigneur (à la cène) a pris et rompu, et de quel nom ensuite il l’a appelé. — A cause des non-initiés, je parlerai mystiquement. Le Christ prit, rompit, partagea à ses disciples, et dit : « Ceci est mon corps donné pour vous. » Puis : « Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, « répandu pour beaucoup. » — Il n’a donc pas parlé de sa divinité, en présentant la figure de sa passion ?

— Non pas. — Mais de son corps et de son sang ? — C’est vrai. — C’est donc son corps qui a été cloué sur la croix ? — Il le semble. » Eranistes, iii, col. 269-292.

b) La présence réelle. — Ce qui se dégage tout d’abord de ces passages, c’est que la question de la présence réelle ne soulève pas la moindre difficulté entre les deux interlocuteurs. Sans doute Théodoret parle de changements de noms : ces changements s’expliquent-ils de la même manière ? N’y a-t-il pas au contraire une différence caractéristique qui les distingue ? Quand Jésus s’appelle lui-même vigne ou froment, il est évident que personne n’admet qu’il devienne pour autant vigne ou froment, pain ou viii, tout le monde y voyant une métaphore. Mais quand il dit du pain que c’est son corps et du vin que c’est son sang, ce n’est plus une simple métaphore, puisqu’il s’agit alors, comme l’indique Théodoret, d’un changement, invisible mais réel, opéré par la grâce. Or, quelle que soit la nature de ce changement, ce qui est une question distincte et à examiner séparément, le changement des noms en vue de faire croire à ce changement opéré par la grâce suffit pour écarter toute métaphore. Il n’y a donc point parité entre ces propositions : Jésus est appelé vigne, le pain est appelé corps du Christ, parce que c’est métaphoriquement qwe Jésus est appelé vigne, tandis que le pain est appelé corps du Christ au sens propre, le pain étant devenu ce corps. La preuve en est dans la différence des noms donnés aux oblats, soit avant, soit après la consécration et l’épiclèse. Avant, on les nomme du pain et du vin ; après, on les nomme le corps et le sang du Christ ; dans l’intervalle s’est produite une).E-aoo’i.r, , et il faut concevoir par l’esprit, et croire, et adorer comme étant ce qu’on les croit, à savoir le corps et le sang du Christ.

c) La transsubstantiation. — L’accord des deux interlocuteurs est-il le même sur la nature du changement qui s’opère ? Loin de là ; chacun d’eux l’entend à sa manière et c’est le monophysite qui l’entend correctement, sauf ensuite à en tirer une conséquence erronée. « De même, dit-il, que les symboles du corps et du sang du Seigneur sont une chose avant l’épiclèse sacerdotale, et sont ensuite transformés et deviennent une autre chose, de même le corps du Seigneur, après l’ascension, a été transformé en la substance divine. » Le principe est juste, la conclusion fausse. De son côté, l’orthodoxe, c’est-à-dire Théodoret, nie-t-il toute fj.£7aêo/T, ? Nullement ; il se contente simplement de l’expliquer de manière à pouvoir en inférer l’existence des deux natures dans le Christ après son ascension. Ici la conclusion est juste, mais le point de départ ne l’est pas, puisqu’on