Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/579

Cette page n’a pas encore été corrigée
1129
4130
EUCHARISTIE D’APRÈS LES PÈRES


affînne le même rcnlisnic, la même cause efficientc, la même cause finale, sauf à insister cnergiquement sur l’immortalité du corps humain due à la réception du corps du Christ. Les gnostiques docètes, quoique niant que le Christ eût pris une chair véritable, célébraient la liturgie eucharistique tout comme les catholiques ; c’était une inconséquence, dont saint Irénée se fait un argument ad hominem. « Comment peuvent-ils prétendre, demande-t-iL Conl. hirr., iv, 18, P. G., t. VII, col. 1027, que le pain sur lequel on a rendu grâces est le corps de leur Sauveur, et que le calice est le calice de son sang, s’ils ne le reconnaissent pas comme le Fils du créateur du monde ? » « Si le Seigneur ne nous a pas rachetés par son sang, il n’est pas vrai de dire que le calice de l’eucharistie est la communion de son sang et que le pain que nous rompons est la communion de son corps. Car le sang suppose des veines, des chairs et tout ce qui fait partie de la substance humaine, par laquelle le Verbe de Dieu est véritablement devenu homme. Comment peuvent-ils soutenir que le pain sur lequel on a rendu grâces est le corps de leur Sauveur et que le calice contient son sang s’ils ne voient pas en lui le Fils de celui qui a créé le monde ? » Cont. hier., v, 2, col. 1124-1125. Un tel argument suppose la foi en la présence réelle, sans quoi la réplique était facile : « De même que pour vous, catholiques, l’eucharistie n’a que la valeur d’un symbole, de même, pour nous, l’incarnation se réduit à une apparence : il n’y a pas plus de chair véritable d’un côté que de l’autre. L’incarnation, telle que nous l’entendons, ne différe pas de l’eucharistie, telle que vous l’entendez. » D’autre part, saint Irénée se sert encore du dogme de la présence réelle pour prouver la résurrection de la chair, que niaient les adversaires qu’il combat. « Le Verbe de Dieu, dit-il, a déclaré que le Calice contient son propre sang, a’jja ïîiov, par lequel il pénètre le nôtre, et il nous a garantis que le pain est son propre corps, iSiov aoij/.a, par lequel il fortifie le nôtre. Lors donc que la parole de Dieu est descendue sur le calice renfermant du vin mêlé d’eau et sur le pain, quand ces deux éléments sont devenus l’eucharistie, corps du Christ, la substance de notre chair est raffermie et fortifiée par là. Comment donc peuvent-ils nier que la chair soit susceptible de prendre part au don de Dieu, qui est la vie de l’éternité, elle qui se nourrit du corps et du sang du Seigneur, et qui forme un de ses membres, tT|V Tâpxx… àno toO a(.’)(iaTo ; /.3. ai’u.ato ; zn-’j K-jp ; ou T ; >c : pofj.£vi, v -/ai ii, É)o ; avToO (cnip/o-, 7av ? Cont. hœ’r., v, 2, 3, col. 1126. « Quand saint Paul dit que nous sommes les membres du corps du Christ, formés de sa chair et de ses os, il ne veut point parler d’un homme purement spirituel et invisible, car l’esprit n’a ni os ni chair. Il désigne par ces mots la véritable substance de l’homme, faite de chair, de nerfs et d’os, pour laquelle le calice, qui est le sang du Christ, et le pain, qui est son corps, deviennent une nourriture. l-’A de même que le cep de vigne caché en terre fructifie en son temps, que le grain de blé confié au sol se dissout pour reparaître et se multiplie par l’esinit de Dieu qui contient toutes choses, et qu’enfin ces éléments, destinés à l’usage des hommes dans les desseins de la sagesse divine, devi, nnenl, par la vertu de la parole de Dieu, l’eucharistie, c’est-à-dire le corps et le sang du Christ, ainsi nos corps, nourris par l’eucharistie, sont placés dans le sein de la terre, où ils se décomposent, pour ressusciter dans le temps. - C.nnt. hær., v. 2, 3, col. 1126. « Nous offrons il Dieu ses propres dons, en ; ifflrniant d’un côté l’union intime ilii Verbe avec la nature humaine, et, de l’autre, la résurrection de la chair qui sera réunie â l’âme. Car de même quc le pain : q> vient de la terre, recevant l’invocation divine, cesse d’être un pain ordinaire pour devenir l’eucharistie composée

de deux éléments, l’un céleste, l’autre terrestre, ainsi nos corps, en recevant l’eucharistie, ne sont plus corruptibles sans retour, mais ils ont l’espoir de ressusciter pour l’éternité. » Cont. har., iv, 18, 5, col. 10281029. Luther, Kahnis, Fuse}’et Goie reconnaissent ici deux éléments de nature distincte : l’un terrestre, le pain, l’autre céleste, le corps c’u Christ. Bellarmin, Schwane et Stiuc^mann veulent voir dans le premier l’espèce ou l’apparence du pain. Massuef, Dccllinger, Mcchler et Mgr Bitiffol reconnaissent dans ce que sair.t Irénée nomme « eucharistie » le corps du Christ, et les deux éléments qui le composent sont le terrestre, la chair, et le céIc^lc, le Verbe.

Ces affirmations de saint Irénée ressemblent à celles de saint Justin : même réalisme d’abord : c’est la présenceréelledu corps et du sang du Christ ; mais saint Irénée note la présence d’un double élément, l’un matériel et terrestre, la chair, l’autre spirituel et céleste, l’esprit ; même intervention divine : saint Justin parlait d’un tùyf, i Àôyo : ô irap’a-JTo-J, c’est-à-dire d’une prière venant de Jésus, saint Irénée parle d’un)6yoç Toù 0EO-J, qui n’est pas le Logos de Dieu, mais une parole de Dieu, sans spécifier laquelle : même effet : l’alimentation du fidèle. En termes d’un réalisme singulièrement expressif, saint Irénée parle de notre chair nourrie du corps et du sang du Seigneur, iy. toO 7 : oTrip ; ou S i<y-i tô alfi-a aCroO xpéçEtai, y.cd ex toCj i’pTOu 5 âdTi tô (jcôu.a otvToO aiJitiai, — àizd toû « rwjjaTo ; y.at a"u.aTo ; -où Kupiou TpêçofiévriV. Et c’est là qu’il voit un argument en faveur de la résurrection, argument qui sera repris par Tertullien, saint Grégoire de Nysse, saint Jean Chrysostome, saint Cyrille d’Alexandrie. Mais pas plus que saint Justin, saint Irénée n’aborde ni ne traite les problèmes que soulève le dogme de la présence réelle : celui-ci est mis hors de doute sans contestation possible, et l’on se demande comment Steitz, encore au dernier sècc. Die Ahendmal.lslchrc der gricschiehen Kirche in ihrcr geschichtiichen Entwickelung, dans Jahrbiichcr fiir dcutsche’1 heologie, 1864, t. IX, p. 465 sq., a pu en appeler à saint Irénée’en faveur de la théorie symboliste. Loofs, du moins, Abendmahl, lac. cit., p. 48, reconnaît que l’évêque de Lyon a pensé et parlé comme saint Justin.

5 » A Cartilage. — Ici, deux témoins s’offrent à nous à quelques années d’intervalle, Tertullien et saint Cyprien, attestant l’un et l’autre la présence réelle du Christ dans l’eucharistie, mais employant l’un’et l’autre des expressions ou des formules qui évoquent l’idée d’un certain symbolisme, et qu’en n’a fiis manqué d’exploiter pour infirmer bien à tort la valeur de leur témoignage positif en faveur du dogme de la présence réelle.

1. Tertullien, tout d’abord, traite l’eucharistie de chose sacrée, de sacramentum, comme le baptême, Adv. Mareion., iv, 34, P. L., t. ii, col. 442 ; on a soin, dit-il, de n’en rien laisser tomber à terre. De coiona, 3, ibid., col. 80. Or, l’eucharistie c’est le corps du Christ, De oralionr, 19 ; De idololalria, 7, P.I…I. i, col. 1183, 669, auquel l’homme prend part, dès qu’il est baptisé, pour s’en nourrir : opiwate dominici corporis vescitur, eucharistia scilicel. De pudicitia, 9, /’. L., t. ii, col. 998. L’homme étant un composé d’âme et de corps, c’est par le corps que les sacrements atteignent l’âme, cl c’est pourejuoi caro corpore et sanguine Chrisii vescitur ut anima Deo saginctur. De rcsur. (cirnis, 8. P. J… t. ii, col. 806. L’usage voulait alors que le fidèle ne communiât pas seulement à la réunion liturgique, mais encore qu’il emportât chez lui des esjiéccs consacrées pour se communier lui-même, accepta corpore Domini et rrsetvato. De nmlione. 10. P.I.., t. r, col. 1183 ; mais cela pouvait oflrir des inconvénients, surtout dans les familles dont tous les membres ne