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EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAINTE ÉCRITURE


l’un des trois ou quatre calices du repas pascal. » Van Crombrugghe, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, Louvain, 1908, p. 333. Le verbe « rendre grâces » employé au > 17, sous-entendu auy. 20, a le même sens dans les deux cas. Il correspond au mot « bénir » qu’emploient à propos du pain saint Marc et saint Matthieu. Donc, il peut ne pas signifier consacrer, mais prononcer une prière d’actions de grâces ou d’offrande à Dieu. Cette explication « se recommande de la forme aoriste du^verbe, employée pour exprimer une consécution entre les divers actes décrits et le caractère secondaire de la bénédiction ; …elle se trouve confirmée par le sens primitif de £Jyapi<7T£ ; v qui ne comporte en aucune façon l’idée de consécration. » Les mots " ayant rendu grâces » peuvent donc avoir le même sens dans les deux présentations de la coupe. « Et ainsi se trouvent infirmées l’hypothèse d’une double consécration et celle d’une inversion de l’ordre habituel dans la présentation du pain et du vin consacrés. » Van Crombrugghe, loc. cit., p. 33. M. Mangenot. Les Évangiles synoptiques, p. 463, présente cette explication sous une forme qui la rend encore plus probable. II propose de voir, dans la coupe mentionnée par saint Luc, la première du repas pascal, la coupe du kiddûs sur laquelle était prononcée la parole : « Sois loué. Éternel, notre Dieu, roi de l’univers qui as créé le fruit de la vigne. » Ces derniers mots préparaient très bien l’aflirniation : « Je ne boirai plus du fruit de la vigne… »

A cette interprétation, des critiques ont opposé une objection assez spécieuse. L’équivalent duꝟ. 18 : « Je ne boirai plus du fruit de la vigne » se retrouve dans les récits de Matthieu et de Marc ; et, cette fois, la parole est rattachée à la consécration de la coupe eucharistique. C’est donc encore de cette coupe que parle saint Luc au V. 18. Cette observation suppose que les Synop)tiques se sont astreints à reproduire selon un ordre chronologique très rigoureux les paroles de la cène. Même, s’il en est ainsi, d’ailleurs, on peut résoudre la difficulté. Les deux premiers évangélistes qui ne « lécrivent pas le festin pascal et qui voulaient cependant garder le souvenir de la parole : « Je ne boirai plus… » ont dû la rattacher à la distribution de la seule coupe qu’ils mentionnent.

Ceux qui ne trouveraient pas cette réponse satisfaisante pourraient se souvenir de l’hypothèse de .Mgr Batiffol. Cp. cil., p. 32 33. Voir aussi Feinc, Eine vorkanonische Ucbcrliefcrung des I.ukas, p. 62. Saint Luc « aurait donné, 19-20, le récit de la cène conforme à la tradition de saint Paul… « D’autre part, il aurait -connu une autre tradition du même événement « où des traits accessoires étaient notés qu’(il] n’a pas voulu omettre et qu’il a placés comme à la marge du premier texte ; » ce sont les versets Ifi-lS. Il est vrai que cette hypothèse ne s’accorde pas très bien avec ce que nous savons des habitudes de saint Luc, écrivain qui d’ordinaire utilise mieux ses sources ; ici, il se contenterait de mettre bout à bout des récits au risque de tromper le lecteur et de paraître contredire les récils parallèles.

Le théologien n’est pas obligé de choisir : il cons tale que les explications satisfaisantes du texte long ne manquent pas. Cette étude lui permet de dégager les conclusions suivantes : Les témoins de la leçon longue sont les plus nombreux ; la critique textuelle favorise cette rccension et, tandis qu’il est impossiblc de faire l’exégèse du texte court, on rend raison de la forme commune.

Les dépositions de saint Paul et de saint Luc <lemcurent <lonc entières, elles émanent d’eux.

b) Les ténwignagrs sont concordants et ne permettent pas de découvrir une source primitive qui 1rs contredirait.

— Tout n’est pas dit quand on a démonlré l’authen ticité des divers témoignages. Il reste à établir que l’historien peut les utiliser pour reconstituer les actes et fixer les intentions de Jésus-Christ lui-même. Des critiques ont cru découvrir entre les divers récits une opposition qui infirmerait leur autorité. Ils se sont demandé si on ne pouvait pas surprendre à travers et derrière eux une source primitive perdue aujourd’hui, différente de la tradition écrite et qui, seule, se rapprocherait du fait accompli. C’est ce travail qui doit être vérifié.

La cène, telle que nous la connaissons, se compose de la déclaration eschatologique, de la consécration et de la distribution du pain et du viii, des paroles de l’institution. Qu’a fait et dit Jésus ?

a. Jésus a prononcé le logion eschatologique. — On ne conteste pas l’historicité de l’affirmation : « Je ne boirai plus désormais du fruit de la vigne. » Sans doute, saint Paul ne rapporte pas ce logion ; mais il écrit pour prouver plutôt que pour raconter : aussi va-t-il droit à son but, négligeant tout ce qui ne peut lui servir d’argument et n’est pas nécessaire pour la cohésion et l’intégrité substantielledu récit. D’ailleurs, si cette parole — et c’est une opinion assez répandue

— a été prononcée sur une coupe pascale et non sur le vin eucharistique, l’apôtre n’avait pas à la reproduire. Enfin, sa narration n’exclut pas ce mot. On a pensé ausssi que saint Matthieu et saint, Marc ne parlent pas tout à fait comme saint Luc qusqu’à ce que je le boive nouveau dans le royaume de mon Père, Matth., Marc ; jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu, Luc). Il ne faut pas s’en étonner ; l’auteur du troisième Évangile, plus préoccupé que les deux autres des païens, atténue ce que les images empruntées à l’eschatologie juive pouvaient avoir de choquant pour certains lecteurs. Au reste, l’authenticité de la déclaration du Christ est garantie par son propre contenu : l’idée du banquet messianique est familière à Jésus ; la pensée émise est à sa place, en ce moment : c’est un mot d’adieu et une allusion au prochain rendez-vous.

b. Jésus a présenté le pain comme son corps, le vin comme son sang. — La consécration et la distribution de la coupe eucharistique ont été niées ou mises en doute par plusieurs critiques. Gogucl, op. cit., p. 84 sq. ; Brandt, op. cit., p. 290 sq. ; Pfieiderer, Bas Urchristentum, seine Schriftenund Lchren, Berlin, 1902, t. i, p. 387 ; J. Weiss, Die Predigt Jesu vom Ueiclie Gottes, Gœttingue, 1900, p. 198. Sans aller aussi loin, d’autres soutiennent du moins que l’insertion de l’idée d’alliance dans les paroles prêtées à.lésus est une interpolation paulinisante. Ils observent que la formule prononcée sur la coupe est citée sous une forme spéciale, par chacun des quatre témoins, et que si on peut, à la rigueur, rapprocher celle de Matthieu de celle de Marc, celle de Luc de celle de Paul, les deux formes auxquelles on aboutit ainsi sont tout à fait dilTérentes l’une de l’autre. ^Vredc, dans Zeitschrift fiir dir neulestamentliche Wissenschaft und die Kunde des l’rchristentums, 1900, p. 69 sq.. a même cru découvrir la trace du remaniement qui a introduit dans la formule primitive des deux premiers Synoptiques : Ceci est mon sang, la mention de l’alliance. Les expressions de Matthieu et de Marc, to aîtxa ; j.ov triC &iaOT, xr, :, qui lui semblent lourdes et incorrectes, lui prouvent que primitivement on lisait : to a’|ia iot comme on lit encore au sujet du pain : tô T’.iiot i/ou et que, sous l’influence de la tradition pauliniennc, on a cousu tant bien que mal à une phrase déjà faite la mention de ralliance. V.l Bousset. Die Evangcliencitate Justins des Mnrtyrers, Gœttingue, 1891, p. 112 sq., remarque, à l’apjjui de ce sentiment, que la relation de la cène conservée par saint.Uisi’in. A pot., I.i.xvi, /’. G., t. VI, col. 128, fai t prononcer par.Jésus sur la coupe ces