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ENFER D’APRÈS LES OPINIONS ERRONEES

(Voltaire, Diderot, etc.), au xviiie siècle ; hesitalioiis de l’école éclectique au xixe siècle. Finalement, le spiritualisme indépendant sombra, lui aussi, dans le rationalisme et la négation de l’enfer. Cf. J. Simon, La religion naturelle, p. 333.

2. Quant à ceux qui croient à un certain enfer ou mieux à une certaine sanction dont ils nient l’éternité, ils rentrent dans trois catégories, selon qu’ils admettent le conditionalisme, la variabilité indéfinie ou l’universalismc.

a) Conditionalisme. — Selon cette conception, les hommes qui, finalement, ne peuvent arriver à l’heureuse immortalité sont anéantis. La vie est un don ; un don ne s’impose pas. Un don que personne ne vous a demandé, vous le retirez lorsqu’il est mal employé ; mais vous ne faites pas exprès de le maintenir, pour faire souffrir celui qui n’en veut pas. I, ’homme est donc libre de se préparer une immortalité de bonheur, en employant bien, vertueusement, le don divin de la vie, ou d’y renoncer en renonçant à la vertu. Ainsi, qu’il fasse ce qu’il voudra ici-bas de crimes, d’impiétés, d’infamies, son châtiment sera simplement l’aïu^antissement, le retrait du don de la vie. J.a vie éternelle est conditionnelle et facultative. — Cela est d’ailleurs nécessaire, afin que l’homme n’ait pas à rel )roeher, finalement, à Dieu de lui avoir donné la vie — et surtout afin qu’un mal relatif ne se change pas en un mal absolu ; l’enfer ne ferait, en efiet, cque prolonger le mal en face de la sainteté de Dieu, pour toujours insultée. Cela est impossible : le mal doit finir, non par la restauration unierselle, lliéorie immorale, donc jiar l’anéantissement. — (i’est enfin la seule conception qui s’accorde avec les théories scientifiques modernes de l’âme et de l’évolution de la vie.

Cette conception, sous une forme très vague, semble avoir été assez répandue chez les peuples primitifs. On en trouve comme des velléités dans quelques passages des midraschim juifs. C’est la croj’ance théorique, très restreinte quant ù son objet, du zoroastrisme et plus tard, en partie, du dualisme gnostique et manichéen. On en a cherclié h tort, nous l’avons constaté, des traces douteuses dans Cquelques écrivains ecclésiastiques do l’antiquité. S..Justin, Dial. cum Tnjplwne, 5 ; S. Irénée, Cont. hær., II, xxxiv, 3 ; IV, xx, 5, 6 ; V, iv, 1 : Tatien, Adv. Grxcos, 13. Seul, Arnobe, Ado. r/enles, II, 8, 9, 11, 19, a été un vrai conditionaliste il ! aut entendre aussi dans le même sens divers passages des pseudo-clémentines. Ilnmil., iii, O..’j9 ; VII, 7 ; XVI, 10. Contre ce conditionalisme, d’origine juive ou païenne gnostique, combattirent Tertullien, Adv. valentin.. c. xxix, xxxii ; Clément d’Alexandrie, S/rom., If ; Origène, De princi/).. III, IV, 5 ; S. Épiphane, Hier., hær. xxxi, n. 7. Cf. F. Tournebize, dans les Ètudea, 1X93, t. i.x, p. f121 sq..

On ne trouve plus de trace du conditionalisme jusqu’au milieu du xix'e siècle. La plus grande partie des théologiens protestants, ayant ; alors admis l’universalismc, une minorité refusa de reconiiaitrc la réconciliation finale de Satan et de Dieu ; d’autre part, n’osant plus défendre l’éternité de l’enfer, elle se lança dans le conditionalisme. En Allemagne, Hothe, Nietzsche, Plitt, Doctrine âvanf/éliijite, IXiil. t. II, p. 410, où il concède que ce n’est pas une doctrine i enseigner au peuple. Cf. Lange, Dogmatique chrétienne, t. ii, p. 1291. fin Angleterre, Drummond, professeur d’histoire naturelle à Cllasgow, Les lois de la nature dans le monde spirituel, un des plus puissants propagateurs du conditionalisme, dans le nuuide protestant. I£n France, Cli. Byse, Jtevue chrétienne, novembre 1892 ; avant lui l’elavel Ollif, Le proldèmc de fimmortolil^, 2 in-S". 1891-1892 (point de vue

théologique) ; Renouvier, La critique philosophique, 31 octobre 1878, 19 janvier 1884 (sur le terrain philosophique et avec conclusion finale sceptique) ; Charles Lambert, L’immortalité facultative, thèse absolue. Le conditionalisme s’est surtout développé en Amérique ; le Rév. Edw. White, Life in Christ, New York, 1846, en fut le principal initiateur. La secte des adrentistes, presque tout entière avec ses cinq ou six fractions, est conditionaliste ; cependant, la fraction : Life and advent Union, ne croit qu’à un sommeil sans fin pour les méchants ; et la fraction : Evangelical Adventists, admet l’enfer éternel. Cf. F. P. îlavey, Catholic enci/clopedia, art. Adventists, New York, 1907, t. i, p.’IfiG, 107, avec bibliographie spéciale, notamment Long, The end of the Unyodlij, 1880 ; Pile, The doctrine of c.onditional Immorlalili /, Springfield, etc.

Le conditionalisme n’a jamais été bien répandu nulle part ; il est plutôt traité avec mépris par ses adversaires de tous les autres systèmes. Il ne touche pas la vraie difficulté, dit, par exemple, Salmond, The Christian doctrine of immortalitij, Edimbourg, 1895, p. 027, et il proclaue que le péché remporte parfois sur l’homme et sur Dieu une telle victoire, qu’il ne reste à celui-ci qu’à se débarrasser de lui par un coup de main. Il a été caractérisé comme la plus malheureuse {wret ched) et la plus poltronne de toutes les théories ; théorie qui livre à la panique, devant une objection, tout sentiment de noblesse humaine ; et, comme toutes les poltronneries, fait tomber précisément sur l’objet qu’on fuyait.

Ajoutons ici une brève réfutation directe de la théorie et des arguments conditionalistes. En soi> d’abord, Dieu n’est pas tenu évidemment d’anéantir une liberté rebelle parce qu’elle est rebelle. Mais la conserver sans (in, dit-on, ce serait le mal prolongé et devenu absolu. Absolu, c’est-à-dire interminable, oui ; c’est-à-dire sans correction, sans réparation et adéquate et parfaite, nous le nions. L’enfer est la prolongation du péché par la liberté elle-même et non par Dieu qui ne fait que prolonger sa sanction tant que dure le désordre moral à réparer. Et ainsi, il n’y a pas de mal absolu en enfer, mais l’ordre absolu jusque dans le mal permis. Mais la vie, objectc-t-on, est un don gratuit, qu’on peut, par conséquent, refuser à volonté. Ici se trouve l’erreur radicale du conditionalisme ; nous sonnnes des créatures, faites uniquement pour le service et la gloire de Dieu : voilà la vérité ; la liberté n’a là rien à accepter ou à refuser : c’est l’obligation absolue fondamentale de tout notre être. Obéir, c’est notre bonheur dans la gloire de Dieu ; déso !)éir, c’est notre malheur, toujours dans la gloire de Dieu, fin inéluctable de la créature. Et si on objecte les attributs divins de sainteté, justice, amour, etc., voir plus loin la synthèse théologique. Noter enfin que la tiiéorie de l’autonomie immanente absolue n’a rien à répondre à la dernière ojjjection. Cf. S. Tliomas, Sum. theol., lll^, Supptem., q. xcix, a. 1, ad 0’"" ; De potentin, q. v, [a. 4, ad 0°"’(la sanction doit être positive).

h) Variabilité indéfinie et métempsi/cosismc. — Ni anéantissement, ni glorification définitive universelle. La liberté est un attribut essentiel de l’homme, soit pour monter soit pour descendre, pécher ou se convertir, faire le bien en ascensions et descensions indéfinies. L’éternité sera donc une suite indéfinie de mondes, heureux ou malheureux, pour les hommes indéfiniment libres de mener des vies bonnes ou mauvaises.

lîicn que non primitive, la conception des renaissances ultra-terrestres a été très répandue dans le monde païen, indien, égyptien, gréco-romain, sans doute parce (jne, tou.t en accordant sufitsamment