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EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAINTE ECRITURE

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Seigneur. » Cette prescription affinne une fois encore le caractère ecclésiastique et fraternel de la cène chrétienne. Et la recommandation qui suit atteste que ce repas doit êlre religieux et sacré : « Si quelqu’un a faim, qu’il mangechez lui. « Ainsi seront évités les inégalités choquantes et les désordres plus déplacés en pareille circonstance qu’en toute autre. Saint Paul réglera les autres points quand il se rendra à Corlnthe. Il ne condamne donc pas l’habitude de célébrer l’eucharistie au cours d’un repas religieux pendant lequel a lieu la fraction et à la fin duquel se distribue la coupe (Batiffol, La leuze). Au contraire, il veut restaurer la cène chrétienne selon le type de celle que célébra Jésus la veille de sa mort, en faire disparaître tout ce qui aurait permis de la confondre avec les festins de sacrifices païens, les banquets religieux des confréries grecques. S’il avait voulu ne plus laisser subsister que les deux actes strictement eucharistiques, il n’aurait pas écrit aux Corinthiens : « Attendez-vous les uns les autres. » Tel était le sentiment général autrefois et encore très commun aujourd’hui. Toussaint, op. cit., t. i, p. 361-364 ; Mangenot, Zoc. cit., p. 268-269 ; Leclcrcq, art. Agape, dans le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, 1903, t. i, col. 784-785, et dans le Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, Paris, 1911, 1. 1, col. 880.

L’étude de ce qui est essentiel dans les recommandations de saint Paul ne doit pas faire négliger quelques expressions dites en passant, mais où se trahit sans doute sa pensée sur des problèmes qui sont alors à l’arrière-plan et ne seront expressément posés que plus tard. Il écrit : « Celui qui mangera le pain ou boira le calice du Seigneur indignement sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur. » Des théologiens catholiques ont conclu que participer à un seul des deux éléments, c’est recevoir le Christ tout entier. S’approcher indignement du pain seulement, c’est profaner et le corps et le sang ; donc a pari la communion sous une seule espèce est efficace, suffisante. Saint Paul n’étudiait pas ces questions ; mais son langage pris à la lettre permet de les résoudre de cette manière. De même, pour décrire la communion, l’apôtre se contente de dire : on n’y discerne pas le corps du Seigneur, il ne parle pas ici du sang, parce que, semble-t-il, recevoir un des deux aliments, c’est participer pleinement à Jésus, d’une manière bonne ou mauvaise, selon les dispositions avec lesquelles on s’approche de lui.

rf) Les repas chrétiens d’Antioche. Gal., ii, 11-14.

Lorsque Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il était digne de blâme. En effet, avant l’arrivée de certaines gens de l’entourage de Jacques, il mangeait avec les païens ; mais après leur arrivée, il s’esquiva et se tint à l’écart par crainte des circoncis. Avec lui, les autres .Juifs usèrent aussi de dissimulation, en sorte que Barnabe lui-même se laissa entraîner. Alors quand je vis qu’ils ne marchaient pas dans le droit chemin de la vérité de l’Évangile, je dis à Céphas devant tout le monde…

Certains interprètes croient que ce texte parle d’un repas commun des fidèles, auquel pouvaient être admis des étrangers qui par là s’unissaient à la communauté, et que l’assistance des chrétiens d’origine juive à ce repas célébré par des païens d’origine n’allait pas de soi. Goguel, op. cit., p. 140. Il semble difficile de l’admettre, car il faudrait croire qu’il y avait alors, dans la même ville, deux célébrations du repas du Seigneur, l’une pour les Israélites convertis, l’autre pour les Grecs gagnés à l’Évangile. Impossible donc d’user de ce texte en faveur de l’eucharistie.

e) La cène à Troas. Act., xx, 7 sq. — Cet épisode appartient à la partie du livre des Actes où l’auteur dit « nous » et se donne ainsi comme un compagnon de saint Paul rapportant ce qu’il a vu et entendu.

C’était probablement en l’an 58. Allant d’Éphèse à Jérusalem, saint Paul s’arrête à Troas et y reste sept jours. « Le premier jour de la semaine, disent les Actes, nous nous assemblâmes pour rompre le pain. Paul, qui le lendemain devait s’en aller, entretint les disciples et son discours dura jusqu’à minuit. Il y avait plusieurs lampes dans la chambre haute où nous étions réunis… Paul rompit le pain et mangea, puis il reprit longuement la parole jusqu’au point du jour et il partit. » Ainsi, c’est un dimanche, le soir. La I" Épître aux Corinthiens demande aussi que les collectes pour les saints se fassent le dimanche. I Cor., xvi, 2. Les disciples de Troas sont réunis, il y a synaxe, ci-jr.- ; [i.i’itii-/ t(ôv | ;.aÛv-, Twv, 7, et c’est « pour rompre le pain » . L’assemblée se tient dans une chambre /faute ; Paul, qui doit partir le lendemain dès l’aurore, s’y est rendu avec ses compagnons. Il préside la réunion sans doute en sa qualité de fondateur de l’Église ou d’apôtre. Il parle, fait un discours. Vers le milieu de la nuit a lieu la fraction du pain. Saint Paul seul est cité comme l’ayant faite et « ayant mangé » . Le narrateur met en relief son acte de président de la cérémonie. Mais s’il a rompu le pain, il l’a distribué et les assistants l’ont goûté. La fraction du pain était-elle encadrée comme à Corlnthe dans un repas religieux ? Le texte ne nous l’apprend pas. Mais cette description trop courte suffit à montrer qu’il n’est pas question d’un festin pascal, des réunions pour prières et lectures auxquelles se rendaient les Juifs de la Diaspora et leurs prosélytes, mais de l’assemblée chrétienne telle qu’elle apparaît à Jérusalem au début du christianisme, aveclesquatreactes caractéristiques de la viedes premiers disciples ; l’enseignement d’un apôtre, ôt£a/T, , la communauté, /.ocvwvc’a, la fraction du pain, -/./.àdi ; ToO àpro-j, et sans doute les prières, Ttoorrs-jyT, . Cf. Leclercq, op. cit., col. 784 ; Batiffol. op. cit., p. 34-36 ; Goguel, op. cit., p. 142. L’assemblée « n’a pas encore de nom qui la nomme mieux que celui de fraction du pain, parce que ce geste essentiel est, sinon le tout, du moins le centre de la réunion. » Batiffol, loc. cit. « La coupe est sous-entendue. » Goguel, loc. cit. Voir cependant Th. Schermann, Das Brotbrcchen im Urctnistentum, dans Biblische Zeilschrifl, 1010, t. viii, p. 170-172. /) La fraction du pain sur le bateau. Act., xxvii, 35. — Pendant la tempête qui assaillit le navire sur lequel saint Paul prisonnier est conduit en Italie, l’apôtre exhorta ses compagnons à ne pas perdre courage et à manger. Il donna l’exemple. « Il prit du pain et après avoir rendu grâces devant tous, le rompit et se mit à manger. » Quelques témoins ajoutent : « et il nous en donna à nous aussi. » Berning, op. cit., . p. 162 ; Harnack, op. cit., p. 135, croient voir ici autre chose qu’un simple repas. Cette opinion n’est pas suffisamment motivée. Les mots devant tous ne suffisent pas à la prouver. Il est plus prudent d’admettre ce que suggère le contexte : saint Paul veut réparer ses forces et inviter ses compagnons de route à l’imiter. S’il prie avant de manger, rien n’est plus naturel : tout Juif pieux avait coutume de le faire. Voir Th. Schermann, loc. cit., p. 172-174.

g) L’Épttre aux Hébreux. — Récemment, un critique, O. Holtzmann, Der Hebrderbrief und das Abendmahl, dans Zeilschrifl fiir die neutestamentliclic Wissenschaft und die Kunde des Urchristentums, 1909, p. 251-260, a osé soutenir que l’Épître aux Hébreux combattait la pratique de l’eucharistie lorsqu’elle recommande aux chrétiens d’affermir leur cœur par la grâce plutôt que par des cdiments qui n’ont servi de rien à ceux qui s’y attachent, xiii, 9. Cette affirmation est irrecevable ; la fin de la phrase montre que les mets dont il est parlé ici sont ceux dont usaient les Juifs. I’s’agit des aliments purs ou des viandes des sacri-