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EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAINTE ECRITURE

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vite i manger sa chair. Leur objectioii laisse entendre que le sens obvie de la parole du Christ est le sens littéral.

Coninient le Sauveur va-t-il répondre ? Viseinan a fait l’observation suivante qu’il appuie sur de nombreux exemples : Lorsque les auditeurs du Christ élèvent contre s.i parole des objections fondées sur une interprétation erronée, Jésus a l’habitude de faire savoir aussitôt qu’il parlait au sens figuré, même s’il ne doit résulter de la méprise aucune erreur fjrave. Joa., IV, 32-34 ; vi, 3’2-35 ; viii, 21-23, 32-34, 39-44. Cf. Matth., xvi, C-11 ; xix, ’24-26. Au contraire, quand les aftirmations du Christ ont été comprises dans leur véritable sens et provoquent des murmures, des objections, il répète les mots qui ont choqué, sans mitiger les termes. Joa., vi, 41-44, 46 ; viii, .56-.58. Cf. Malth., IX, 2, 5, 6. Or, après la réflexion des Juif : i, Jésus ne dit pas qu’ils l’ont mal compris, mais que ce qu’ils ont compris est la vérité. Il n’atténue pas les expressions, il les répète cinq fois en des termes plus énergiques. Il leur répond d’abord, 53 : « En vérité, en vérité, je vous le dis : Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous. » « Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, » ce n’est pas : « Il faut croire à ma chair ; » les Juifs ne mettaient pas en doute sa réalité. Ce n’est pas davantage : Il Il est nécessaire de communier à ma mort par la foi en ma passion : » comment assigner un pareil sens aux paroles du Sauveur ? Jésus n’aurait pu moins clairement signifier cette pensée. Si quelqu’un d’ailleurs use au sens figuré d’un mot dont la signification métaphorique est consacrée par l’usage, il est obligé, sous peine de n’être pas compris, d’entendre ce terme comme le fait tout le monde. Or, l’expression : manger la chair de quelqu’un, dans les langues sémitiques, dans la sainte Écriture, ou s’entend littéralement ou signifie faire injure à quelqu’un, l’accuser, le calomnier. Il en est ainsi dans l’Ancien Testament. Job, XIX, 22 ; Ps. xxvii{heb.), 2 ; xxxi, 31 ; Mich., 111, 3 ; Eccle., IV, 5. Saint Paul à son tour use de l’expression : « Si vous vous mordez et vous vous mangez les uns les autres, prenez garde de vous détruire réciproquement. » Gal., v, 15. Voir aussi le livre d’Hénoch, VII, 5. En araméen, en syriaque, en arabe, « manger la chair de quelqu’un, > c’est médire de lui, le poursuivre d’injustes accusations. Wiseman accumule les exemples pour le démontrer. Si chez les Juifs, avant et après Jésus, donc aussi de son temps, cette locution a une signification métaphorique fixe, unique, c’est elle et elle seule qu’on peut donner à la parole du Sauveur, lorsqu’on ne l’entend pas au sens littéral. Le Christ enseigne ou bien qu’il faut réellement manger sa chair ou bien qu’il est nécessaire de le calomnier pour avoir la vie. Aucune hésitation n’est possible.

La suite le montre, car Jésus ajoute : « Et si vous ne buvez mon sang. » On ne saurait entendre au sens figuré cette locution. Boire du sang humain est un acte qui répugne matériellement. La loi défendait, sévèrement d’ailleurs, même l’usage du sang des animaux. Lev., III, 17 ; vii, 26 ; xvii, 10 ; xix, 26 ; Deut., XII, 16 ; XV, 23. Si Jésus ne parle pas au sens littéral, s’il veut dire qu’il faut accepter sa doctrine, croire à sa passion, comment admettre qu’il ait employé un langage énigmatiquc, paradoxal, horrible ; qu’il ait, pour présenter la vérité, choisi l’image la plus révoltante pour ses auditeurs, qu’il ait déguisé d’aimables désirs sous de répugnantes figures, qu’il n’ait pas pris la peine d’expliquer sa pensée et qu’il recoure quatre fois à cette même métaphore ? Il n’a pu vraiment inviter ses auditeurs à boire son sang que si telle est littéralement sa volonté.

Enfin, les mots qu’il emploie correspondent aux paroles de la cène : « Mangez, ceci est mon corps ; buvez, ceci est mon sang. » Nous avons ici une description anticipée du repas eucharistique. Cette ressemblance indéniable oblige ù conclure que, dans saint Jean comme dans les Synoptiques, il s’agit du sacrement. Si elle doit s’entendre de l’eucharistie, la double locution s’explique. Les deux éléments du repas sont nommés, le rite est clairement décrit. Au contraire, si Jésus parle en figure, les mots : baire le sang n’ajoutent rien à la première locution : nvingcr la chair ; ils sont superflus, inexplicables.

Et la fin de la phrase confirme cette interprétation. « Si vous ne mangez…, vous n’avez pas en vous la vie. » Jésus ne se contente donc pas de promettre un don il impose un précepte. Refuser de s’y soumettre, c’est se condamner à mort. On concevrait peut-être que le Sauveur ne présentât pas clairement les bienfaits qu’il se proposait d’accorder aux hommes : ils les connaîtront quand ils les recevront. Mais un ordre grave, sanctionné du plus terrible châtiment, doit être exprimé en termes précis. Pour établir que le baptême est indispensable, Jésus a dit à Xicodème : « Quiconque n’est pas né de l’eau et de l’esprit ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » Joa., iii, 5. Aucune équivoque n’est possible : ce précepte doit s’entendre au sens littéral. Il en est de même ici.

Après la menace, la promesse : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour, » 54. La proposition précédente était sous forme négative ; celle-ci est positive. Mais les mots et l’ordre sont semblables. Et Jésus ne donne aucune nouvelle explication. Le Sauveur sent et laisse voir que son langage sera compris, ne laisse place à aucun doute. Il parle donc au sens littéral. Les mots : « je le ressusciterai au dernier jour » expliquent comment le communiant a la vie éternelle et préparent le prochain développement.

c. 3 développement : la chair du Christ est une vraie nourriture, son sang un vrai breuvage, 5557. — Dans cette dernière section, comme dans les précédentes, on retrouve les mêmes expressions : manger, boire, chair, sang, la même absence d’explications par Jésus, le même défaut d’indices favorables à une interprétation symbolique.

Le ». 55 : " Ma chair est une vraie nourriture, mon sang est un vrai breuvage, » est extrêmement énergique. La pensée est accentuée. L’adjectif « vrai » renforce l’affirmation. Car à/.r, 6r, ; « marque non pas l’excellence de la nourriture et du breuvage, mais leur réalité. » Calmes, op. cit., p. 255. La chair de Jésus est un réel aliment, quelque chose qui se mange vraiment et qui vraiment donne la vie. Jamais expressions semblables n’ont été employées pour signifier qu’une doctrine nourrit l’intelligence, que les souffrances et la mort de quelqu’un serviront à ses frères. Tout se justifie, au contraire, si la chair dont il s’agit est l’eucharislie, aliment qui est réellement mangé et qui réellement vivifie.

Et leꝟ. 56, loin de neutraliser cet argument, l’appuie à son tour : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. » J. Réville, op. cil., p. 64, 66, comprend ainsi cette affirmation : « Manger la chair et boire le sang du Christ, c’est demeurer en lui et l’avoir demeurant en soi ; c’est l’unité mystique dont il (Jésus) décrira si bien plus loin la nature toute morale (c. xv, xvii, 21 sq.). » Sans doute, il est dit ici que le pain et le vin de l’eucharistie « procurent la vie éternelle à ceux qui ont la foi, en scellant leur union mystique avec le Christ vivant. » Tel est bien l’effet de la communion, personne ne l’a plus fortement affirmé que saint Jean. Mais il ne faut pas supprimer la cause. Pourquoi l’eu-