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EUCHAIUSTIE D’APRES LA SAINTE ÉCRITURE

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pardesarj^uiiiiiits a priori. D’après lui, à l’époque où fui compoS6 le quatrième Évangile, l’eueliaristie est encore incoiuiue ; donc, elle ne peut pas être mentionnée ici. Recueillons en passant cet aveu : les versets 51-59 visent la chair et le sanj » du Christ. Mais rejetons la conclusion, car elle est en opposition avec les textes les plus décisifs : l’eucharistie est connue de saint Paul et des Synoptiques.

Cette signification eucharistique de la seconde partic du discours est communément admise. On a essayé pourtant de la nier, en raison du sens de la première partie : Si Jésus n’a auparavant parlé que de la foi, on ne peut admettre qu’il passe à un autre sujet tout différent ; rien d’ailleurs n’indique un changement d’idée.

Les exégètes ont bien montré le lien qui rattache étroitement entre eux le commencement et la fin du discours : Inter duas partes sermonis, non ulique inler se auulsas, sed connexas fit progressas a générait argumenta ad spéciale, a flde in ipsum iiniuersa ad fidem in unum mysterium, ad quod amplectendum quam maxime firmu esse débet fides illa generalis in ipsum ; a manducatione lypica spirituali ad manducationem quse simul sit vera et spiritualis ; ab uniane per fidem ad unioncm per sacramentum. Knabenbauer, Comment inJoannem, Paris, 1898, p. 233. En réalité, nous n’avons ici qu’un seul et même développement d’une même doctrine mystique. Le pain matériel sert de point de départ à cet enseignement, dans lequel, après avoir parlé de l’union à Jésus par la foi, on nous enseigne une participation plus intime à la vie surnaturelle, celle qui se fait par la communion eucharistique. » Calmes, op. cit., p. 243.

Le discours tout entier peut se résumer ainsi : « Ne cherchez pas le pain matériel, mais le pain de vie venu du ciel. Ce pain, c’est Jésus qui descend du Père et qui ressuscitera les croyants attirés à lui par le Père. Car il leur donnera sa chair : en ceux qui la mangeront, il demeurera pour leur infuser la vie éternelle comme le Père anime le Fils. » L’unité du thème est remarquable, la marche en avant de la pensée est indéniable. Les deux miracles du début préparent l’entretien. Tout s’éclaire réciproquement. Le commencement contient en germe la fin ; la fin indique la raison d’être du début.

FA s’il n’en était pas ainsi, si on ne pouvait découvrir l’eucharistie dans la seconde partie de l’entretien sans donner au discours deux objets distincts, il demeurerait impossible de voirici des recommandations sur la foi, pour ce seul motif. Non seulement les critiques protestants, mais les catholiques de toute école (Calmet, Cor]uy, Finion, Knabenbauer, BatilTol, Calmes, Mangonot, t’ouard, Lagrange, Nouvelle, Chauvin, Fcfntaine, Jacquier, Lepin, Brassac, Lebre ton, Venard), admettent que, si l’cvangéliste conserve avec fidélité la substance (le l’enseignement du Sauveur, il fait subir aux discours un certain travail de condensation et d’adaptation, il revêt les pensées du Verbe incarné d’une forme littéraire personnelle et bien caractérisée. Si donc saint Jean peut omettre des transitions, résumer certains développements, en négliger d’autres, grouper dans un même tout des affirmations détachées de plusieurs entretiens, nous n’aurions pas le droit de nous étonner si un même discours passait brusquement d’un sujet à un autre tout différent. Il nous serait permis d’affirmer sans invraisemblance que Jean a voulu grouper dans ce chapitre les enseignements de Jésus sur le pain, tout ce que le Christ a fait symboliser par cet élément. Ces explications seraient encore plus vraisemblables pour qui croirait que le discours, commencé à l’endroit et au moment où, après la traversée du lac, la foute, fiy’/oz, c’est-à-dire les Galiléens, rencontre Jésus, 24, 25, se termine devant les Juifs, 1, 52, dans la synagogue, à Capharnaiim, 59.

Au reste, contre les textes, aucune considération a priori ne peut prévaloir. Et il est impossible de ne pa& entendre les paroles de Jésus de l’eucharistie.

a. V développement : Jésus est le pain de vie qui doit être mangé, 48-51. — Nous arrivons certainement à une idée nouvelle : le cadre même de la pensée le prouve. Le >. 47 apparaît comme une conclusion de ce qui précède, 35-46 : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle. » Le)i. 48 : "Je suis le pain de vie, > paroles identiques au début du développement antérieur, 35, sont le titre d’un nouvel enseignement. Car, dans saint Jean, lorsque Jésus applique les mêmes images à différents sujets, d’ordinaire il répète au commencement de chaque développement les mêmes mots :, Je suis la porte des brebis, x, 7, 9 ; je suis le bon pasteur, x, IL 14 ; je suis la vraie vigne, . XV, 1, 5, et de plus, comme nous l’avons montré plushaut, un parallélisme s’établit aux versets 49, 50. Nous sommes donc prévenus qu’une idée nouvelle se présente.

Elle co’i’ncide avec l’apparition d’un terme jusqu’alors non employé, évité même, le verbe manger. Jusqu’au . 47, Jésus avait dit, répété, 32, 33, 35, 61, qu’il était le pain vivant et céleste. Ces mots peuvent parfaitement s’entendre en un sens spirituel et designer la parole et la doctrine du Sauveur, nourriture de l’âme croyante. Ce langage est conforme à l’usage. Is., lv, 1-2 ; Jer., xv, 16 : Amos, viii, 11 ; Prov., ix, 5 ; Eccli., . XV, 3 ; xxiv, 20. La métaphore est toute naturelle et on la relève dans Philon, dans le Talniud ; elle est en usage dans beaucoup de langues sémitiques et autres (même en français : boire la parole, se nourrir de la doctrine, rompre le pain de la parole). Mais nulle part dans l’Écriture quelqu’un ne dit : Je suis le pain qu’il faut manger, pour faire entendre qu’on doit recevoir ses enseignements. Un seul cas apparent a pu être relevé : la Sagesse, Eccli., xxiv, 18. tient ce langage ; « Venez à moi, vous tous qui me désirez, et rassasiez-vous de mes fruits ; » mais cette figure audacieuse s’explique par le contexte et ne choque pas. La Sagesse est un personnage abstrait qui ne saurait être dévoré au sens propre. Et elle parle d’elle comme d’une plante, , elle se compare au cèdre, au cyprès, au palmier, à la rose, à l’olivier, au platane ; elle parle de ses racines, de ses "branches, de ses rameaux, de ses pousses, de ses fleurs, de ses fruits, de son parfum, xxiv, 12-17 ; elle peut donc ajouter : « Rassasiez-vous de mes fruits. » ^ La parole est imposée, le sens est indiqué par le contexte. Ici, il n’en est pas de même.

Dans la première partie du discours, non seulement Jésus ne dit pas : » Je suis le pain qu’il faut manger, » mais il évite, semble-t-il, cette locution, là où il paraîtrait qu’elle doive être employée, là où les lois du langage l’appelleraient. Il parle ainsi : « Je suis le pain de vie, celui qui vient à moi n’aura plus faim, celui qui croit en moi n’aura plus soif, » 35. Entre les mots : pain de vie et les locutions : avoir faim, avoir soif, ce n’est ni le verbe venir, ni le verbe croire cju’attend l’esprit, mais les mots : manger et boire. Et non seulement dans la première partie du discours Jésus ne demande pas qu’on le mange, il n’invite pas davantage à manger le pain de vie. Et il prend la peine d’expliquer la métaphore dont il a usé : « Je suis le pain de vie… celui qui vient à moi… celui qui croit en moi… » Aucune équivoque n’est possible. Bien plus, une fois cette explication donnée, Jésus n’emploie plus aucune figure ; du v. 30 auꝟ. 47, il ne parle plus que de foi, de doctrine, d’enseignement ; il repousse tout recours aux termes d’alimentation ; il s’exprime d’une manièreclaire, simple et qui ne laisse aucune place à l’équivoque. Or voici qu’auꝟ. 48 nous retrouvons les mots : « Je suis le pain de vie ; » et, cette fois, il est parlé de sa manducation. Jésus demande qu’on le mange. Il ne