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ETIENNE I"


duite, empreinte de condescendance dans la réconciliation des lapsi, des hérétiques ou schismatiques, lui valut plusieurs conflits célèbres particulièrement avec saint Cyprien, évêque de Carthage.

Le premier surgit à l’occasion de deux prélats espagnols, Basilide, évêque d’Emerita (Mérida), et Martial, évêque de Legio et Asturica (Léon et Astorga), qui, pour avoir accepté ou demandé un certificat de sacrifice dans la persécution, avaient été déposés de leurs sièges et remplacés. L’un d’eux, Basilide, recourut au pape Etienne et, par ses explications, en obtint son rétablissement. Mais ses adversaires et ceux de son collègue adressèrent une protestation au concile de Carthage, que Cyprien tint dans l’automne de 254, et celui-ci déclara les deux évêques indignes de l’épiscopat et signifia cette sentence contraire à celle d’Étienne, par une lettre adressée à leurs Églises. Epist.,

LXVII.

Le second désaccord entre Etienne et Cyprien se produisit à l’occasion de l’évêque d’Arles, Marcien. Comme cet évêque était en communion avec Novatien et appliquait ses principes sur la réconciliation des lapsi ; Faustus, évêque de Lyon, et plusieurs de ses collègues des Gaules écrivirent au pape contre lui. Mais ce fut en vain. Le pape n’intervint pas comme ils le voulaient ; et l’on répétait qu’il accueillait facilement et maintenait dans leur dignité les prêtres ou diacres schismatiques qui revenaient à l’unité. Epist., Lxxii. Ils se tournèrent alors du côté de Cyprien, qui, à son tour, pressa vivement Etienne d’écrire aux évêques des Gaules pour faire déposer et remplacer Marcien. Epist., lxviii. Il semblait dans cette lettre le rappeler à l’observation de la discipline adoptée par ses prédécesseurs, Corneille et Lucius, et trop abandonnée par lui : ce qui ne pouvait guère être agréable au pape.

Le plus grave conflit fut celui qui eut lieu au sujet du baptême des hérétiques. Saint Cyprien et l’Église d’Afrique prétendaient que le baptême, conféré par les hérétiques, était nul et devait être réitéré : dans sa lettre à Magnus, saint Cyprien affirmait qu’il devait être réitéré même aux novatiens schismatiques, qu’il assimilait sur ce point aux hérétiques. Consulté par dix-huit évêques numides qui avaient des doutes sur la légitimité de ce second baptême, le concile de Carthage de 255 fut aussi d’avis que l’usage de réitérer ainsi le baptême devait être maintenu comme le seul égitime. Epist. ; lxx. Peu après, saint Cyprien s’exprima dans le même sens à un évêque de Mauritanie, Quintus, qui lui avait posé des questions semblables et, cette fois, il montra une pointe d’hostilité contre Etienne sans toutefois le nommer. Epist., lxxi. Au concile suivant (automne 255 ou printemps 256), il résolut de poser nettement et en face de toute l’Église la question controversée, et, en son nom comme au nom de l’assemblée, envoya une lettre au pape, à laquelle il joignit sa lettre à Quintus et celle du précédent concile. Il y déclarait formellement que l’usage africain était le seul admissible et s’imposait à l’Église romaine elle-même. Epist., lxxii. Enfin, à l’occasion d’une consultation de l’évêque Jubaien, il rédigea un long expose de sa doctrine. Epist., lxxiii.

Rome accueillit mal les envoyés de Cyprien et leurs lettres aigres-douces. En 256, Etienne répondit que la coutume romaine, au sujet des chrétiens baptisés dans l’hérésie, était non de les rebaptiser, mais de leur imposer les mains. Il signifia aux évêques d’Afrique qu’ils eussent à s’y conformer sous peine de rompre tout rapport avec eux. Une circulaire comminatoire, conçue dans le même sens, fut aussi envoyée en Orient. C’était le conflit aigu. Saint Cyprien, écrivant à Pompéius, évêque en Tripolitaine, se plaignit amèrement de la réponse d’Etienne, Epist., lxxiv ; puis au concile

du " septembre, il invita les 87 Pères qui s’y trouvaient à voter individuellement sur le baptême des hérétiques, sans faire mention explicite de la lettre et do la menace d’Etienne. Tous furent unanimes à le réprouver, mais sans vouloir en faire un cas de rupture « : Nous n’entendons juger personne, disait saint Cyprien, ni séparer de notre communion ceux qui pensent autrement. Aucun de nous ne se pose en évêque des évêques ni ne recourt à une terreur tyrannique pour contraindre ses collègues à l’adhésion. » L’Eglise d’Afrique poussait ses exigences moins loin que celle de Rome. Pourtant les relations étaient si tendues qu’elles auraient pu être rompues.

Elles auraient pu l’être aussi avec l’Église d’Asie, car saint Cyprien, pour se ménager des appuis en Oriente, entra en relations avec les Églises d’Asie-Mineure et de Syrie, et spécialement avec Firmilien, évêque de Césarée, en Cappadoce, l’un des plus importants personnages de ce pays. Celui-ci professait sur la question du baptême les mêmes principes que saint Cyprien et lui répondit par une lettre formelle d’adhésion, où se lisaient des termes très durs contre le pape Etienne, mais où, cependant, son autorité n’était pas non plus contestée. Epist., lxxv.

Un médiateur entre les Églises opposées se présenta de suite en la personne de Denys d’Alexandrie. Eusèbe, H.E., ll, ii, 5-9. Celui-ci, qui était du même avis qu’Etienne, lui écrivit pour lui recommander l’indulgence et le prier de ne pas excommunier une partie de l’Église pour une question discipUnaire. Il écrivit aussi dans le même sens pacifique à deux savants prêtres de Rome, Denys et Philémon. Aussi, quand Etienne fut mort, le 2 août 257, Xyste II se montra moins intransigeant. Il reprit les relations avec l’Afrique et avec Firmilien. Denys, successeur de Xyste II, envoya des secours à l’Église de Cappadoce affligée par l’invasion des Perses en 259. Chaque Église garda ses principes. L’Église de Rome fit prévaloir les siens peu à peu, en Afrique, au concile d’Arles, en 314, en Asie et en Sj’rie à la fin du ive siècle, mais ne fit plus de l’union un cas de séparation.

Les Africains rejetaient l’argument de la coutume invoquée par Etienne et partaient de ce principe que les hérétiques et les schismatiques sont hors de l’Égfise. S’ils sont hors de l’Église, ils n’ont pas l’Esprit-Saint, et s’ils n’ont pas l’Esprit-Saint, ils ne peuvent le donner. Ils ont beau conserver la foi de l’Église, s’ils sont en dehors d’elle, ils ne peuvent avoir les sacrements qui n’ont été conférés qu’à la seule et unique Église.

D’après saint Cyprien et Firmilien, le pape Etienne raisonnait autrement. Ils lui prêtaient, à lui et aux Romains, ce point de vue : Non putanl quxrendum esse qais sit ille qui baptizavcrit, eo quod qui baptizatus sit gratiani consequi potuerit invocata Trinitate nominis Palris et Filii et Spiriius Sancti… Sed in mullum, inquit [SIephanus], profuit nomen Christi… ad fidem et baptismi sanctificationem, ut quicumque et ubicumque in nomine Christi baptizatus fuerit, consequatur s.’citiin çjraliam Christi. Ces paroles sont courtes : elles semblent s’inspirer de l’Écriture sur la puissance du Christ et viser par le baptême conféré au nom du Christ tout baptême administré en vertu de la foi en Jésus-Christ et conformément à ses préceptes, c’est-à-dire au nom de la sainte Trinité. Elles attribuent une efficacité objective et pour ainsi dire matérielle au rite, l’invocation du nom du Christ ayant une efficacité mystérieuse.

Cependant, Etienne, tout en acceptant la légitimité du baptême conféré par les hérétiques au nom de la Trinité, voulait que ceux-ci fussent réconciliés par l’imposition des mains, c’est-à-dire par la réitération de la confirmation qui se donnait avec le baptême.