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ETHIOPIE (ÉGLISE D"

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fiscation de tous les biens. Toute séparation semblait être rendue à peu près impossible. On y répondit avec d’autant plus d’impatience et de murmures que les professionnels du divorce sortaient des grandes familles et principalement de celles apparentées à la maison royale, sinon de la maison royale elle-même. Les écarts des volages princesses ont été si éclatants et scandaleux que le discrédit public a donné leur nom de Wazero aux prostituées. La licence des mœurs sous toutes les formes avait plein droit de cité. D’AImeida, dans Beccari, t. vi, p. 424. C’était donc jouer gros jeu que de battre en brèche ces désordres, si contraires qu’ils fussent à la morale chrétienne. Levain d’intime résistance et de sourdes menées, ajoutées à la fermentation endémique des mécontentements de Tambition jalouse et frustrée. Il n’en fallait pas tant jiour envenimer les haines du fanatisme ancestral et r>-ligieux contre les trouble-fête qu’étaient les apôtres (hi catholicisme. La conversion de l’empereur couronna les travaux du P. Pierre Paëz. Sa mort suivit de près, dans les premiers jours de mai 1622. Le roi en fut très afilige et la cour fut en deuil durant plusieurs jours. D’AImeida, dans Beccari, t. vi, p. 359-361.

Le triomphe de la grâce sur le monarque fut donc laborieux et coûta de très pénibles sacrifices personnels ; le triomphe de la foi sur l’erreur nationale fut également très difficile et coûta au prince, dit-il lui-même, d’Almcida, dans Beccari, t. vi, p. 49U, le risque de la vie en plus d’une embûche et des oppositions sans trêve, irréductibles, dans l’intimité familiale et dans les trames du dehors. Il avait tout vaincu, soit par son énergique inflexibilité, soit par l’heureuse fortune des armes.

2. Dans les grandes lignes, l’Église d’Ethiopie apparaissait ofliciellement liée à l’Église universelle. Il restait néanmoins des questions liturgiques et même sacramentelles de majeure importance, par exemple, la validité des ordres sacrés et par conséquent l’administration des sacrements ; la validité même du baptême à cause de la teneur diverse et défectueuse des formules employées ; puis ! a fixation de la fête de Pâques, axe de toutes les fctes mobiles du cycle annuel. En 1625, la fête pascale des Orientaux tardait « l’un mois sur celle de l’Église romaine. On se vit dans l’embarras, à cause des inévitables récriminations de ht foule ignorante, portée à voir la ruine de la religion en tout changement cultuel. L’empereur invita les missionnaires à ne pas urgcr sur ce point cette année-là et à y préparer avec ménagement l’opinion I)ublique.

La solution de ces questions et d’autres encore intéressant la vie spirituelle et l’organisation du ministère ecclésiastique restait suspendue jusqu’à la venue de l’abouna attendu de P.ome.’)° Le patriarche Alphonse Mendez. Acte solennel lie l’adhésion à l’Église romaine. — A Rome, on y mit un moindre empressement, de l’hésitation même, à cause de la défiance née de l’ingratitude, de l’inconstance et du peu de fond des plus belles protestations, après les expériences déplorables faites sous les règnes de Glaodios et de Minas. Le patriarche Alphonse Mendez. agréé et confirmé par le pape l^rbain VIII, fut sacré à Lisbonne le 12 mars 1623 et, deux ans après, 21 juin 1625, il arriva à la résidence de Frémona.

L’empereur en manifesta une grande joie et, à l’unisson, tout son camp retentit d’acclamations d’allégresse. Occupé alors à la répression des insurrections des populations juives du Sémièn, il hâta Ron retour à Dancaz. La réception du patriarche eut lieu le 7 février 1626 et fut suivie, le 11. de l’acte solennel de la profession de foi et de la soumission au souverain pontife Urbain VIIL Les dignitaires de tout

ordre civil et ecclésiastique, <à la suite du roi et de son fils héritier présomptif, prêtèrent le même serment d’adhésion. Ainsi fut accompli l’acte officiel par lequel l’Ethiopie consacrait sa réunion à l’Église romaine. Le patriarche la sanctionna par une sentence d’excommunication contre ceux qui seraient parjures à leur serment, et ensemble avec lui tous les prêtres présents, latins et indigènes, prononcèrent le même anathème, selon l’usage abyssin, afin que cet appareil de comminations ajoutât encore à l’effet des ordonnances de si grande importance. Mendez, dans Beccari, t. viii, p. 170-177.

6° Réformes ecclésiastiques concernant le sacerdoce, les fêles et jeûnes. — Suivit aussitôt la publication : 1. d’un décret impérial interdisant aux membres du clergé régulier et séculier la célébration des saints mystères et tout acte du ministère sacré sans s’être présenté au préalable devant le patriarche, afin de faire connaître la valeur de leur ordination et de prêter serment d’adhésion à la foi catholique, sous peine de mort ; 2. de la défense, sous les mêmes peines, de donner refuge ou aide aux réfractaires obstinés ; 3. de l’injonction de suivre désormais les lois rituelles de Rome pour la fixation des fêtes pascales et le jeûne du carême ; 4. une ordonnance spéciale aux dames de sang royal de prêter les mêmes serments d’adhésion aux vérités de la foi et aux lois de l’Église romaine. D’AImeida, dans Beccari, t. vi, p. 492. Le harem du palais était un foyer des pires intrigues opposées aux actes royaux concernant les réformes religieuses et morales qui découlent nécessairement de la loi chrétienne.

7° Mesures inqnisitoriales. Guerre intestine. — Les Pères jésuites nu nombre de vingt environ et autant de collaborateurs indigènes se mirent à l’œuvre de l’évangélisation et de l’initiation aux sacrements, dès lors imposées par la loi et surveillées par les autorités ofiicielles dans toutes les provinces de l’empire. On vit affluer en masse autour des missionnaires les villages entiers. Les uns avec sincérité, les autres hypocritement par crainte, recevaient le baptême et les autres sacrements sous les coercitions violentes exercées sur les opiniâtres, jusqu’à la peine de mort.

Ce fut par tout le royaume un saisissement des apcurantes émotions courant de hameau en hameau, sous un régime de terreur. La hâte, la brusquerie, les violences inquisitoriales allaient tout gâter. On se pressa trop, on embrassa trop à la fois, au lieu de s’en tenir aux sages recommandations de saint Ignace de n’exiger d’aponl que les réformes essentielles, aussi urgentes qu’indispensables, et de se contenter de prédisposer à celles de moindre importance et moins urgentes, afin de ménager la méfiance et la susceptibilité des esprits prévenus.

Le foyer des mécontentements sourdement fomentés éclata soudain (1628). Ils servirent d’occasion et de prétexte aux ambitions et aux récriminations politiques. J’en réfère au jugement sévère et motivé du P. Beccari, dans son introduction sur les actes du patriarche Alphonse Mendez, t. viii, n. 8-11, p. xiii-XVI. .l’ajouterai cependant que si, aujourd’hui, nous apprécions différemment et trouvons critiquables les actes d’alors selon nos mœurs actuelles, nous devons nous rappeler que le système inquisitorial était couramment en application à la cour d’Abyssinie et que l’opinion publique n’y voyait rien d’exceptionnel. Socinios ne faisait qu’imiter la cruauté de son a’ieul ZaraJacob, sans pitié même envers les siens et plus qu’à l’égard de tous ses sujets. Voir col. 948. Le (iestin la voulu, on souffre en fataliste ; mais à la violence on répondra par l’émeute, c’est aussi dans les mœurs. Les exécutions cruelles semaient l’épouvante, la consternation, l’irritation.