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ETHIOPIE (EGLISE D’952

condition expresse, il assuma l’aventureuse et très grave responsabilité. En conséquence, le roi Uaouit’, après la mort de l’abouna Marcos, au lieu d’envoyer en Egypte selon l’usage constant, chargea Bermudez lui-même, désormais l’abouna Johanès, d’aller à Rome afin d’y faire agréer et régulariser son élévation au siège épiscopal d’Ethiopie. Le fait de cette démarche pércmptoire est la preuve incontestable de la volonté très sincère, cette fois au moins, de la part de la cour impériale, d’aboutir à une conclusion définitive de la question religieuse avec Rome et d’une entente politique avec Lisbonne. Auprès du roi de Portugal (1540), Bermudez réussit à obtenir le secours d’un corps de troupes contre les envahissements des Adalites. -Mais le succès réel de sa mission près du Saint-Siège reste une énigme. Une chose certaine est la non-ratification des actes passés en dehors de toute légalité ecclésiastique, concernant sa nomination épiscopale par le vieux prélat schismatique inconscient. On prit en considération l’exposé de l’état des choses et des esprits, tel qu’il ressortait de la combinaison censée ingénieusement trouvée pour résoudre la ditliculté du changement de régime. Il fut délibéré en conseil des cardinaux, sous la présidence de Paul III, sur le projet de faire élire par le roi un archevêque et de nommer un collège de douze prêtres, qui, dans la suite, pourvoiraient à la vacance du siège par l’élection de l’un d’entre eux. Sans douté, Bermudez avait été invité à profiter de la prépondérance dont il jouissait à la cour pour faire admettre ce plan. Mais son ambition le poussa à exagérer et à fausser le rôle de précurseur et à se poser lui-même en délégué pontifical en se donnant le titre de patriarche (1540). Il réussit à passer pour tel, d’abord à la cour de Lisbonne et à Goa, près des Portugais, puis à la cour d’Ethiopie, comme en témoigne une lettre du roi Glaodios, fils de Lebna-Dan’pel (1542-1543), adressée au souverain pontife : « …Vous avez daigné nous accorder pour pasteur notre père (abonna) Johanès et lui conférer la consécration épiscopale — c’était faux ! — Nous l’avons accueilli et placé sur le siège métropolitain, etc. » — Au reçu de ce message impérial, le pape Paul III fit tenir plusieurs congrégations à l’elTet de délibérer sur le moyen de remédier à la fausse situation créée par l’intrusion de Bermudez. On résolut d’amener prudemment le roi à ordonner la déposition du pseudo-patriarche et de procéder t l’élection d’un candidat au siège épiscopal, selon le mode indiqué plus haut. Mais cette délibération resta sans être mise à exécution. Vat. urbin., n. 829, p. 293. Cf. M. Chaîne, Le palriurche Jean Bermudez d’Ethiopie (1540-1570), dans la Revue de l’Orient chrétien, 1909, t. XIV, p. 321-329.

Cependant, une fois délivré du fléau musulman, le roi Glaodios revint aux instincts schismatiques et se montra hostile aux catholiques, à commencer par l’abouna Johanès dont il refusa désormais de reconnaître les pouvoirs. D’ailleurs, Jean III, ayant le dessein de faire nommer un vrai patriarche, l’avait informé de la fraude de Bermudez. Le monarque éthiopien s’en autorisa pour le mettre à l’écart sans provoquer le ressentiment des Portugais à sa solde. Enfin, l’envoi au Caire d’une députation pour obtenir un abouna copte, selon l’usage traditionnel, abroge l’acte de répudiation accompli par son père. Bermudez le lui reprocha comme un parjure et une apostasie, après ses engagements envers le siège de Pierre. La querelle s’envenima. Les menaces de Bermudez aboutirent à son expulsion (1556).

VIII. ÎNIissioN DES JÉSUITES.

i" phasc. — l°Le patriarche André d’Oviédo et le roi Glaodios. — Sur ces entrefaites, le projet de mission, longuement préparé à Lisbonne, était en voie d’exécution. Les exhor tations persévérantes (1546-1554) de saint Ignace de Loyola, enfin accueillies par Jean III, lui tirent agréer et présenter au pape Jules III les noms de trois candidats, un au titre de patriarche, deux à l’épiscopat à titre de coadjuteurs, pour l’Église d’Ethiopie. Mais en Ethiopie, nous l’avons vii, les conditions étaient bien changées ; les dispositions de la cour impériale étaient devenues tout à fait hostiles ; tous les ordres civils et ecclésiastiques étaient groupés autour de l’évêque copte, l’abouna Jusab (Joseph). Le patriarche Nuiiez Barreto dut attendre à Goa, parce que, d’après les informations du P. P.odriguez Gonçalho, envoyé en éclaireur à la capitale d’Abyssinie, les portes lui seraient fermées. Il mourut là en 1501. Une tentative avait été néanmoins décidée, et le premier évêque coadjuteur, André d’Oviédo, dont le caractère épiscopal n’était pas divulgué, se rendit en Abyssinie avec le P. Manoel Fernandez (1557). D’Atmeid.i, dans Beccari, t. v, p. 370. L’hostilité de l’empereur Glaodios apparut manifestement au milieu des manières de la plus attentive courtoisie qui le distinguait. Ce prince et tout son entourage laïc et religieux redoutaient que les missionnaires ne fussent les précurseurs d’une invasion portugaise. La tactique politique de la cour fut d’éviter tout froissement avec le gouvernement de Goa et la cour de Lisbonne, tout en se tenant dans les retranchements du schisme religieux. André d’Oviédo ne fut pas traqué comme missionnaire catholique ; il put même enseigner et son caractère épiscopal fut reconnu censément pour les Portugais naturalisés. Malgré les remontrances de l’abouna Jusab, le roi ne craignit pas de laisser la liberté de controverse dans son palais ; on le voit même entrer dans la mêlée, car son esprit perspicace, subtil et délié dans l’étude de sa religion, avait pénétré à fond les raisons théologiques sur les mystères et toutes les questions ecclésiastiques. Il se flattait, avec un orgueil teint de fatuité, de tenir le sceptre de la science aussi bien que celui de l’autorité suprême. ÎNIais les débats dégénérèrent en huées, à défaut d’arguments, et l’obstruction couvrait la voix des missionnaires. Les Abj’ssins appelaient cela la victoire. Les clercs et les moines s’agitaient beaucoup à la cour, dans les camps, dans tous les centres autour des ardents controversistes qui tenaient tête aux défenseurs catholiques ; les chroniques en mentionnent spécialement deux, abba Zakra et abba Paolos. La coterie de la reine mère Sabla-Wan’çêl entretenait les intrigues et les agissements pour circonvenir le roi Glaodios, car l’on craignait que son goût pour l’étude approfondie des questions religieuses ne l’entraînât à des concessions préjudiciables au parti jacobitc. Devant cette levée de boucliers dans des bruyantes et inutiles discussions, Oviédo et son compagnon s’en étaient écartés pour se livrer au travail de l’apostolat obscur et patient, et non sansfruits sérieux, au dépit mal dissimulé du roi. Sa grande prudence, sa magnanimité et sa charité attirèrent à Oviédo le respect universel. Sait, t. ii, p. 276. Le devoir de sa charge, cependant, pesait sur lui et son zèle du salut des âmes même malgré elles le poussa à écrire (22 juin 1557) au roi Glaodios une lettre où il le prémunit contre les trames et les intrigues de sa cour et surtout contre l’influence d’autant plus néfaste qu’elle est plus puissante de la reine sa mère elle-même, oublieuse des protestations d’attachement durant les jours de malheur et des acclamations chaleureuses envers les libérateurs. D’Almeida, dans Beccari, t. v, p. 377-380.

Les conseils de l’apôtre échouèrent devant la défiance et les appréhensions que la mère inspirait au jeune souverain et devant l’opiniâtreté en son propre sens et l’orgueil ancestral. Glaodios se déclara « fils de l’Église d’Alexandrie » , et pour la justificatioa