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ENFER D’APRÈS LES PÈRES


Didyme l’Aveugle († 395), pendnnt ce temps à Alexandrie, se faisait l’aiiolof^iste de son maître et prédécesseur au Didascalce. Sur l’enfer sa pensée n’est pas très claire. Tixeront, oj>. cit., p. 198, trouve la doctrine de Didyine « correcte « après Mingarclli, Commciitarius de Didijmo, 1. II, c, xxii, 14, P. G., t. XXXIX, col. 201 sq. Bardy, Didt/me l’Aveugle, in-8°, Paris, 1909, p. 142-143, le croit univcrsaliste ; de même P. liatilïol, Apocataslasis. dans Calholic encijclopedia, t. i, p. 599-GOO ; Lucke, Coinm. prxvia à VEnarral. in Episl. calh., t. xxxix, col. 1738 sq. Voici les principaux textes donnés comme orthodoxes : De Triiiitate, I. IX, c. ni, P. G., t. xxix, col. 480 ; c. vii, n. 7, col. 580 ; c. xii, col. 669 ; l. III.c. xlii, col. 989 ; De Spiritu Sancto, trad. de S. Jérôme, n. 47, P. L., t. XXIII, col. 1074 : trcididisse eos sempilerno erucialui… Ipse igitiir… subjecil miilliplicibus Iongisque cruciatibus, ul nec præscnli tempore, ncc in (utiiro consequantiir veniam peccatonim ; n. 59, col. 1082 : lapsus ad prava ad n’ieinam pœnam ducil et iaiiarum. Cf. Contra manichœos, c. xv, col. 1105.

En faveur de l’apocatastasis origéniste, on cite Enarr. in I Pet., i, n. 12, P. G., t. xxxix, col. 1759 : ce que les imges désirent voir, c’est le salut de la fin du monde : ou bien c’est la béatitude, indépendante de la fin du monde, alors dicendum est et concupiscere in eum prospicere angclos qui in Iransgressione quadam inventi sunt. Namlicct comm quidam prain sint, attamen dclenti supplicio respicicnles unde cccideninl (quod etiam sludiosis hominihus compiomitlitur), habebunl desiderium vel pcr jenestrus ea respicere. Ce texte peut s’entendre, comme le note Lucke lui-même, loc. cit., d’un désir inefficace sans conversion ni effet ; à la place de respicienles, c’est à tort, en effet, que les anciennes éditions portaient resipiscenles ; ou du moins on pourrait supposer que pravi signifie ici les anges qui avaient commis des fautes légères (opinion de Didyme), non les damnés proprement dits. Cf. Mingarelli, col. 204.

Mais voici un autre texte plus clairement origéniste, /n / Pet., 111, 22, col. 1770 : Subjectis sibi angelis et potestatibus et viiiulibus : sicut enini honiines abstinentes a peccalis subjecti sunt, ita et superiora rationcdia correcta spontaneis culpis quæ forsitan habuerunt ei subjeela sunt, compléta dispensalione habita, pro salule cunclorum. D’ailleurs, ajoute le commentateur, même si on comprend dans le texte de saint Pierre les anges qui n’ont pas péché du tout, il restera vrai que tous les genoux fléchiront devant le Christ au ciel, sur la terre et dans les enfers. Est-ce là de l’universalisme absolu ? S’agit-il des démons ? du salut de tous absolument ou de tous les anges convertis ? D’autre part, il faut avouer que les textes orthodoxes ne sont pas d’une parfaite clarté, quand on sait que les mots « éternel, sempiternel » chez Origène ne signifient pas nécessairement l’éternité stricte. Cf. In. Epist. Judæ, 12, 13. Enfin, Didyme insiste souvent sur le caractère médicinal des châtiments divins.

A Alexandrie, encore à la même époque et jusqu’en 399, le patriarche Théophile était origéniste. Tout à coup, pour des motifs qui ne semblent pas avoir été tous dignes d’un évêquc, il devint violent antiorigéniste. De ses luttes et de ses violences, nous n’avons qu’à citer la condamnation de l’eschatologie origéniste dans ses Episl. paschales, de 401 et 402, aux évêques d’Egypte. Dans celle de 401, n. 8, P. L., t. xxii, col. 779, il déclare la restitutio diaboli, vox impia, ct les circuits de chutes et d’ascensions des âmes, deliramenta, f, abulse, impiissimum dogma, emprunté aux philosophes, n. 9, col. 780. Au n. 10, c’est un impietatis barathnis de dire que la restitution des démons se fera p.ir la passion du Christ devenu démon, comme il

s’est incarné pour les hommes. Cf. n. 15, col. 78.3 ; Episl., de 402, n. 9-12, col. 799-800. A l’instigation de Théophile, en 399 ou 401, se tinrent trois synodes contre l’origénisme à Alexandrie, à Jérusalem, en Chypre. L.’Epist. sijnodica d’Alexandrie ad episcopos puln’stinos et Cypiiæ, P.L., t. xxii, col. 762, 767, rappelle l’horrible restitution des démons. Chez nous, répondit le synode de Jérusalem, il n’y a pas d’origénistes, ni de défenseurs de ces pestifera dogmala, tels que la fin du royaume du Christ et la restitution définitive du diable, soumis avec le Christ à l’empire du Père ; ceux qui croient de pareilles choses iront en enfer avec le diable et ses anges, etc. P. L., t. xxii, col. 770. En somme, dL’nouveau l’origénisme semble avoir été alors plus une sympathie exagérée pour Origène et une discussion de personnes qu’une erreur eschatologique..insi l’évêque Jean de Jérusalem, ami d’Origènc, et qui écrivit pour se disculper et aussi pour disculper l’origénisme, n’a très probablement jamais défendu aucune erreur relative àl’enfer ; saint Jérôme ne lui reproche guère que des imprécisions. Voir plus haut, col. 59.

2. Hésitations et éclaircissements.

A peu près à l’époque de ces luttes violentes en Egypte et en Syrie, ou un peu avant, l’origénisme se glissait pourtant, et sous forme d’erreur eschatologique, plus au nord au sein de la Cappadoce et y déterminait des fluctuations moins violentes, mais plus significatives. Des trois lumières de la Cappadoce, saint Basile sut garder son éclat dans toute sa pureté ; quelques-uns doutent de saint Grégoire de Nazianze ; saint Grégoire de Nysse fut certainement terni par l’erreur univcrsaliste.

Saint Basile le Grand ( j 379) expose avec force notre dogme, tout en y joignant ces descriptions Imaginatives de la prédication populaire cjui ne prétendent pas à la vérité des détails, mais à cdle de l’impression générale. Voici d’abord la peine du dam : De Spiritu Sancto, c. xvi, n. 40, P. G., t. xxxii, col. 141 : les damnés seront éloignés tout à fait du Saint-Esprit : cette séparation est le principe radical de la damnation. Puis une description de la peine du sens. In. Ps. xxxiii, n. 4, P. G., t. xxix, col. 360 sq. : les méchants ressusciteront pour l’opprobre et la confusion, lorsqu’ils verront la turpitude et les formes honteuses de leurs péchés imprimées en eux. Et cette confusion éternelle est peut-être plus horrible que les ténèbres et que le feu inextinguible lui-même. Au n. 8, une exhortation morale : Si tu te sens porté au péché, pense au tribunal du Christ, au gouffre profond, aux ténèbres impénétrables, au feu sans éclat qui brûle dans les ténèbres sans éclairs, aux vers venimeux qui dévorent les chairs, insatiables et infligeant par leurs morsures des douleurs intolérables, enfin au supplice le plus grave de tous, la honte et le déshonneur éternels. Cf. In Ps. xxviir, 2, 7 ; Homil. tempore famis, n. 9, P. G., t. xxxi, col. 328 ; Epist., xxiii, P. G., t. xxxii, col. 293 sq. ; xlvi, n. 5, col. 377 sq. ; Ascetica, De judieio Dei, t. xxxi, col. 653 sq. Saint Basile s’élève directement contre l’apocatastasis dans les Regulæ breuiter traclatx, q. cclxvii, ibid., col. 1264 ; à la question : Si alius mullis vapulabit, aliiis vero paucis, quomodo dicunt quidam nullun^ esse pœnarum ftnem ? il répond que les textes affirmant l’éternité de l’enfer sont clairs, certains, nombreux et il en cite quatre qui sont classiques. Puis, il indique la raison cachée de la négation de l’enfer :  ; la plupart des hommes prétendent que leur supplice aura une fin, afin de pécher avec plus d’audace. Ensuite, il expose l’argument scripturaire et théologique fondamental : Si le supplice éternel devait avoir une fin, la vie éternelle aurait aussi une fin. Et si on ne peut admettre ceci, on ne peut non plus parler de la lin