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Paris, 1903, p. 749. Or, cette théorie est fausse et contradictoire. Kant affirme bien que l’impératif catégorique ou la loi morale oblige les hommes à constituer une société et, par suite, une autorité civile, mais, d’après sa théorie, ces lois civiles ne doivent pas être considérées comme étant morales en elles-mêmes. Il faut quand même les observer telles qu’elles sont et les regarder comme le principe légitime de tous nos droits et de tous nos devoirs civils. C’est donc la théorie du despotisme absolu. En outre, sa thèse sur la nécessité du consentement pour imprimer à la loi son caractère de justice n’est pas admissible ; car le consentement de la volonté humaine ne saurait rendre juste ce qui en soi est injuste.

La théorie de l’organisme social et de l’évolulionisme historique n’est pas moins inadmissible que les théories précédentes. « Une hypothèse gratuite est ici encore le point de départ. Le corps social serait un organisme qui aurait évolué sous l’impulsion d’une énergie aveugle, à l’image des êtres organiques. La sauvagerie aurait été l’état primitif de l’homme, et le pouvoir public tiendrait son origine de la force brutale ; mais plus tard, grâce au progrès de la civilisation, l’autorité aurait revêtu un caractère moral et se serait adressée à la conscience, produit tardif de l’évolution humaine. » E. Valton, Droit social, p. G4. Ainsi donc, le droit, d’après cette école, se serait fondé par l’évolution organique de la société, droit qu’il faudrait dégager des faits juridiques. La conséquence logique de ce sjstème est que l’origine du pouvoir ou le jirlncipe qui le légitime est le fait même de son existence et de son exercice. C’est la théorie de la justification du fait accomjili. Elle nous ramène à la tiiéoric brutale de Hobbes, d’après lequel la force crée le droit. Les principaux représentants de cette école furent Herbert.Spencer, qui, spécialement dans son livre : Principes de sociologie, s’inspira à la fois d’Auguste { ; omte et de Darwin, unissant l’organisme

l’évolulionisme, et Frédéric-Charles Savigny,

1779-1861, chef de l’école historique du droit, qui lend à écarter les principes absolus du droit naturel pour ne se guider que sur l’étude des faits.

b) Quant à la Ihéorie du droit divin, ou de " la communication immédiate » , professée par Jacques P’et les gallicans, c’est Dieu qui confère lui-même, par un acte immédiat de sa propre autorité, la souveraineté au prince, de sorte que l’élection n’est qu’une simple désignation de la personne. Assertion gratuite qui ne repose sur aucune donnée positive sérieuse. Car, de ce gouvernement théocratique et de ce droit divin immédiat, on ne peut rencontrer aucun exemple, sinon dans l’histoire du peuple d’Israël.

c) Enfin, la théorie dite " des titres providentiels t, tout en rejetant la thèse du droit divin immédiat, se propose d’écarter l’intervention du consentement populaire dans la constitution du pouvoir civil. « Le titre qui opère la translation du pouvoir de sa forme abstraite à sa forme concrète et à un sujet (lélerminé est raptitude providentielle de ce sujet à’exercice de ce pouvoir. D’où il résulte pour le chef (l’État provi(lenlicl le droit d’exiger, même par la force, l’obéissance en tout ce cpii concerne le bien commun, objet et règle de son pouvoir. » Castclein, op. cit., p. 7.’)G. Le propagateur de cette théorie a été Haller, dans son li rc : Kcstmiralion de la science politique, dont se sont plus ou moins rapprochés « le Bonald et de.faistre. Or, celle théorie repose sur une hypothèse gratuite et)ilulot contraire aux faits.’.n offct, ces écrivains supposent quc la ]irovidence suscite dans toutes les sociétés en voie de fonnation des hommes supérieurs et cxccptiotinels, de manière qu’il en résulte mr la société un droit incontestable « l évident d’êlrc gouvernée par ces hommes, et, corré lativement, pour ces derniers, un devoir évident et incontestable de gouverner la société. Mais il faut reconnaître que l’apparition de tels hommes est un fait exceptionnel et rare, et que le principe invoqué, par les tenants de cette école ne saurait se déduire des lois de la providence.

2. Solution vraie.

En face de toutes ces théories plus ou moins erronées, se dresse l’enseignement traditionnel de la philosophie chrétienne, ou la thèse scolastique. Ses tenants sont nombreux. Il suffira de citer, parmi les anciens, S. Thomas, Siim. theol., P II*, q. xc, a. 3 ; q. xcv, a. 4 ; q. xcvii, a. 3 ; De regimine principum, 1. I, c. ii ; Cajetan, Comm. in Sum. iheol. S. Thomæ, passim ; Bellarmin, De sumnw pontiftce, f. I ; Suarez, Defensio fulci calholiæ 1. III ; De legibiis, 1. II, c. II, etc. Voici quel est le principe fondamental de cette thèse chrétienne des origines du pouvoir : la source de l’autorité civile est la volonté divine, manifestée seulement dans la loi naturelle. En effet, la société civile, étant une société nécessaire et naturelle, tire son origine des lois naturelles elles-mêmes, ou, plus justement, de Dieu, auteur de la nature. Or, « une société ne peut subsister ni même se concevoir, s’il ne s’y rencontre un modérateur pour fondre en une seule les volontés éparses et les faire converger vers un but commun ; Dieu a donc voulu qu’il y eût dans la société civile une autorité commandant à la multitude. » Léon XIII, encj’cliquc Diiilurnum. Aussi bien c’est dans la volonté de Dieu que nous devons chercher le principe premier du pouvoir civil et de son caractère moral. Comme Dieu a voulu l’état social, qu’il fait découler manifestement des exigences mêmes de notre nature, il a voulu en même temps, dans cet état social, afin de l’adapter aux besoins de l’homme, une autorité supérieure qui puisse coordonner et protéger les droits privés et les libres relations particulières des citoyens entre eux. Dieu a voulu, tl’une manière indivisible, et la fin de l’état social, et la constitution de l’état social nécessaire à cette fin, et aussi l’autorité sociale nécessaire à cette constitution. Mais il faut observer qu’il n’est ici question que de l’autorité en général, abstraction faite du sujet en qui elle réside et de la forme spéciale qu’elle peut revêtir. « Si, en effet, nous nous plaçons sur ce terrain concret et iiarliculier, il nous faut reconnaître que Dieu n’intervient pas par une action immédiate et exclusive ; il ne donne pas directement l’investiture au pouvoir politique et il ne désigne pas lui-même le sujet du pouvoir suprême, ni la forme en laquelle celui-ci doit s’exercer. De ce gouvernement théocratique, de ce droit divin, seule, l’histoire du peuple d’Israël nous offre un exemple. Mais Dieu laisse aux causes secondes le soin de déterminer et la forme de l’autorité, et le sujet en qui elle réside, et le inode de transmission ; le pouvoir liumain, s’il dérive de Dieu, se transmet et se détermine par le jeu naturel de l’activité humaine. E. Valton, ’Droit social, p. (36. Cf. Castelein, op. Cl/., p. 7.’)7 s(i. ; Mcichior du Lac, L’Église et l’Étal, Paris, iS’->0, l. i, ]). 7 sq.

.’V' l-’orce obligatoire. — L’origine du pouvoir politique est à la fois naturelle et divine, nous venons de le démontrer. Il suit de là que ce iiouvoir porle en lui-même un caractère sacré et obligatoire qui s’adresse aux consciences. « L’autorité est le principe directeur efficace des sociétés humaines, et par consé<iuent elle doit, se conformant à la nature de l’homme, rcsjjecter sa dignité suprême d’être raisonnable et libre. Qu’est-ce à dire, sinon que, pour l’homme libre, la seule direction vraiment ellicace et qui sauvegarde la dignité de la personne est celle de l’obligation morale s’exerçant par la contrainte immatérielle du devoir’.' (^li. Antoine, op. cit., p. 1. Tel est, en effet, renseignement de la philosojihie chrétienne. Cf. Sua-