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ESTIUS


C’est en ce temps-là que naquirent, au sein de l’université, deux grandes œuvres qui ont rendu d’immenses services et qui ont survécu à leurs auteurs comme à l’université elle-même. 1. Allen et les docteurs anglais réfugiés à Reims avec lui entreprirent, pour répondre aux attaques des protestants, la publication de la Bible dite de Douai, œuvre de controverse, d’érudition et d’édification qui eut dès l’abord un immense succès et qui est lue encore aujourd’hui par tous les catholiques de langue anglaise. Il y a peu d’années (1885), le troisième concile plénier de Baltimore recommandait aux fidèles américains cette version vénérable, « parce rju’elle a servi à nos pères, pendant trois siècles, qu’elle nous vient sanctionnée l)ar d’innombrables autorités, et qu’elle est convenablement annotée par le savant évêque Challoner, «  autre élève de Douai.

Le Nouveau Testament parut en 1600 avec l’approbation d’Estius, de Peeters et d’Heylens, et l’ouvrage tout entier en 1609, avec l’approbation d’Estius, de Peeters et de Colveneere.

2. Estius connut aussi sur les bancs de l’université un jeune jésuite, son compatriote, Héribert Rosweyde, qui fit sa philosophie et prononça ses premiers vœux au collège d’.

chin, en 1590. C’est là

qu’il commença à réunir les Acia sanctorum. en fouillant les bibliothèques des monastères de la région. Il donna à son collègue.Jean Rolland la première idée de l’œuvre colossale des bollanclistes, qui, jjourtant, dans sa pensée, ne devait avoir que dix-sept volumes. Voir t. I. col., 330-.331 ; t. ri. col. 951.

Plus tard, un autre étudiant de Douai, Daniel van Papebroeck, travailla pendant cinquante-cinq ans à cette grande collection avec son érudition immense et sa critique très sûre. Le dernier bollandiste avant la Révolution fut.Josepli Ghesquière de Courtrai, qui avait, lui aussi, étudié à l’université de Douai.

D’autres élèves d’Estius se firent un nom à cette époque. Citons seulement.

toine Sanderus de Gand,

auteur de la llandiiu illiisirata (1611), et Aubert Lemirc (Mirœiis) de Bruxelles, qui publia sa Chronica reriim, en 1608, et ses Oprni diplomaiica, en 1630.

2 » L’cxégHe. — 1. Estius possédait toutes les qualités qui font l’excellent maître : science dogmatique et scolastiquc très complète, pénétration profonde, sens critifiue très développé, eneliaînement logique des idées, tels sont les caractères principaux que ses élèves et ses contemporains reconnaissaient à son enseignement : « Estius et Sylvius, dit le savant Paquot. sont les deux docteurs qui ont le plus contribué a la réputation de. l’université de Douai. Le second a égalé le premier pour la justesse du raisonnement ; mais il lui est inférieur pour le style, pour la ariété des connaissances, pour la lecture des Pères, pour la controverse et pour l’explication de l’Écriture sainte..Sylvius a plus de célébrité dans l’École, Estius en a davantage parmi les savants. »

Tous deux, d’ailleurs, étaient cordialement attachés à l’Église et à toutes ses doctrines. Voici une partie de la belle protestation trouvée dans les papiers d’Estius après sa mort : f’rolestatur aulhor quod nmniii vclil esse siihmissci judicio Errirsia’catholicu : et cjux summo in Irrris juisfori uc judiri, ronmnn pontifici, veUlf/iir prn non dicto haberi xi quid nmle dicliim ; quod noiit iilli pcrsonæ nul jnmiliæ delradum, rupiens christiannm r.uni omnibus nilholicis benevolenliani et, qnuntum pnssibilr est, amiciliam colère et ronsfri’cire ; item derlurut se itbique sequutum srnsinn Errlesiw.

Il faut avouer cependant que d’autres e.xégètes ont mieux connu ((u’f^stius les langues grecque et hébraïque ainsi que la poésie latine, et que d’autres encore ont étudié plus ù fond la philologie et l’histoire

ecclésiastique. De plus, certains théologiens lui reprochent, non sans raison, d’être resté trop attaché à quelques opinions réprèhensibles de ses anciens maîtres Bains et Hessels.

On ne peut mieux caractériser la valeur exégétique du commentaire d’Estius sur les Épîtres de saint Paul, qu’en le comparant aux commentaires de Maldonat sur les Évangiles : même méthode, même érudition, même pénétration, même profondeur de vues. Dans les deux ouvrages, un égal souci de la recherche du sens littéral, de la liaison logique des idées, du choix judicieux parmi les interprétations proposées par les Pères. Estius relève plus de l’école d’Antioche que de celle d’Alexandrie. Il trace la voie aux exégètes de l’avenir par sa ténacité à s’attacher à rechercher l’idée même de l’auteur inspiré. Pas de divagations dans le sens spirituel ; il emploie dans son exploration méthodique ce cjue la philologie et l’archéologie du temps pouvaient lui fournir. Catholiques et protestants estiment et utilisent à l’envi ce précieux ouvrage qui marque une étape sérieuse dans l’interprétation des écrits de l’apôtre.

Ces commentaires ne furent imprimés qu’après la mort de l’auteur. Le i<^ volume ne fut achevé qu’en 1614, le n<^ en 1616 par les soins de Barthélémy Peeters. Ils furent plusieurs fois réédités à Paris, à Rouen et à Cologne. Au xix^e siècle, cet important ouvrage fut réimprimé deux fois à Mayence (1841 et 1868) et une fois à Paris, in-8°, 1892.

2. Nous ne séparerons pas de la grantle œuvre exégétique d’Estius les Annoialiones in prxcipiia ac di/ficilioid sacræ Scriptiiræ loca, bien que ce dernier livre mérite moins d’éloges que le précédent. La préface indique les circonstances au milieu desquelles ce volume fut composé. xii séminaire du Roi, dont Estius était président, on avait l’habitude de lire au réfectoire un chapitre de la sainte Écriture. Après le repas, le maître ciioisissait un verset plus marquant. Il demandait à un élève sa façon de l’enleudre, ou bien il posait quelque objection, puis il donnait son explication. Tout cehi était préparé sans doute par le professeur ; mais ces expositions courantes, données surtout au point de vue moral, étaient moins travaillées et moins mûries que les leçons du cours suivi ; ces fragments détaches ne valent donc pas le commentaire ex cathedra. Ex qiiibus sparsim ila digestis^ collectæ siint Annoialiones islu’. quas nno hoc voluminc exhibemiis. Ainsi s’exprime Gaspard Nemius, élève d’I'"stius et futur archevêque de Cambrai, dans l’epislola dedicatoria de la 1e édit.on, qui parut eu 1612, à Douai. Cet ouvrage n’est que le résumé de conversations pieusement recueillies par un disciple, mais non revues par l’auteur, et imprimées huit ans après sa nu)rt. l^ne seconde édition, considéraljlement augmentée et moins défectueuse, fut donnée par Uarthélemy Peeters en 1629 ; six autres éditions parurent encore durant la seconde partie du xvii’e siècle.

.Malgré sa valeur, ce volume n’a pas été à l’aliri de toute critique, l-.u 1722, des professeurs de l’université, Delcourt, .mand et Jacques de.Marcq.émus par les querelles jansénistes qui se ]irolongeaient à Douai et aussi par les abus qu’on pouvait faire de quelques textes d’Estius, voulurent porter remède au mal. .près avoir condamné sept jeunes maîtres inféodés à la secte. ils ajoutèrent : Diffileri non possumus quædam occiirrere in operibiis Eslii et Syli’ii, qnæ diiriora sint et corrigenda, ne qnid pejns dicaniiis. Leurs observations, qui ne sont pas sans fondement, portent surtout sur certains chapitres de l’Évangile selon saint.fean. Qu’on ne s’imagiiu’pas. dit Estius, que le secours suffisant de la grâce ex parte Dei soit ollert à tous les hommes et qu’il puisse jKir lui-même les mener au Christ. iii, 17-vi, 37. « A propos de la prière