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ESSENCE


riluclle, voir plus haut, col. 836, et Anges, t. i, références déjà indiquées ; âme humaine, d’essence spirituelle, voir Amk, t. I, col. 1021 ; âme humaine, essentiellement forme du corps, voir Forme.

2° Ordre surnaturel : objet surnaturel, par essence, Dieu, comme dans la vision bcatifique, voir Intuitive {Vision) ; essence de la grâce sanctifiante, de la grâce actuelle, voir Grâce, et Concours divin, t. III, col. 781 ; essence ou nature des vertus infuses ; et, dans la vertu de foi, essence de l’acte de foi, simple ou complexe, dont les propriétés essentielles sont l’obscurité, la liberté, la certitude, voir ces mots ; essence de la charité. Voir Charité, t. ii, col. 2218. Par rapport à la foi, on étudie également les articles de foi prétendus essentiels ou fondamentaux. Voir Articles fondamentaux, t. i, col. 2025. L’ordre surnaturel nous conduit aussi à rechercher l’essence du péché, mortel, véniel, originel. Voir Péché et Concupiscence, t. iii, col. 806. Les fins dernières rappellent la distinction entre la béatitude essentielle et la gloire accidentelle des élus, voir Béatitude, t. II, col. 497, complété par Intuitive (Vision) ; entre les peines essentielles et les peines accidentelles des damnés. Voir Dam, t. iv, col. 6 ; et Mitigation des peines de l’enfer.

3° Parallèles à l’ordre surnaturel, les moyens de salut présentent plusieurs aspects où le terme essence reçoit une signification dogmatique. L’Église, voir Église, t. iv, col. 2135, est essentiellement une société parfaite et suprême. L’essence de ses sacrements renferme deux parties, matière et forme. Voir Sacrements et Forme. Son sacrifice comporte une partie principale, la consécration, qui en forme l’essence. VoirJÈpiCLÈSE, col. 194, et Messe.

Ici encore, essence a comme synonyme nature, et l’on emploie souvent indifféremment l’un et l’autre terme.

IV. Différents systèmes théologiques par rapport a l’essence et a l’existence. — C’est maintenant le moment d’étudier le fondement ontologique du rapport entre l’essence et l’existence des êtres créés. Ici, nous quittons le terrain dogmatique pour entrer dans le domaine des systèmes. Néanmoins, comme on le verra tout à l’heure, la question de l’essence et de l’existence est trop importante, eu égard à la direction qu’elle imprime aux différents systèmes théologiques, pour qu’on puisse la négliger. Nous examinerons brièvement : 1° comment se pose le problème ; 2° les deux attitudes possibles ; 3° les conséquences dans l’édifice des systèmes théologiques ; 4° les conséquences spéciales dans l’exposé des dogmes de l’incarnation et de la trinite ; 5° la pensée de saint Thomas à cet égard.

I. COMMENT SE POSE LE PROBLÈME.

NoUS aVOUS

vu plus haut, col. 834, que dans tout être créé, le concept de l’essence est différent de celui de l’existence, tandis qu’en Dieu l’essence renferme l’existence : son essence est d’exister. Cette différence repose-t-elle sur un fondement réel ? Le mot fondement réel peut être compris de deux façons. Unanimement, les métaphysiciens admettront un fondement réel, en ce sens que l’essence physique, dans sa réalité, ajoute des éléments à ceux que représente à notre intelligence l’essence métaphysique ou spécifique : et c’est par le fait de l’existence que ces éléments, les notes individuelles, sont surajoutés. Mais ce fondement réel comporte-t-il, en outre, une distinction rée//c entre l’entité de l’essence et l’actualité de l’existence ? Tel est le problème qui se pose.

II. LES DEUX ATTITUDES POSSIBLES. Il y a deUX

façons de l’envisager, et, partant, deux solutions à y apporter.

V solution. — On peut appliquer ici la théorie

de l’acte et de la puissance, telle que l’envisage le système aristotélicien, en considérant l’essence et l’existence comme deux réalités non absolues, mais transccndentalement ordonnées l’une à l’autre, comme la puissance l’est à l’acte et réciproquement. Ainsi comprises, elles ne peuvent être réalisées l’une sans l’autre ; à plus forte raison, ne peuvent-elles être, même par la puissance de Dieu, séparées ; mais elles sont distinctes réellement, comme l’acte l’est de la puissance. Distinctes réellement ne veut donc pas dire séparables, mais simplement ordonnées dans le rapport d’acte à puissance ou de puissance à cet acte. Et pour faire saisir d’un mot leur pensée, les défenseurs de ce système, pour bien montrer que ni l’essence ni l’existence, quoique réellement distinctes, ne sont des êtres complets, leur appliquent à chacune le terme expressif d’ens ut quo. L’existence est le principe qui pose l’essence dans son actualité, mais « de même que nous ne pouvons pas dire que la course elle-même court, de même nous ne pouvons dire que l’existence existe. » S. Thomas, In lib. Boetii de hebdomadibus, lect. ii.

21= solution. — A l’opposé, on peut considérer l’essence et l’existence comme des entités qui, si elles étaient distinctes réellement l’une de l’autre, posséderaient, chacune en particulier, une réalité propre. Dès lors, dit-on, qu’il s’agit d’une distinction réelle, il faut qu’efie porte sur des réalités ; or, toute réalité est telle par des principes qui lui sont intrinsèques et non en vertu d’un principe étranger : « Il s’agit, dit Suarez, Metaph., disp. XXXI, sect. i, n. 13, d’une comparaison entre l’existence actuelle et l’essence actuellement existante : en ce sens, il ne peut y avoir qu’une simple distinction de raison entre l’un et l’autre, car l’essence prise abstraitement et considérée dans sa puissance (c’est-à-dire l’essence logique), se distingue de l’existence actuelle comme le nonêtre de l’être. Et je crois, ajoute le grand théologien, que cette doctrine ainsi entendue est de tous points la vraie. En voici le fondement en quelques mots : une chose ne peut être constituée formellement et intrinsèquement dans l’état d’être actuel et réel par une chose distincte d’elle-même, parce que, par le fait même qu’une chose est distincte d’une autre, comme un être d’un autre être, chacune a déjà par soi d’être une réalité distincte de l’autre. »

La première opinion paraît être celle d’Aristote, Poster. Analyt., 1. II, text. 7 ; De gencratione, 1. II, text. 2, et de la plupart de ses commentateurs arabes, Avicenne, Alfarage, Algazel, Themistius. On l’attribue également à juste titre aux néoplatoniciens, spécialement à Plotin, à Porphyre et au pseudo-Denys. Voir St. Schindele, Aseitàt Goltes, Essentia und Existentia in Neoplatonismus, dans Philosophisches Jahrbuch, 1909, t. xxii, p. 166. Guillaume d’Auvergne.- Alexandre de Halès, saint Bonaventure et Albert le Grand l’auraient enseignée avant saint Thomas. Revue thomiste, 1911, p. 445457. Saint Thomas, dit-on, a également enseigné la distinction réelle de l’essence et de l’existence et l’a défendue contre les averroïstes parisiens. Cf. Mandonnet. Revue thomiste, 1910, p. 742 sq. On verra plus loin ce qu’il faut penser de cette affirmation. Ce ne sont pas seulement quelques néothomistes, voir Dieu, t. iv, col. 889, qui admettent la thèse de la distinction réelle de l’essence et de l’existence ; c’est toute l’école thomiste, depuis les grands commentateurs de saint Thomas, Capréolus, Cajetan, Silvestre de Ferrare, jusqu’aux théologiens contemporains, suscités dans le camp thomiste par le renouveau des études scolastiques. Cette unanimité est si parfaite que l’on est aujourd’hui étonné de rencontrer un thomiste de haute marque, le P. Lepidi, Philosophia