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ESSENCE

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Voir CoNSUBSTANTiEL, t. iii, col. 1606 ; Dehove, Tsmperati realismi xii sœc. antecessores, Lille, 1908.

Quoi qu’aient pu affirmer certains commentateurs de saint Thomas, Cajetan, Comment, in opusc. De ente et essentia ; Tolet, In I"’» , q. iii, a. 3, dub. m ; Arcangelus Mercenarius a Montesancto, Dilucidationes in Arislolelem, c. xi, cités par de Maria, Philosophia peripaietico-scholastica, Rome, 1892, t. i, p. 499, saint Thomas n’a jamais distingué réellement l’essence physique de ses notes individuelles. Une pareille théorie introduirait un sectionnement impossible à concevoir dans la réalité des êtres : que nous concevions l’individu par manière de sujet recevant sa spécification de l’essence et donnant à celle-ci l’individuafité, soit ; que cette conception suppose une distinction réelle, objective, on ne peut le soutenir. Voir S. Thomas, Cont. gent., 1. I, c. xxvi ; Remer, Summa prælectionum philosophise scholasticæ Rome, t89r), t. I, p. 116 ; Billot, pe Verbo incarnato, Rome, 1895, p. 51.

L’essence est réelle par le fait de son existence, soit que l’on conçoive cette existence comme réellement distincte de l’essence, comme l’acte de la puissance ; soit qu’on en fasse simplement l’actuahté même de l’essence réahsée, en n’établissant entre elles qu’une distinction de raison.

L’essence physique, réahsée dans les individus, s’identifle-t-elle avec le suppôt, la personne ? Il est évident que, laissés à la seule raison humaine, nous ne parviendrons jamais à résoudre cette question. C’est la révélation des mystères de la trinité et de l’incarnation qui a apporté la lumière sur ce sujet. Dans l’ordre naturel, il eût paru évident que l’essence et la substance ainsi que le suppôt et, dans les êtres doués de raison, la personne, étaient la même chose. Voir CoNSUBSTANTiEL, t. III, col. 1605. A la lumière de la révélation, il faut modifier cette première impression.

Aristote, Melaph., 1. V, text. 15 ; De prædicam., c. I, distingue deux sortes d’essences, l’essence ou substance première et seconde. Voir S. Thomas, De potentia, q. ix, a. 1. La substance (essence) seconde n’est autre que l’essence dépouillée de ses principes individuels ; elle s’identifie avec l’essence générique ou spécifique ; la substance (essence) première est la substance individuée, l’essence physique. Mais il y a deux sortes d’individualités : l’individualité relative, et l’individualité a&so/ue. L’individualité aftso/jie seule engendre l’incommunicabilité. A vrai dire, l’individu parfait, par là même qu’il est individu, possède l’incommunicabilité, car tout individu existe en soi et par soi, et, par conséquent, ne peut naturellement exister par une autre existence que celle qui lui est proportionnée. Mais l’individualité désigne l’essence ^eule et ne s’étend à l’existence que par voie de conséquence. Voir De potentia, q. vii, a. 2, ad 9’"". L’incommunicabinté, au contraire, embrasse la nature indivifluéc et l’existence. On peut donc concevoir un mode surnaturel d’être, où la nature individuée n’aura point l’incoinniunicabilité, parce qu’elle existera en vertu de l’existence divine, et non de sa propre existence. L’incommunicabilité seule fait l’individualité absolue.

La personne, l’hyposlase — c’est-à-dire la substance possédant l’individualité absolue — ajoutent donc à l’essence individuée l’incommunicabilité. Peu importe présentement de déterminer comment les théologiens expliquent cette incommunicabilité : il nous suffit de préciser la différence que le dogme nous oblige à établir entre l’essence individuée et la nersonne. Cette précision nous permettra d’étudier tout à l’heure les applications aux dogmes catholiques de la notion d’essence. On trouvera le dévelop pement de ces indications dans Billot, De Deo uno et trino, Rome, 1910, q. xxix ; De Verbo incarnato, q.iii, § 2, et dans Labauche, Leçons de théologie dogmatique, Paris, 1911, t. i, p. 5.

/II. pnopniiirÉs des essesces. — Les essences des choses sont immuables, indivisibles, éternelles, nécessaires. — 1° Immuables, parce que changer un élément de l’essence des choses, c’est changer cette essence elle-même, c’est la détruire. Or, s’il est possible de détruire un être créé, et, par là, de détruire son essence physique, il est impossible de détruire les éléments métaphysiques de cette essence, qui demeurent toujours les mêmes, indépendamment des êtres dans lesquels ils trouvent leur réalisation concrète.

— 2° Indivisibles, en ce sens que toute essence simple ou composée ne peut se voir retrancher un élément, sans disparaître par le fait même. C’est la conséquence immédiate de la propriété précédente. Voir S. Thomas, De potentia, q. vii, a. 6 ; In Metaph., 1. VIII, lect. m. — 3° Éternelles, non pas au sens propre du terme éternel, voir Éternité, mais éternelles négativement, parce que dans l’état d’abstraction et de pure intelligibilité, les essences des êtres ne sont point mesurées par le temps. Il a été toujours vrai, il sera toujours vrai que les principes de l’essence humaine sont l’âme et le corps. Il faut ajouter que cette éternité négative suppose une éternité positive en Dieu qui possède de toute éternité les idées des choses. — 4° Nécessaires, dans leur être intelligible, et non dans leur existence réalisée. Réalisées, les essences des choses sont contingentes comme tout être qui n’est pas Dieu. Dans leur être intelligible, elles sont nécessaires parce que leurs éléments se conviennent absolument. Voir ce qui a été dit plus haut, col. 833, de la possibilité intrinsèque, et De Maria, op. cit., Ontologia, tr. III, q. ii, a. 4, 5.

III. Applications dogmatiques.

Le dogme s’est emparé de la notion d’essence pour traduire les réalités mystérieuses de la trinité et de l’incarnation. On ne rappellera ici que ce qui concerne strictement le terme essence, en signalant ce qui en a déjà été dit ailleurs. Le reste sera traité aux articles spéciaux, Hypgstatique (Union), Personne, Trinité. On terminera en indiquant les autres applications de ce même terme essence dans le dogme catholique.

I. Ks.s/j.YCK nANfi LE DOGME DE LA rRiyirÈ. — Pour exprimer la divinité identique dans les trois personnes, le mot essence, en grec oJ(7ta, fut tout indiqué, dès les premiers essais d’exposition du dogme catholique. Mais il faut se rappeler que, naturellement, toute essence, dans l’ordre des réalités, existe connaturellement par son existence propre, bien qu’on puisse lui concevoir un autre mode surnaturel d’exister. De là, l’emploi du mot substance, comme synonyme d’essence, en tant que celle-ci stat sub esse proprio. On indiquera au mot Substance comment, bien que subsistant eu soi, l’essence divine est communicable aux trois personnes.

Fidèles à cette conception métaphysique, les grecs employèrent indilTércmment, dès l’origine, les mots oJTt’a et l/TiôiTait ;, que les latins ont traduits d’abord par subslantia. Nous en avons plusieurs exemples dans des textes concihaires. Voir l’anathème qui suit le symbole de Nicée, Arianisme, t. i, col. 1796 ; Denzingcr-Bannwart, n. 54 ; ou encore la profession de foi préparée au concile de Sardique (343) et que Théodorct, 7I. /i., 1. II, c. vi, P. G., t. i.xxiii, col. 1012, nous a conservée, proclamant ij.î « v elvoi ûroTTauiv, t)v auToi oi aipsTiy.oi o’Jii’av iipo’7ayoBe’JoiiiTt, ToO llarpôç y.al toO Vioii y.ai toO àytou IIveJijlïtoç. De cette identification dérivèrent beaucoup de malentendus : la dénonciation faite de Denys d’Alexandrie au pape saint Denys, à propos de sa lettre à Ammo-