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ESPRIT-SAINT

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sans encourir le reproche de rationalisme, ne serait-il pas injuste de chicaner les latins uniquement parce qu’ils appuient sur les mêmes raisons leur crojance dogmatique ?

On objecte que, par le Filiorjiic, la théologie latine confond en Dieu les notions et les propriétés personnelles. Si le Fils, dit la théologie orthodoxe, possède tout ce qui est au Père et pour cela produit le Saint-Esprit avec le Père, nous devrions en conclure que le Fils participe aussi à l’innascibilité du Père, parce qu’il est consubstantiel au Père.

La théologie catholique ne pose aucun principe qui aboutisse à ces absurdes conséquences. D’après son enseignement, la seule consubstantialité divine n’explique pas la dépendance du Saint-Esprit vis-à-vis du Fils quant à l’origine. L’essence divine, considérée en elle-même, simpliciler, absoliilc, diraient les scolastiques, n’engendre pas ni n’est engendrée : elleest une et indivisible. Mais cette essence, en tant qu’elle est relative, c’est-à-dire en tant qu’elle subsiste hypostatiquement par une relation personnelle, est le principe ou le terme d’une opération vitale immanente. L’essence divine, entant qu’elle est marquée (nous traduisons ainsi le mot scolastique connolata) par la raison formelle de filiation, estengendrée ; lamême essence, en tant qu’elle est marquée par la raison formelle de spiration passive (ixTtops-JT’. ;), procède. La consubstantialité divine n’est donc pas le principe des processions divines. Ce principe nous est donné, si on peut s’exprimer ainsi, par l’essence personnifiée.

La théologie orthodoxe distingue avec la théologie latine la communauté d’essence et la distinction de subsistance hypostatique. In sancta Trinitate omnia sunt sinqnlis subsistentiis seu personis communia, exccplis solis subsistendi modis. Nam in sancta Triniiale quidquid est, aul subsiantia est, aul subsislenlia. Neccsse ergo est, ut quæcumque de Deo dicuntur, vel dicanliir ratione substantiæ, et hoc erit omnibus personis commune, vel ratione subsistentiie, et hoc erit uni lantum proprium personæ. Procopovitch, op. cit., p. 153. Mais en réalité elle n’établit qu’une seule et même relation personnelle entre le Père et le Fils d’une part, le Père et le Saint-Esprit de l’autre, et supprime ainsi la distinction réelle entre le Fils et le Saint-Esprit. En effet, les théologiens orthodoxes déclarent que, si le Fils est avec le Père le principe du Saint-Esprit, il serait le Père du Saint-Esprit, ce qui ferait en Dieu une double relation de paternité. Cela signifie que la paternité divine, dont le terme opposé est le Fils engendré, ne se distingue pas de la spiration active, à laquelle s’oppose comme terme le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit, qui ne se rapporte pas au Père comme terme de la paternité divine, serait ainsi le terme essentiel de cette même paternité. Et en étant le terme de la même relation personnelle du Fils, il s’identifierait avec le Fils, parce que le Fils ne peut ne pas être le terme de la paternité divine. Si d/fa/ur, remarque le cardinal Hengenrother, Spirilus Sanctus ex Paire ul Pcdre procedere, jam Spiritus diceretur Filius, ac Filii prærogaliva destilueretur. Quod si dicatur procedere ex Paire, qualenus est Deus vel quatenus est spirator, quum hic nulla relaliva opposilio habeatur ad Filium, Filius nequil excludi. Raliocinantur theologi. Spirilus Sanctus procedit ex Paire, aul qualenus est Pater, aul quatenus est Deus. Si prius, Spirilus Sanctus necessario erit Filius, quod contra revelalionem ; si poslerius, tune procedit eliam ex Filio, quia nullum signum concipi potest quo Pater sit Deus, quo Filius seque non sit Deus. Proinde aul duo Filii ex Trinitate, aul processio Spirilus Sancli eliam a Filio rata est. Animaduersiones, P. G., t. en, col. 478, 479. Pour réfuter l’objection photienne, il suffit d’exposer clairement la doctrine catholique. Le Père parla génération se distingue duFils, qui est le terme immanent

de cette génération ; le Père par la spiration active se distingue aussi du Saint-Esprit, qui est le terme immanent de cette spiration. Cette distinction établie, nous nous posons cette question : Est-ce que le Père se distingue du Fils par la spiration active dont le terme est le Saint-Esprit ? Lorsque nous disons que le Père engendre le Fils, nous concevons dans le Père l’essence divine marquée hypostatiquement par la relation de paternité qui est le principe d’une réelle distinction entre le Père et le I-’ils. Lorsque nous disons que le Père produit le Saint-Esprit, nous concevons l’essence du Père déjà marquée hypostatiquement par la relation de paternité, puisque dans l’ordre d’origine la spiration vient après la génération. Mais en même temps nous attribuons au Père une opération immanente, en vertu de laquelle il ne s’oppose pas au Fils, il ne se distingue pas du Fils, parce que seules la paternité et la filiation sont les propriétés constitutives de la première et de la seconde personne.

Lorsque nous disons que le Père produit le Saint-Esprit, nous déclarons qu’il est le principe d’une opération Immanente, qui pose une distinction entre le Père et le Saint-Esprit, non pas entre le Père et le Fils. Le Fils peut et doit donc participer à cette opération. Et nous exprimons cette participation, lorsque nous déclarons que le Saint-Esprit procède du Fils aussi bien que du Père. Le sophisme de la théologie orthodoxe aurait une valeur démonstrative, si on pouvait démontrer cjue la spiration active soit une propriété personnelle cjui oppose le Père au Fils, et en vertu de cette opposition empêche le Père de la communiquer au Fils. Mais cette démonstration n’est guère possible, parce que la théologie orthodoxe admet que les seules propriétés personnelles de paternité et de filiation distinguent le Père et le Fils.

Une autre objection de la théologie orthodoxe est ainsi conçue : « Si le Fils est le principe de la spiration du Saint-Esprit, parce qu’il possède tout ce que le Père possède, le Saint-Esprit aussi, qui possède tout ce qui est au Père, excepté l’innascibilité, et qui ne se distingue pas du Père par la paternité, participe à la gêné- < ration du Fils. » Chi-ysostome, op. cit., t.ii, p. 368. Ce sophisme repose sur la négation de l’ordre des processions divines. La foi nous enseigne que le Père immuable est la première personne, le Fils la seconde, le Saint-Esprit la troisième. La tradition des Pères est unanime à représenter cet ordre d’origine comme innascible. Mais en disant que le Saint-Esprit pourrait être avec le Père le principe de la génération du Fils, nous le bouleverserions, nous établirions que le Saint-Esprit est la troisième personne et qu’il serait en même temps la seconde, parce qu’il serait avec le Père le principe du Fils. Il ne répugne pas que le Fils soit avec le Père le principe de la spiration du Saint-Esprit, parce qu’il ne répugne pas que la seconde personne dans l’ordre d’origine communique son être participé à la troisième personne. Mais il répugne que la seconde personne dérive en même temps de la première et de la troisième, parce que, dans ce cas, le Saint-Esprit serait la seconde personne et le Fils la troisième.

Pour échapper à l’argumentation de la théologie latine, quelques théologiens orthodoxes vont jusqu’à nier l’immutabilité de l’ordre des processions divines : « Est-ce vrai, dit le docteur Gousev, qu’il y a un ordre d’origine entre les trois personnes en Dieu ? On trouve^ dans l’Écriture sainte, des textes qui n’expriment pas cet ordre avec précision. Par exemple, la 11*^ Épître aux Corinthiens se termine par ces mots : Que la grâce de Noire-Seigneur Jésus-Clirisl, l’amour de Dieu et la communication du Saint-Esprit soit avec vous. En professant la foi à la sainte Trinité, nous employons à l’égard du Père, du Fils et du Saint-Esprit les dénominations de première, seconde et troisième personnes^