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à une simple abstraction et considérait les trois personnes divines comme trois choses {1res res) distinctes. Stôckl, Geschichle der Philosophie des Mittelalters, Mayence, 1864, t. i, p. 138, 139 ; Hefele, op. cit., t. V, p. 353-354. Le concile de Soissons de 1121 et le concile de Sens de 1140 condamnèrent Abélard, qui faisait du Saint-Esprit un simple attribut de la divinité, la bonté divine. Voir t. i, col. 44, 46 ; Stockl, op. cit., t. I, p. 235-239 ; Schwane, Dogmengeschichte der miltleren Zeit, Fribourg, 1882, p. 156-157 ; Hefele, Conciliengeschichte, t. v, p. 358-363 ; Mansi, Concil., t. XXI, col. 265, 559-563. Le concile de Reims en 1148 proclama la divinité et la personnalité du Saint-Esprit contre Gilbert de la Porrée, pour lequel chacune des trois personnes en Dieu ne représentait pas la totalité absolue de l’essence divine : il fallait les trois ensemble pour avoir l’être divin. Stôckl, op. cit., 1. 1, p. 285 ; Hefele, op. cit., t. v, p. 519-525. Cum de tribus personis loquimur, dit le concile, Paire, et Filio, et Spirilu Sancto, ipsas unum Deum, unam divinam substanliam esse falemur. Ete converso cum de uno Deo, uno divina substantia loquimur, ipsum unum Deum, unam divinam^ substanliam esse Ires personas confilemur. Mansi, Concil., t. xxi, col. 713.

Le IV « concile du Latran (XII « œcuménique), tenu en 1215, condamna les théories trinitaires de l’abbé Joachim de Flore, qui, partant du principe : Essentia gentil essenliam, aboutissait au trithcisme. Stôckl, loc. cit., p. 289 ; Schwane, loc. cit., p. 161, 162. Avec une rigoureuse précision de termes, le concile affirme la consubstantialité divine du Saint-Esprit : Firmiler credimus et simpliciler confilemur, quod unus solus est verus Deus, seternus et immensus… Pater, et Filius, et Spirilus Sanclus : 1res quidem personæ, sed una essentia, substanlia, seu natura simplex omnino. Mansi, Concil., t. xxii, col. 981, 982. La prolixe profession de foi de ce concile contient l’exposé le plus précis de la théologie du Saint-Esprit. Cf. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 428.


IV. D’après les théologiens.

La preuve théologique de la divinité et de la personnalité du Saint-Esprit est intimement liée à la preuve théologique de la Trinité divine, et exige, au préalable, une étude sérieuse des processions et des relations divines. Nous ne pouvons donc que l’eflleurer, et nous nous bornons aux remarques suivantes :

La théologie naturelle ne donne aucune preuve, ni directe ni indirecte, ni immédiate ni médiate de la divinité et de la personnalité distincte du Saint-Esprit.

Les théologiens qui se sont flattés de déduire la subsistance du Saint-Esprit en Dieu par des raisons nécessaires (rationes necessariæ, probationes necessarise), cf. S. Anselme, Monologium, lxiv, P. L., t. CLViii, col. 213, n’ont abouti qu’à mettre en pleine lumière l’impuissance radicale de la raison à démontrer le mystère de la Trinité. L’assertion d’Abélard, que par le voj ; du monde Platon entendait le Saint-Esprit, est simplement fantaisiste. En effet, pour connaître la subsistance du Saint-Esprit en Dieu, nous devrions connaître les mystères de la vie intime de Dieu, nous devrions pénétrer l’essence divine, saisir l’infini dans sa réalité objective, mesurer l’immensité de Dieu avec notre intelligence créée. Cette hypothèse est absurde. La théologie naturelle enseigne que nous n’avons pas l’intuition immédiate de Dieu. Nous nous élevons à la connaissance naturelle de Dieu par les créatures. Mais les créatures révèlent Dieu en tant qu’il est le principe de l’ordre naturel ; elles révèlent les attributs qui appartiennent à l’essence divine ; elles révèlent Dieu en tant qu’il est créateur, immense, infini, tout-puissant, o Les hommes, dit saint Thomas, ne parviennent à la connaissance de Dieu que par la connaissance des créatures. Car les créatures conduisent à la connaissance de Dieu, comme l’effet conduit à la connaissance de la cause. Ce que la raison naturelle peut connaître de Dieu, c’est uniquement cequi lui appartient nécessairement, comme au principedes êtres, comme au créateur. Mais la puissance créatrice est commune à toute la Trinité. Elle appartient à l’unité de l’essence divine, et non à la pluralité des personnes. La raison naturelle peut donc seulement connaître en Dieu ce qui a rapport à l’unité de nature, et non ce qui a rapport à la distinction des personnes. » Sum. theoL, I", q. xxxii, a. 1. La raison ne nous montre donc pas Dieu comme principe de ses opérations ad intra. L’essence divine est impénétrable à nos regards. Ibid., 1% q. xii, a. 4 ; Franzelin, De Deo uno, Rome, 1876, p. 181-182. Si donc nous ne pouvons avoir la connaissance naturelle de la vie intime de Dieu, si le mystère de la Trinité touche aux profondeurs les plus intimes de l’être divin, nous devons affirmer que la théologie naturelle, laissée à ses propres forces, ne peut pas prouver la subsistance du Saint-Esprit en Dieu. « Personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père, et personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils a voulu le révéler. » Matth., XI, 27. La connaissance des personnes divines ne nous est donnée que par la révélation. Voir Ruiz, Commentaria de Trinitate, disp. XLI, sect. ii, Lyon, 1625, p. 373. De myslerio Trinilatis, dit saint Jérôme, recta confessio est ignoratio scientiæ. In Is., xviii, P. L., t. XXIV, col. 627. Les anges et les hommes, déclare saint Cyrille, ignorent le mystère de la Trinité. Cal., VI, 6, P. G., t. XXXIII, col. 548. La compréhension de la Trinité, d’après saint Basile, dépasse la portée de toute nature intelligente créée. Adversus Eunomium, I, 14, P. G., t. XXIX, col. 544 ; Piccirelli, De Deo uno et trino, Naples, 1902, p. 1124-1139.

Après que la révélation a révélé le mystère de la Trinité, la raison peut expliquer en quelque manière comment la subsistance personnelle du Saint-Esprit en Dieu est nécessaire.

Elle peut l’expliquer uniquement par voie d’analogies et de comparaisons. « Le chrétien, dit saint Anselme, qui garde sans hésitation la foi, croyant ce qu’elle dit, l’aimant, la pratiquant, peut, avec humilité, chercher, la raison de ce qu’il croit. » De fide Trinilatis, 2, P. L., t. clviii, col. 263. « Pour construire une théorie de la Trinité, on est tenu de commencer par affirmer tout ce que l’Église enseigne. On doit, en outre, chercher dans la révélation même les données qui dirigent les concepts. Mais on reste libre de choisir parmi ces données ce qu’on veut admettre à la base de son œuvre, et d’adopter pour l’édifice telle forme de philosophie que l’on préférera. » De Régnon, op. cit., t. ii, p. 123.

Le principe dont il faut procéder par voie d’analogie pour démontrer qu’il y a, au point de vue naturel, des raisons de convenance qui portent à admettre en Dieu le Saint-Esprit comme troisième terme consubstantiel de la Trinité, est le principe de la fécondité de la vie divine. —

La théologie naturelle prouve que Dieu est vivant. Celui qui donne la vie aux êtres créés ne peut manquer d’une perfection qui découle de lui comme de sa source. Dieu n’est pas seulement vivant. Il est la vie même. S’il est la vie, cette vie doit être féconde, agissante. Cette fécondité divine se révèle dans les êtres créés, dans l’univers visible. Mais ces témoignages visibles de la vie divine ne suffisent pas à la perfection infinie de Dieu. Nous ne pouvons concevoir la vie divine comme bornée aux seules opérations ad extra, de même que nous ne saurions concevoir notre vie humaine réduite à l’exercice, au mouvement de nos membres. Il y a dans l’homme, qui est l’image de Dieu, une vie intérieure, la vie de l’intelligence et de la volonté, et des opérations immanentes qui découlent de ces deux puissances.