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ESPÉRANCE

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tant de difRcultés vers la fin surnaturelle. I, a seconde vertu est donc, avant tout, un instrument de lutte courageuse et de marche confiante vers le grand but, ce que rend bien le nom d’« espérance ii, tel qu’on l’entend communément. C’est aussi une raison de ne pas admettre la persistance de cette vertu infuse quand on est arrivé au terme, quoi qu’en ait pensé Suarez.


VIII. Comment l’espérance est une vertu théologale.

On nomme « vertu théologale » celle qui a immédiatement Dieu pour objet. L’espérance est théologale, et même à double titre :

Elle espère Dieu.

Dieu à posséder par la vision intuitive ou béatitude surnaturelle, voilà l’objet principal de ses désirs (objet d’attribution). Voir col. 631. Dans cette béatitude qu’on espère, Dieu est appelé 'la béatitude objective >, la possession de Dieu qui est quelque chose de fini, est appelée « la béatitude formelle » . Ces deux éléments constituent par leur union nécessaire une seule béatitude, où Dieu est <lésiré immédiatement, ainsi que l’admettent communément les théologiens contre Durand de Saint-Pourçain.

Cette béatitude pourrait être désirée, comme glorieuse à Dieu, comme bien de Dieu, ce serait alors le motif désintéressé de la charité. Pour que le désir de la béatitude soit un acte de la vertu d’espérance, il faut (ce qui est d’ailleurs ordinaire parmi les fidèles) que la béatitude soit désirée comme avantageuse pour nous, comme notre bien, qu’elle tombe en un mot sous le motif intéressé de l’espérance.

Elle espère en Dieu.

L’espérance, au moins dans ses actes parfaits, dans ceux qui font mieux voir toute sa valeur, revêt un caractère de courage et de confiance, directement produit par la considération d’un Dieu secourable en qui elle espère. Cette puissance auxiliatrice, présente à l’intelligence, agit directement sur la volonté comme stimulant, comme motif. Voir col. 633. On ne peut, d’ailleurs, assigner aucun autre motif plus immédiat de cette confiance, que les attributs divins de toute-puissance, de miséricorde, etc. Ainsi l’espérance, en tant que confiance, atteint Dieu immédiatement, elle est < vertu théologale » à un nouveau titre.

Ces deux titres sont réunis par saint Thomas, et il en conclut que l’espérance est une vertu théologale. Sum. Iheol., IIa-IIæ, q. xvii, a. 5. Sur le premier, cf. m » , q. VII, a. 4. A propos de ce premier titre, remarquons :

1. La théorie de saint Thomas qui rattache ù la béatitude surnaturelle les trois vertus théologales et leur infusion. Ia-IIæ, q. Lxii.a.l, 3. —

Quelle est la matière jirincipale de la foi ? Les mjstères, que nous pénétrerons un jour par la vision intuitive ; et, parmi eux, cette vision elle-même, autour de laquelle se groupent tous les autres mystères. Par cet objet d’attribution qui la spécifie, la foi théologale se dislingue essentiellement d’une sorte de foi que nous aurions eue, si Dieu, sans nous élever à la fin surnaturelle, nous avait révélé des vérités non mystérieuses, comme des lois positives venant déterminer le vague de la loi naturelle, les cérémonies d’un culte, etc. Quelle est la matière principale de l’espérance ? La même béatitude surnaturelle, voir col. C3I, non plus comme objet d’adhésion intellcclueile, mais comme oi)jet de désir. Par cet objet qui la spécifie, l’espérance théologale se distingue essentiellement de ce <iésir naturel de Dieu, de cette soif de l’Infini, qui serait au fond de la nature humaine, lors même que Dieu ne nous aurait pas « *levés à la fin surnaturelle ; comme aussi de cette confiance qui alors même aurait pu appuyer l’homme sur la loutc-puissance et la miséricorde de Dieu, et l’aurait naturellement porté à prier son Maître. La charité théologale se rattache aussi à la fin surnalu

I relie ; car son amour désintéressé, ou amour d’amitié’, est élevé à une hauteur sublime par le fait que Dieu ! s’est fait notre ami par la familière communication des biens surnaturels et surtout du plus grand de tous, la vision intuitive, qui nous fait participer à son pro-’pre bonheur, et nous assimile à lui. I Joa., iii, 2. Par cette véritable amitié due à la communication de la fin surnaturelle, et qui nous permet d’aimer Dieu comme un ami aime son ami, la charité théologale se distingue essentiellement de cet amour désintéressé t de l’homme à l’égard de Dieu, que l’on conçoit (comme’acte passager) même en dehors de toute élévation et dans l’ordre purement naturel. C’est en ce sens que notre vertu de charité se rapporte à Dieu » comme objet de la béatitude » surnaturelle. Cf. Thomas. Suni. theol.. Il » II » , q. XXIV, a. 2, ad 2°™. In quantum s7 bonum beatificans universaliter omnes supcrnatarali’beatitudine, sic diligilar dilectionc earitedis. I'>, q. lx, a. 5. ad 4’"", Formules qui ont parfois été mal inter prêtées comme si la charité était un amour intéressé, , ou considérait dans tous ses actes la béatitude sur-’naturelle ; il n’est ici question que d’un rapport objcc[ tif qui existe (que nous y pensions ou non)’entre la j gracieuse communication de la béatitude surnativrelle et notre état d’amitié avec Dieu : communic(dio bcatitudinis œtcrna ;, super cjnam hœc amicitia fundatur. 11" IV^, q. XXIII, a. 5. Observons d’ailleurs que chez saint Thomas et les scolastiques, le nom de « charité > s’étend parfois à tout l’état d’amitié avec Dieu : « la charité ne signifie pas seulement l’amour de , Dieu (acte ou vertu), mais aussi une certaine amitié avec lui, laquelle ajoute, en plus de cet amour, une , réciprocité d’amour entre les amis, avec une communication des biens. » I" II^ :, q. lxv, a. 5. Voir Charité, t. ii, col. 2225. Sans doute, Dieu sera aimé comme un ami nous communiquant ses biens surnaturels, dans les actes de charité les plus explicites et les phis intimes ; mais ce serait trop restreindre les actes de cette vertu, que d’exiger en chacun d’eux cette considération, moins à la portée des fidèles ; il suffit qu’objectivement la vertu de charité fasse partie d’un état d’amitié avec Dieu, et que cet état postule comme son fondement la communication de la béatitude surnaturelle.

j 2. La souveraine appréciation de l’objet, dans les j vertus théologedes et en particulier dans l’espérance. — j L’objet de ces vertus étant Dieu lui-même, doit être par elles préféré à toutes choses, comme il le mérite ; cette préférence est une remartiuable propriété des vertus théologales ; on la signale surtout dans la charité, mais elle ne lui est pas exclusivement réservée ; saint Thomas la signale dans la foi : De ratione ftdei est, ut Veritas prima omnibus præferatur, II’11^, q. v, a. 4, ad 2’"" ; on y adhère plus qu’; tout le reste, super omnia, comme dit saint Bonaventure. Jn IV Sent., I. III, dist. XX III, a. 2, q. i, ad 4’"". « Préférer » se I dit parfois (en latin surtout) d’un simple jugement I de l’esprit qui met un objet au dessus d’un autre, estimant plus grande sa valeur objective et réelle. « Préférer » ajoute très souvent un acte de la volonté, une résolution d’avoir l’un plulôt que l’autre, dans le cas où l’on ne pourrait les avoir tous deux ù la fois, dans le cas de confiit ; car c’est ainsi que la volonté préfère. Cette préférence de la volonté est absolument nécessaire, au moins à l’espérance et à la charité, (jtii sont des actes iiurcment affectifs et volontaires ; le super omnia ne saurait s’y borner ù un simple jugement de préférence, sorte de préambule intellectuel ; le super omnia sera une libre résolution de sacrifier, en cas <le confiit, tout ce qui serait contraire à l’objet de la vertu, tout ce qui serait i.icompatible avec sa conservation par nous.

On doit considérer comme élément de l’acte theolo-