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ESPERANCE

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cntemlu de la f^rficc considérée en nous, ou seulement, de Dieu venant à notre secours, Deiis ut auxilialor ; c) reste encore à déterminer quel attribut divin agit ici comme motif propre et essentiel de confiance. Les ims nomment la seule toute-puissance, d’autres la miséricorde, la bonté, fcc/n’(7nz7r(s, la libéralité, d’autres, ia fidélité aux promesses données ; d’autres groupent ensemble tous ces attributs, ou quelques-uns d’entre eux.

Critique du système.

La partie positive est en parfaite conformité avec l’Ecriture, la tradition et la doctrine de saint Thomas. La partie exclusive, au contraire, nous semble n’avoir que de faibles preuves, et de grands inconvénients.

1. Faibles preuves.

Telle est celle que l’on tire de la distinction réelle des deux appétits, concupiscible et irascible. Cette distinction péripatéticienne peut s’admettre quand il s’&git de l’appétit organique et inférieur, et c’est là que les scolastiqiies l’ont admise. Voir Apn’îTiT, t. i, col. ltJ95. Mais elle est hors de propos quand il s’agit de la volonté libre, qui est parfaitement une et n’a pas de raison de se dédoubler ;.Scot l’a bien prouvé. In IV Sent., 1. II, dist. XXVI, Paris, t. XV, p. 326 sq. Or, l’espérance théologale n’est pas une passion de l’appétit inférieur, comme cette espémnce dont on peut trouver l’ébauche dans les animaux mêmes, et que saint Thomas met dans l’irascible. Sum. theol., Ia-IIæ , q. XL, a. 1, 3. ("est un mouvement qui, par son objet spirituel et sa qualité d’acte de vertu, ne peut être que dans la volonté : « L’espérance est dans l’appétit supérieur ou volonté, et non pas dans l’appétit inférieur auquel appartient l’irascible, » dit saint Thomas, II » ir » , q. xviii, a. 1. Ainsi, le désir et les autres éléments de l’espérance théologale (voir plus haut, col. 6u9), étant dans la même faculté, n’ont rien qui les empêche de constituer un seul acte : soit que cet acte soit physiquement unique, soit plutôt qu’il se compose d’actes physiquement distincts, mais formant un tout moral par la tendance à une même fin prochaine. Voir col. 628. L’autre preuve ne vaut guère mieux. Quand on fait successivement ces deux questions : Pourquoi desirez-rous tel événement ? Pourquoi V espérez-vous ? opposant ainsi awtjenre désir l’espèce espérance — par cette opposition même on amène l’auditeur à répondre à la seconde question par le seul élément différentiel de l’espérance, avec son motif correspondant. De même, demandez successivement à quelqu’un : Pourquoi l’homme est-il un animal ? Pourquoi est-il un homme ? Ala première question il devra répondre par la vie organique et sensitive, à le seconde, par la raison : mais cette seconde réponse ne prouve pas que l’essence de l’homme soit uniquement la raison, et qu’il y ait en lui une dinérence sans genre. De plus, quand on demande : Pourquoi espérez-vous cet heureux événement ? la question, telle que tout le monde l’entend, revient uniquement à ceci : ji Quelles chances croyez-vous avoir en faveur de cet événement ? » Ce qui nous intéresse dans l’espérance d’un autre, c’est la question objective et intellectuelle de savoir si l’événement arrivera de fait, et quelles preuves il apporte pour confirmer sa prévision. Il n’est donc pas étonnant que la réponse s’accommode au sens très limité de l’interrogation ; ce qui montre la fausseté du principe invoqué : « On aura le motif (complet) de l’espérance par la réponse à la question : Pourquoi espérez-vous ? »

2. Inconvénients de cette exclusion.

a) Une fois le désir exclu de l’espérance, le courage en face des difficultés, ciectio cuiimi, ne peut plus être une simple nuance de ce désir, une efficacité particulière de ce désir : il faut que ce soit dans la volonté un acte à part, se suffisant à lui-même, et commençant l’espérance. Or cet acte à part est incompréhensible. Ce n’est pas une lutte effective contre les difficultés présentes ; elle appartiendrait à la vertu de force. Voir col. 611). Ce ne peut être qu’une simple alTeclion à l’occasion des difficultés futures, un mouvement affectif de l’âme. Quel mouvement ? Ce ne peut être un mouvement vers ces difficultés, amour, désir : qui espère n’aime pas les obstacles au bien qu’il espère, ne les désire pas. Ce n’est pas non plus un mouvement l)Our s’éloigner de ces difficultés, haine, fuite ; un tel mouvement n’a rien de courageux, et caractérise plutôt le découragement que l’espérance. Alors ? Tout mouvement affectif de la volonté ne rentre-t-il pas dans l’amour ou la haine, le désir^ou la fuite ? Conchions que Vercctio aninrti ne peut se comprendre séparément, mais seulement comme^une’modalité du désir, avec lequel elle ne constitue, même physiquement, qu’un seul acte. Tandis que la force, l’audace envi sagent directement les difficultés, l’espérance ne les regarde qu’indirectement, il faut donc bien qu’elle ait dans le même acte un objet direct, qui est l’objet désiré. « Tendre à l’objet désiré malgré les difficultés prévues, » voilà la formule de l’espérance : mais alors c’est un amour, un désir. Coninck, Z)eac/ ; fcus supwnaturalibas, p. 370 ; Viva, Cursus theol., part. IV, p. 125.

b) On n’explique pas davantage la confiance. Sans doute nous pouvons accorder que la confiance soit un acte physiquement distinct du désir de l’objet, quoique formant avec lui un tout moral. Qu’on en fasse donc un acte à part : mais c’est h la condition de l’expliquer par quelque élément affectif connu, par une foie de la possibilité d’atteindre l’objet désiré, par un commencement d’amour envers la personne qui nous promet son secours (quand il y en a une). Voir col. 628-629. Or, ces explications sont interdites au premier système, puisqu’il prétend vider l’espérance de tout amour, de toute joie, sous prétexte que ces affections douces « appartiennent au concupiscible, et non à l’irascible. » Alors, pour expliquer la confiance il a uniquement recours à des termes métaphoriques et vagues, par exemple, « s’appuijcr sur le secours divin, sur les promesses divines. » Mais pour une âme, qu’est-ce que « s’appuyer » , sinon un amour ou une joie ? A moins que « s’appuyer sur les promesses » ne soit croire fermement aux promesses, et fonder sur cette foi labonne opinion de son propre salut : mais alors la confiance serait un acte intellectuel et non affectif, ce que les théologiens rejettent d’un commun accord. Voir coi. 615.

Voici un spécimen de ces explications vagues : « Il n’est pas nécessaire, dit Billuart, que Vobjectum formate quo (le motif) de l’espérance, qui est la toute-puissance venant à notre secours, soit atteint par nous comme un bien ; car cette toute-puissance n’est pas l’objet que nous espérons, mais celui sur lequel l’espérance s’appuie pour surmonter les difficultés ; on peut l’appeler un bien ul quo, et non ut quod. Loc. cit. Mais comment un motif pourrait-il agir sur la volonté, si ce n’est en se présentant à elle comme un bien, en se laissant atteindre par elle comme un bien ? « Il y a une opinion, dit judicieusement Antoine Pérez, S. J., qui, après avoir distingué deux éléments dans l’espérance, l’objet espéré et le personnage puissant de qui l’on espère, concède que nous aimons le premier, et, quant au second, prétend que nous ne l’aimons ni le haïssons, mais que nous l’atteignons par la volonté d’une manière toute particulière à l’espérance… Mais il est incompréhensible que la volonté atteigne un objet sans l’aimer ou le haïr, puisque l’objet de la volonté est le bien ou le mal. » In // » "’part. S. Thomæ, Lyon, 1669, p. 272.

Saint Bonaventure distingue deux actes inséparables dans l’espérance, confulere, exspectarc : le premier, « qui est le principe et l’origine de l’autre, »