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ENFER DANS L’ECRITURE SAINTE


réel au Dieu de sa foi, car il veut croire à la justice (ici-bas) ; mais son appel est finalement trompé. Il n’en appelle pas réellement aux sanctions de la vie future ; cependant sa foi y aspire implicitement, elle les siKjqnc. Quelques éclairs même çà et là, s’ils sont authentiques, sont très significatifs : xiv, 13-15 ; xix, 25-29 ; cependant ils ne laissent pas de trace profonde et la pensée de la vie future dans Job est plus une pensée qu’une conviction. Après Job, deux courants : le matérialisme h la suite de l’Ecclésiaste qui aboutira au sadducéisme ; le postulat de la vie future par la foi, à cause des difficultés de la vie morale (l’immanence chez les Juifs ! …). Celui-ci se développe en la théorie de la résurrection qui synthétise l’eschatologie individuelle et l’eschatologie nationaliste : les justes ressusciteront pour le royaume messianique ; les méchants pour la punition. Dan., xii, 2 ; Is., Lxvi, 24.

Inutile de poursuivre plus loin ; la critique exerce ses fantaisies surtout sur les origines, et terminons en ajoutant que tout ce développement, d’après elle, est considéré non comme autonome, ce serait une immense erreur, mais comme influencé profondément par Babylone, la Perse, la Grèce, etc. Cf. R. H. Charles, A criticul history of Ihe Doctrine of a fitlure life, Londres, 1899, p. 24-40, 57, 79, 116, 134-151.

Une réfutation complète de ces théories appartient à la critique biblique, non à la théologie. A notre point de vue, il suffira de noter les réflexions suivantes. La théorie rationaliste est d’abord essentiellement basée sur un remaniement chronologique et une interprétation tendancielle des textes qu’on ne peut s’empêcher de trouver très arbitraire ; on connaît le procédé : bouleversement des textes, d’où contradictions, évolutions diverses de théories, au gré, ou à peu près, des critiques. Nous n’admettons pas cette base. — En détail, notre exposé positif, toujours éclairé de la lumière des contextes, a montré les faits, dans leur vraie objectivité, croyojis-nous, et selon leur vrai développement historique. Ces faits et ce développement ont pour nous une origine surnaturelle. Dès le principe, l’eschatologie infernale juive se montre de beaucoup supérieure à toutes les eschatologies païennes, et son évolution marche avec une telle assurance vers la pleine lumière, contrairement à ce qui se passe chez les païens, que là aussi l’intervention de Dieu est assez évidente. En effet, premièrement dans la doctrine juive, de l’imperfection, mais pas d’erreur, pas de mythes, pas de panthéisme, ni de dualisme, ni de métempsycose, ni de descriptions fabuleuses du royaume infernal, etc., comme en Egypte, en Assyrie, dans les Indes, en Grèce et même dans la Perse. De plus, telle religion, telle eschatologie et la religion juive difi’ère, on sait combien, de toutes les anciennes religions purement humaines. L’homme est créé par Dieu et pour Dieu (relation de service et même d’amitié intime avec la divinité) et Dieu-providence veille sans cesse ici-bas et dans l’au-delà, sur tout l’ouvrage de ses mains qustice, sanction, etc.). — Quant au culte primitif des ancêtres, qu’on objecte ici, il faut dire que c’est un culte qui n’est pas primitif dans la famille monothéiste d’Abraham et dans sa race, mais ce fut simplement plustard une grande tentation pour le peuple d’Israël, après son contact trop intime avec les Égyptiens et les Chananéens ; tentation à laquelle il succomba sans doute souvent, mais toujours combattue et dès l’origine par l’autorité enseignante et par les prophètes. Cf. prescriptions mosaïques, Lcv., xix, 28 ; Deut., XIV, 1, etc. Voir H. Lesêtrc, Dictionnaire de la Bible, art. Morts (Culte des), Paris, 1908, t. iv, col. 1316. On ne peut changer ici, sans paralogisme un peu trop fort, le fait accidentel en principe essentiel. Mais voici la deuxième objection : le nationalisme exclusiviste

du Jahvé primitif sans juridiction sur ]e Sc’ôll Cela n’est pas du tout prouvé, au contraire ; les textes très nombreux exprimant la crainte et la peur de 4c"ô/dans l’Ancien Testament, non morlui laudabunt te. Domine, etc., etc., signifient simplement qu’avant Jésus-Christ, même les âmes des saints ne pouvaient pas encore jouir des fêtes du ciel, et ne pouvaient plus jouir du culte et des fêtes anime « es de la liturgie juive. D’ailleurs ces appréhensions s’augmentaient des incertitudes de l’état réel des âmes dans l’au-delà spécialement des âmes encore pécheresses (pour le purgatoire), et qui ne l’était pas ? Sur la question du nationalisme et de l’individualisme, voir S. Jérôme, In Ezech., xviii, 1, P. L., t. xxv, col. 167-169, pour concilier Ezech., xviii, et Exod., xxxiv, 5 ; la responsabilité nationale ne s’oppose pas du tout à la responsabilité individuelle ; celle-ci a été reconnue et vécue le long de l’iiistoire hébraïque, cf. plus haut quelques textes pour les origines, I (III) Rcg., xi, 12 ; xxi, 29, qui signifient que Dieu, par miséricorde, ne punira pas de suite Salomon et Achab et qu’il laissera même encore la royauté à leur fils ; mais ensuite leur race déchoira. Et dire qu’on veut voir dans ces textes la négation de la responsabilité individuelle ! Enfin dès l’origine Jahvé fut le Dieu des enfers, comme le montrent positivement les textes suivants : Gen., xlix, 18 ; Deut., xxxii, 22 ; Job, xvi, 5, etc. ; plus tard, Ps. c.xxxix, 8 ; Amos, ix, 2 etc. Cf. Hetzenauer, op. cit.. De attribulis Dei in V. T., p. 438-464. Pour la question spéciale du silence relatif du Pentateuque sur la vie future (immortalité et sanctions) et les raisons de ce silence qui n’est pas un argument négatif contre l’existence de la doctrine chez les Hébreux, voir Ame dans le Dictionnaire de la Bible, t. i, col. 461-473 ; aussi un très bon exposé au point de vue doctrinal et historique dans H. Martin, op. cit., c. ii, § 3, p. 54 sq. et note vi, p. 527-533. En résumé, la sanction morale, normalement est double : terrestre et ultra-terrestre ; la sanction ultra-terrestre est par elle-même obscure à la raison ; de plus, la révélation primitive préféra laisser ignorées des vérités que des hommes charnels en particulier, parce qu’ils étaient enclins à l’idolâtrie, ne pouvaient porter ; voilà pourquoi les auteurs sacrés commencèrent à parler surtout, sinon exclusivement, de la sanction terrestre : d’autant plus que Dieu lui-même, s’accommodant aux instincts inférieurs des Juifs, les conduisit en fait pendant presque toute leur histoire, surtout par des sanctions temporelles plus immédiates et plus frappantes. Pour tout dire d’un mot, c’était la loi charnelle et de crainte, et non pas encore la loi spirituelle de l’amour. — Après l’origine, l’évolution.

L’évolution de la doctrine infernale juive est une marche assurée vers la pleine lumière, sans jamais aucune chute dans l’erreur ; comme il n’y eut jamais de fantaisie mythologique ou de rêverie chimérique, ainsi il n’y eut jamais, dans l’enseignement des Livres saints, de courant matérialiste, ou de courant négateur des sanctions ultra-terrestres. Peu à peu le problème de ces sanctions définitives se précisa devant la réflexion et la révélation, sort des justes et sort des méchants, jusqu’aux sublimes explications des deutcrocanoniques, prélude de l’Évangile.

Quant aux influences étrangères, tout compté, il semble assuré qu’elles n’ont pas du tout pénétré dans la Bible. Elles ont séduit parfois telle ou telle portion du peuple juif ; par exemple, quelques pharisiens et les kabbalistes ont pris à l’Egypte la métempsycose, aux Chaldéens l’astrologie, aux Perses le panthéisme émanatiste et les superstitions de la démonologie ; mais ce sont erreurs condamnées ou ignorées par la Bible. Tout au plus, les liagiographes ont pu prendre occasion quelquefois des faussetés païennes pour pro-