Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/313

Cette page n’a pas encore été corrigée
601
602
ESPAGNE (ÉGLISE D’), LES SCIENCES SACRÉES


mentaire de la Somme de saint Thomas ; il fut suivi dans cette voie par tous ses confrères de Salamanque. Le P. Vasquez introduisit le probabilisme dans les écoles de la Compagnie de Jésus et fut suivi par la grande majorité de ses confrères. Plus tard, un jésuite espagnol, le P. Thyrsus Gonzalez, devenu général de son ordre, essaya d’imposer le probabiliorisme à ses confrères, mais sa tentative resta infructueuse.

Nous devons dire, à la louange des moralistes espagnols, qu’ils sont généralement modérés. Les dominicains Vittoria, Soto, Médina, Baiiez, Alvarez, Jean de Saint-Thomas, Ledesma, les jésuites Vasquez, Suarez, Valentia, Tolet, Sanchez, Castropalao, de Lugo, les franciscains Corduba, Angles, Villalobos, Emmanuel Rodriguez, les capucins Torrecilla et Corella, le carme Lezana et les Salmanticenses, le cistercien Lorca, l’augustinien Barbosa, sont tous des moralistes modérés et de grande valeur. Cependant quelques-uns abondèrent dans le sens d’un laxisme compromettant pour la morale chrétienne. De ce nombre fut le cistercien Jean Caramuel que saint Liguori appelle le prince des laxistes. Voir t. ii, col. 1709-1712. Par contre, nous ne connaissons guère de rigoristes en Espagne. Chose digne de remarque, les dominicains espagnols sont modérés, alors que ceux des autres nations ont plutôt une tendance au rigorisme ; il suint de nommer Noël Alexandre, Contenson, Vincent Baronius, Billuart et Vincent Patuzzi. Ce dernier se posa en adversaire de saint Alphonse de Liguori.

Nous ne pouvons entrer dans les détails. Qu’il nous suffise de dire que la morale s’est surtout organisée dans les temps modernes et que les Espagnols y ont contribué pour une large part. C’est l’Espagne qui a fourni le plus grand nombre de moralistes de valeur et elle compte dans ses rangs plusieurs princes de la morale. Le cardinal de Lugo n’a pas été surpassé.

La casuistique n’est que l’application pratique des principes de la morale aux divers cas particuliers et concrets qui se présentent dans la vie de l’iiomme. Nous devons ici dire un mot de la casuistique en Espagne. Outre ses canonistes et ses moralistes qui sont tous plus ou moins casuistes, l’Espagne a eu ses casuistes proprement dits. Nous devons nommer d’abord le franciscain Antoine de Curara qui écrivit un manuel des confesseurs et des pénitents. Cet ouvrage, imprimé à Tolède en 15.5}, acquit une très grande célébrité par les commentaires qu’en fit le fameux Martin de Aspi’cucta Navarro, une des plus éclatantes lumières du droit canon en Espagne. Cet ouvrage eut un très grand nombre d’éditions. Quelques années plus tard, le célèbre franciscain Antoine de Cordouc, qui était consulté de toute l’Espagne comme im oracle sur toutes les ((uestions de morale, fit paraître en langue espagnole une Somme de cas de conscience. Elle eut un bon nombre d’éditions, entre autres celle de Tolède 158, 3, celle d’Alcala 1.592, etc. ; clic parut aussi en italien en 1.599. Voir t. ii, col. 1872.

En 1622, un autre franciscain, le P. Henri de Villalobos, après avoir enseigné la morale à Salamanque pendant 30 ans, fit paraître une Somme de théologie morale et canonique qui eut 11 éditions en 10 ans, et qui mérita d’être traduite en latin, en italien et en français. En 1601, le P. Emmanuel Rodrigue/, également franciscain, professeur de théologie à Salamanque, c imposa, entre autres ouvrages, une Somme de cas de conscience qui parut dans cette ville en 1604, 1007 et 1616, à Barcelone en 1616, à Madrid et ailleurs. Elle fui traduite en latin et parut à Douai en 1614, à Cologne en 1620, à Venise en 1622 ; elle fut, en outre, traduite en italien. Parmi les grands ca suistes, il faut encore ranger Icjésuite Jean Azor dont les Insiidiliones morales, publiées à Rome en 1600, furent depuis souvent rééditées en France, en Italie et en Allemagne. Voir t. i, col. 2^53.

Dans la seconde partie du y.vue siècle, il y eut encore des casuistes fameux. Qu’il me suffise de nommer le capucin Martin de Torrecilla dont les avis étaient très recherchés par ses compatriotes et qui a laissé à lui seul toute une bibliothèque de morale. Les œuvTcs d’un autre capucin, le P. Jacques de Corella, forment à elles seules une véritable encyclopédie, comme le dit très justement le P. Torrecilla. Les éditions répétées qui en ont été faites montrent en quelle estime ces œuvTcs étaient tenues dans la Péninsule.

VI. Théologie ascétique et mystique. — L’Espagne est par excellence au xvie siècle la terre classique de la théologie ascétique et mystique. Dès que Ximénès eut installé son imprimerie à Alcala, il se préoccupa de faire éditer à ses frais plusieurs ouvrages italiens ou allemands pour apprendre aux Espagnols cette partie de la science sacrée. Il fit successivement paraître en castillan ou en latin les lettres de sainte Catherine de Sienne, les œuvTcs de sainte Angèle de Foligno et de la B. Mechtilde, V Échelle de saint Jean Climaque, les règles de vie de saint Vincent Ferrier et de sainte Claire, les méditations sur la vie de Jésus-Christ de Ludolphe le Chartreux. Tous ces écrits furent lus avidement pas les Espagnols.

Ceux-ci ne tardèrent pas à composer eux-mêmes des ouvrages analogues. Les franciscains Alphonse de Madrid, Antoine de Guevera et surtout François d’Ossuna firent paraître des traités ascétiques de grande valeur qui méritèrent un grand nombre d’éditions et furent traduits en plusieurs langues. Le troisième Abécédaire de ce dernier fut plus tard l’ouvrage jiréféré de sainte Thérèse, ainsi que peuvent en témoigner les innombrables annotations qu’elle mit en marge de l’exemplaire à son usage, et que l’on conserve comme une relique de la sainte. C’est là, d’après le P. Antoine de Saint-Georges, carme, qu’elle ai>prit l’oraison de quiétude.

Le dominicain Louis de Grenade exprime, dans une langue merveilleuse dont il a le secret, une doctrine pure, abondante et tout à fait admirable ; il n’a pas été surpassé. Nous ne connaissons rien de plus délicieux rpie les méditations sur l’amour de Dieu du franciscain Diego d’Estel la. Son ouvrage sur la vanité du monde ainsi que le traité du règne de Dieu, de son confrère en religion le P. Jean des Anges, sont d’une grande richesse de pensée, d’imagination et de sentiment. U Échelle de la vie spirituelle lUi P. Diego Murillo et l’ouvrage de la perfection clirétienne du jésuite lîodriguez sont des minucls classiques par excellence.

Les œuvres de Jean d’Avila, du chartreux Antoine de Molina, de l’augustin Alphonse de Horozco, du jésuite Louis du Pont, qui respirent une piété et une onction merveilleuse, nous font passer de l’ascétisme à la mystique proprement dite. Il suffit de nommer Pierre d’Alcanlara, Jean de la Croix, Jérôme Gratien el la séraphique Thérèse pour évoquer le souvenir de ce qu’il y a de plus élevé dans la mystique chrétienne. La sainte du Carmel a traité des états mystiques avec une mélliode parfaite. Elle a synthétisé dans son œuvre tout le mouvement mystique du xvie siècle. Beaucoup lui ont comnniniquc leurs lumières ; les carmes, les jésuites, les franciscains, les dominicains et le clergé séculier ont inlluencé sa direction. Elle a su profiler de tous et rester clic même, et clic s’est ainsi placée au premier rang des aiiteurs^mystiques. Voir t. I, col. 2050. Tous les auteurs énumérés ci-