2. Une autre affirmation, implicite encore, mais plus claire, du châtiment infernal se trouve dans la doctrine du juç/cment divin universel, exposée dans l’es Psaumes, l’Ecclésiaste et les Proverbes. Ici encore pourtant il faut se rappeler que les Juifs pensaient surtout aux sanctions d’ici-bas et la plupart des textes, parlant en général du jugement divin, sont à interpréter au sens temporel. Par exemple, Ps. i, 5, non résurgent impii in judicio neque peccalores in concilio justorwn…, iler impionun peribil, sont des maximes générales qui, dans l’esprit du psalmiste, à en juger par le parallélisme du bonheur tout terrestre du juste, devaient être aussi entendues de la ruine terrestre. De même, Ps. ix, 9, 18 : Ipsc jndicabil orbem terra : in œquilale ; converlantur peccalores in infernum, que les pécheurs retournent dans le seul ; XXX, 18 ; Liv, 16, 21 ; lxxxi, 8 ; lxi. 13. Les ps. xcv, 10-13 ; cix, 1, G, 7, parlent d’un jugement vraiment cschatologique et universel, mais en pers]icctive messianique, regardant les nations plus directement que les individus, et donc aussi d’ordre temporel, du moins au sens littéral direct. D’autres psaumes parlent clairement du jugement ultraterrestre. Les ps. XV, 10-11 ; XVI, 15, développent principalement la considération des espérances éternelles des justes. Enfin les ps. xxxvi, xlviii, lxxii, xcr, abordent directement le problème de la rétribution du mal. Les ps. xxxvi et xci renferment une opposition claire entre le sort du juste et de l’impie, quelquefois en formules générales de vie, de ruine, de salut, pour les siècles des siècles, etc. ; cejjendant il ne faudrait pas s’en tenir à l’apparence, car le contexte restreint ces promesses ou ces menaces au sort temporel de l’individu ou de sa postérité. Voir xxxvi, 3, 9, 11, 18, 2.529, 3-1-38. Le ps. xlviii signifie, d’après l’original, que le juste est persécuté, que les méchants triomphent, qu’il ne faut pourtant pas craindre ni se scandaliser : comme tous les hommes, malgré leurs richesses, les méchants n’échapperont pas à la mort ; ils seront, comme un troupeau, poussés dans le se’ôl. Bientôt les justes marcheront sur leurs tombes et leur ombre se consumera au se’ôl sans autre demeure, 15 b. Mais l^our moi. Dieu racliètcra mon âme de la puissance lu se’ôl, car (ou quand) il me prendra (m’enlèvera) .ivcc lui, 10. Il y a là une vision assez nette du ciel et « le l’enfer ; celui-ci, toutefois, est le îie’ôl, envisagé comme la demeure éternelle des méchants, après la délivrance des justes. Il faut noter que ce psaume est « l’une époque assez récente et qu’il a été composé probablement sous Ézéchias.
Le ps. lxxii pose, lui aussi, la ((uestion angoissante, 1-9 ; il décrit la prospérité des méchants, lO-lfi, le scandale de ce spectacle : pourquoi n’en ferais-je pas autant ?… 17 28 ; la solution qu’il donne est celle-ci : il faut tourner sa réflexion vers le sanctuaire du Seigneur et prendre garde au sort final des méchants. <’.e sort semble d’abord être uniquement la mort temporelle, 18-20, mais le psalmiste s’élève ensuite à de telles aspirations du bonheur éternel avec Dieu auquel il oi)pose toujours la perte des imiiies tpie cette mort, celle perte temporelle jjarait bien inclure dans >on esprit une autre mort, une perte éternelle. 24-28, i’A. l’annicr, dans le Dictionnaire de la Iiihle, i. v, col. « 22, 823.
J-’I£cclésiasle résume sa sagesse, xi, l-lo, dont la notion n’est pas 1res élevée, sans être pourtant non plus immorale. Il faut jouir de la vie d’ici-bas, honnêtement, avec mesure, en gardant le souvenir que tout est vanité, que tout bien est un don de Dieu et que Dieu nous jugera, (^c jugement est déjà rappelé, iii, 10 17 ; VI M, 5-0 (d’après l’hébreu) : « Le cœur du sage connailra le temps et le jugement ; il y a, en effet, pour toute chose un temps et un jugement, car il est
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grand le mal qui tombera sur l’homme (oppresseur) ; » viii, 11, 12, jugement infaillible sur les pécheurs, ^lais s’agit-il de l’autre vie’? Le contexte fait plutôt penser à cette vie terrestre ; viii, 13, parle du sort de sa postérité. Le fait pourtant des impies continuant à être heureux se dresse toujours en objection, viii, 14 ; la réponse est de nouveau d’abord toute terrestre, il faut jouir le plus possible de la vie et des biens que Dieu donne ici-bas. L’Ecclésiaste insiste et répète la difficulté, car elle n’est pas résolue, ix, 1-6 ; même réponse. Pour le sens de ce texte pas plus matérialiste que Joa., ix, 4, voir P. M. Iletzenauer, Theokxjia biblica, t. I, p. C12-613. Mais bientôt il revient encore à l’idée du jugement divin, xi, 9-10. Cette insistance suffirait à montrer que probablement il s’agit ici d’un jugement pour l’autre vie, que le sentiment de la justice impose à l’Ecclésiaste, nonobstant sa philosophie terre à terre. Cette probabilité devient certitude en présence des textes qui affirment si fortement l’impunité des méchants ici-bas. Cf. viii, 14. I-e c. XII contient finalement une affirmation directe et claire du jugement divin en dehors de ce monde, et des sanctions divines ultra-terrestres, 13, 14, qui impliquent l’enfer. Voir t. iv, col. 2023. Cf. F. VIgouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 592-593. Remarquons encore que le texte invoqué si souvent au sujet de l’enfer éternel, Eccle., xi. 3, in quocumque loco ceciderit ibi erit, n’a, au sens littéral, qu’une signification ]niremeiit matérielle : dans la conduite humaine de la vie et des affaires teniporelles, il faut se soumettre aux lois physiques, aux événements, réglés par la providence, contre lesquels nous ne pouvons rien ; il n’y a là aucune allusion à la mort. Cf. Iletzenauer, op. cit., t. I, p. 013.
Les Proverbes sont un essai de morale un peu ascétique. Les motifs invoqués pour faire pratiquer la vertu sont ]iresque tous d’ordre temporel. On rencontre pourtant quelques affirmations assez claires des sanctions plus définitives de la vie future, soit pour les justes, soit pour les méchants ; xi, 4, il y a un jour de jugement inexorable de Dieu, jugement individuel, car les Proverbes s’adressent aux âmes individuelles ; pour l’impie, la mort détruit toutes les espérances. Cf. x. 2, xiv, 32 ; xxiii, 17, 18 ; xxiv, 14 ; iv, 18 ; VIII, 3.5-30.
En résumé, avant les prophètes, les Hébreux connaissaient la vie future, mais une vie future, à conditions peu précises, plutôt tristes d’ailleurs et mélancoliques. L’espérance du libérateur était très éloignée ; seules donc, quekpies âmes supérieures s’élevèrent assez pour vivre réellement de ces perspeclives lointaines de délivrance messianique ; ce sont aussi ces âmes qui arrivèrent le jilus vite à reconnaître un Sr’ôl à sanctions morales différentes pour les justes réunis à Dieu, et pour les impies rejetés de Dieu. Cf. Ps. lxxii. (Cependant la masse restait peu sensible à la pensée morne de l’au-delà : joie et tristesse, tout était considéré en cette vie pour soi et pour ses descendants ; religieusement la joie était tenue pour un bien venu de Dieu et une bénédiction réservée aux justes ; la tristesse était donc une malédicticiii qui allait normalement aux impies. Mais le fait d’expérience contraire à la vue théorique amena, par une autre voie, à la sanction ultra-terrestre, et les solutions opposées de cette sanction pour les bons et pour les mécliants, déterminées par un jugement de Dieu, ont déjà été entrevues çàet là dans les livres poélicpies et sapientiaux <le l’ancienne alliance. Voir J. Touzard, dans la Kcnuc biblique, 1898, p. 219-223.
3o l’rophclrs.
Nous ne nous occuperons que <Ic leurs affirmations explicites au sujet du châtiment des impies dans la vie future,
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