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ESDRAS ET NEHEMIE (LIVRES DE ;


raît dans la distribution actuelle du livre, ne saurait répondre tout à fait à la réalité. La constatation du fait est particulièrement facile pour les c. iv-vi d’Esdras. Les premiers versets 1-5 racontent les difficultés suscitées aux Juifs par leurs adversaires dans la reconstruction du temple sous Cyrus, et l’impossibilité de reprendre l’œuvre, interrompue à la suite de ces diflicultés, avant le règne de Darius P(521) ; les versets suivants 6-23 relatent de nouvelles intrigues auprès de Xerxès(Assuéras) (485-465) et d’Artaxerxès (465-424) dans le but d’empêcher le relèvement des murs de Jérusalem ; avec IV, 24, reprend le récit de la construction du temple, la seconde année de Darius (520) ; la sixième année de ce roi, tout est terminé grâce aux ordres de CjTUs, de Darius et d’Artaxerxès, vi, 14. Il y a donc erreur ou sur les noms des rois sous lesquels se déroulent ces événements ou sur la suite de ces mêmes événements. L’histoire des missions d’Esdras et de Néhemie soulève de nombreuses difficultés, provenant sans doute d’erreurs chronologiques dans la disposition actuelle des récits : quels furent les rapports des deux personnages, pourquoi les Mémoires de l’un gardent-ils le plus profond silence sur l’œuvre de l’autre, etc.’? La chronologie toute différente du III « livre d’Esdras vient encore compliquer les problèmes. Bayer, Das drille Biich Esdras, p. 96-109.

1° Les rois Darius et Arla.rcrxès. — Avant même d’aborder l’étude des rapports chronologiques des différentes parties d’Esdras-Néhémic, il importe de préciser à quels personnages exactement correspondent les noms des rois de Perse mentionnés à plusieurs reprises, car cela encore a été l’objet de nombreuses discussions et exige avant toute autre question une solution. A quel Darius, à quel Artaxerxès faut-il rapporter les événements où se trouvent mêlés leurs noms ? Plusieurs rois, en effet, de la dynastie des Achèménides ont porté ces noms et le texte biblique, en les citant, n’ajoute aucune mention qui permette de distinguer les personnages du même nom auxquels ils doivent être attribués.

La mission de Xchémie se poursuit sous le règne d’un roi du nom d’Artaxerxès. Est-ce Artaxerxès I (465-424) ou Artaxerxès II (405-358) ? L’interprétation traditionnelle, adojjlée par la majorité des critiques, en fait le premier des rois de ce nom, la découverte de pajjvrus araméens à Éléphanline lui a donné pleinement raison, lui. Sachau, Drei aramaischc Papyrusurkunden aus Eléphanline, Berlin, 1907. Voici comment : Le premier de ces documents araméens, daté de l’an 17 du roi Darius (le IP’du nom), c’est-à-dire de 406, fait mention d’une lettre envoyée au nom de la communauté juive, résidant à Éléphantine, à Dclaiah et Cliemaliah, lils de Sanaballat, gouver 41eur de Sanuirie ; or, ce dernier personnage n’est autre que le Sanaballat qui est à la tête des ennemis de Néhémie pour l’empêcher de mener à bonne fin la reconstruction des murs de.lérusalem, Nch., iii, 3334 ; IV, 1-2 (d’après la Vulgate. iv, 1-2, 7-8), la 20’= année d’Artaxerxès ; donc lvrtaxerxès dont la 20 « année marque le commencement des événements où se trouvent mêlés Néhémie et Sanaballat, le pèrc des destinataires de la lettre, ne saurait être qu’Artaxerxès Ii^’(465-420), et ainsi le début de la mission de Néhémie est fixe à 445. Le même papyrus cite encore uneautre IcUrcenvoyéc à Jehokhanân, le grand-prêtre, cl à ses confrères les prêlrcs de Jérusalem. Lors de son premier séjour dans la capilale do Juda, Néhémie s’y rencontra avec Éliasib, le grand prêtre, Neh., xiii, 4, qui était le père, Nch., xii, 22, ou plus probablenicnt le grand-père de Jeliokhanân (.Iohanan), car Éliasib engendra Joiada, qui engendra.Fonallian, Neh., XII, 10, le même que Jehokhanân, ou peut-être son llls, un anneau de cette généalogie, Irop courte pour

UItT. >E THÉOL. CATIIOL.

le laps de temps qu’elle doit couvrir, » ayant « pu être omis à cause de la ressemblance des noms. » Lagrange, Les nouveaux papyrus d’Éléphanline, dans la Revue biblique, 1908, p. 343. Quoi qu’il en soit, ce rapprochement entre Néhémie et le père ou le grand-père de Jeliokhanân, mentionné dans le document araméen de 406, confirme la conclusion précédemment obtenue : Néhémie, gouverneur de Jérusalem la 20^ année d’Artaxerxès I""’, 445. A cette époque, « la maison de Dieu » était déjà relevée de ses ruines, Neh., vi, 10, 11 ; XIII, 4 sq., elle l’avait été sous le grand-prêtre Josué, grand-père d’Éliasib, Neh., xii, 10, le contemporain de Néhémie ; ainsi donc le Darius qui permit la reconstruction du temple et en vit l’achèvement la sixième année de son règne, est Darius P, fils d’Hystaspe, 521-485, contrairement à l’opinion de Haneberg, Imbert, Howorth, qui tiennent pour Darius II, 423-405. La mention d’Artaxerxès (I), Esd., vi, 14, pourrait faire difficulté, si elle n’était une glose (Siegfried, Bertholel), ou plutôt une écriture fautive d’un copiste maladroit. Theis, op. cit., p. 37-39. On ne saurait non plus objecter la mention de Xerxès (485-465) et d’Artaxerxès (465-424) au c. iv d’Esd., 6-23 ; de l’avis de la grande majorité des critiques, ce passage où il s’agit du relèvement des murs de Jérusalem est hors de sa place naturelle et interrompt violemment le récit de la construction du temple, Esd., iii, IV, 1-5, 24, v, vi ; il est à placer immédiatement avant les Mémoires de Néhémie et ainsi le Darius du c. v est le même que celui de iv, 1-5, à savoir Darius P^ A rencontre de l’opinion commune, Theis voit, dans les versets 6-23 du c. iv, le récit de la construction du temple ; les noms de Xerxès et d’Artaxerxès, qui pourraient faire difficulté, sont à rejeter, le dernier comme une glose très tardive, le premier pour faire place à celui de Cyrus, nom donné parfois à l’Achéménide qui régna de 485 à 465, ce qui amena la confusion entre lui et Cyrus le libérateur. Josèphe, A/ ! /, jud., XI, vi, 1 ; Theis, op. cit., p. 39-55. 2° Sassabasar-Zorobabcl.

Ces premiers jalons

chronologiques posés : Darius P (521-485) le contemporain de la reconstruction du temple, et Artaxerxès l" (465-424) le contemporain de Néhémie, il reste à déterminer l’ordre de succession des événements. Comment, dès le début, se représenter l’histoire du retour et des premières tentatives de restauration ? Deux noms dominent tous les autres, ceux de Sassabasar (Scheschbassar), le prince de Juda, venu à Jérusalem pour rebâtir le sanctuaire de Jahvé, et de Zorobabcl, revenu en Judée à la tête des émigrants ; l’ordonnance du récit est telle qu’on s’est posé la question de l’identilé ou de la distinction des personnages ainsi désignés. Pour l’identité, on produit les raisons suivantes : tous deux sont princes de Juda, l’un parce qu’il en a expressément le titre, Esd., i, 8, l’autre parce qu’il est pelil-fils du roi Jéchonias, I Par., III, 18-19 ; Sassabasar est présenté comme le chef des émigrants, envoyé par Cyrus ; Zorobabel apparaît à la tête des caravanes de rapatriés, Esd., II, 1 ; il est l’organisateur de la communauté, ii, 63, le représentant de l’autorité dans ses rapports avec les populations d’alentour, iv, 2 sq. ; à l’un et à l’autre est attribuée la pose des fondements du temple, v, 16 ; m ; Zach., iv, 9 ; Sassabasar a reçu de Cyrus le litre de pel.ia, gouverneur, lîsd., v, 14, en l’an 2 de Darius ; Zorobabel est lui aussi gouverneur, Agg., i, 1, et il l’est depuis un certain temps déjà, puisque ni le satrape Thalhanaï, ni le roi Darius ne semblent le connaître. I-lsd., v, 10. Van Hoonacker, Les douze petits propliàtes, p. 513. L’usage de deux noms pour un seul personnage s’expliquerait anisi Sassabasar est le nom babylonien du prince juif ; « Sclianuisch ou Sin protège le fils ou le prince » en est le sens exigé

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