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ESDRAS ET NÉHÉMIE (LIVRES DE)

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vantes : Le vocabulaire et la syntaxe sont ceux du compilateur dont la manière d’écrire bien caractérisée se retrouve non seulement dans quelques parties des livres d’Esdras-Néhemie, mais surtout dans Esd., vii-x, et Neh., viii-x, passages précisément regardés comme extraits de l’œuvre personnelle du scribe. Torrey, Ezra Siudics, p. 240-248. Toute l’histoire du rôle d’Esdras est fort improbable : les circonstances rendaient diflicile, pour ne pas dire impossible, l’application des mesures que pourtant il serait parvenu à imposer, le silence de Néhémie d ailleurs au sujet d’Esdras est bien significatif.non moins que celui du fils de Sirach et de l’auteur du II livre des Machabées, pour lesquels Néhémie apparaît le seul et véritable champion du judaïsme a cette époque. Ecch., xlix, 12 sq. ; II Mach., i, 10 sq. Les, prétendus Mémoires d’Esdras ne renfermeraient en | conséquence qu’une légende inventée de toutes pièces | par la réaction sacerdotale et lévitique qui se produisit après la mort de Néhémie ; il ne convenait pas, en effet, de laisser à un héros laïque toute la gloire de la restauration juive, on lui donna donc un collègue de l’ordre sacerdotal avec un rôle parallèle au sien et des Mémoires analogues ; le légendaire Esdras de la littérature apocryphe et talmudique fait ainsi son apparition dans les livres canoniques.

L’argument tire du vocabulaire et du style, réduit à de plus modestes et plus justes proportions, n’oblige Tiullement à renoncer à l’authenticité des Mémoires d’Esdras. Un examen attentif des mots et expressions prétendus caractéristiques du Chroniste montre que, pour une part, il s’en trouve dans d’autres écrivains post-cxiliques, et que pour une autre, ceux rencontrés en fait dans les Mémoires et les Paralipoménes seulement, quelques-uns sont dus à la mise en œuvre des Mémoires par le Chroniste, quelques autres s’expliquent par la commune origine des deux auteurs. Il y a plus, bien des expressions caractéristiques du Chroniste sont absentes des Mémoires, surtout des prières, Esd., ix, G-15, et Neh., ix, 6-38 ; on y retrouve plutôt l’influence du Deutéronone, celleci complètement étrangère aux Paralipomènes. G. A. Smith, Ezra and Nehemiah, dans E.rposilor, juillet 1906, p. 5-6 ; Joh. Geissler, Die litterarisclwn Beziehungen der Ezramemoricn insbes. zur Chroiuk iind den hexateuchischen Qitellschrilten, Cliemnitz, 1899. Quant aux dinicultés d’ordre historique, elles sont réelle » sans doute, mais plusieurs tiennent à la chronologie actuelle du livre, et si l’ordre de succession Néhémie-Esdras, proposé par quelques critiques, est le véritable, bien des prétendues invraisemblances de la mission d’i : sdras disjiaraissent de ce fait. Voir plus loin. L’omission du nom du scrilie dans le catalogue des personnages qui ont illustré riiistoirc d’Israël est certes étrange, ne peut-elle pas s’expliquer dans une certaine mesure par l’importance, dans 1 nuvre de la restauration juive, du rôle de Néhémie que n’avait pas encore relégué au second plan la légende d’Esdras ? Demeurât-elle d’ailleurs inexpliquée, elle ne saurait prévaloir contre les bonnes raisons qui militent en faveur de rauthenlicité des Mémoires. Faire du Chroniste l’auteur de récits si riches en détails, en incidents, c’est ne pas tenir compte de sa manière d’écrire qui laisse si peu de place h l’invention, c’est oublier que l’Esdras des Mémoires est avant tout un scribe versé dans la Loi de Moïse, tandis que l’Esdras qu’aurait imaginé le compilateur aurait été avant tout prêtre, comme il apparaît dans quelques passages remaniés ou ajoutés. Notons en lin que les Mémoires n’étaient pas un genre littéraire inconnu en Israël au V’et au iv siècle ; sans parler de ceux de Néhémie dont nous fixerons la date, on peut retrouver dans les écrits composés prndant ou avant l’exil,

surtout chez les prophètes, maints passages ayant la forme de mémoires ; n’est-ce pas le cas surtout pour le livre d’Ézéchiel ?.

3° Documents araméens.— Ils sont très importants pour l’histoire de la restauration juive si leur valeur documentaire, objet de nombreuses discussions, peut être établie. Tandis que Kosters, Wellhausen, Torrey, H. P. Smith, etc., leur refusent à peu près tout caractère historique, la majorité des critiques, tout en V reconnaissant la trace de quelques modifications introduites par les rédacteurs juifs, en maintient l’authenticité. Beaucoup se sont ralliés a la thèse d’Ed. Meyer qui voit dans les documents conservés au livre d^’Esdras les copies des originaux eux-mêmes, ainsi Cornill, Siegfried, Bertholet, Guthe, Budde.

De ces textes, les uns, Esd., iv-vi, faisaient partie d’une histoire écrite en araméen, les autres, Esd., vil, des Mémoires, tous par conséquent, en passant ainsi par plusieurs mains, ont été exposés à quelques remaniements que la critique sait distinguer sans renoncer à l’authenticité. Pas de diniculte non plus du fait de la rédaction de ces documents en araméen, puisque c’était la langue olTicielle des Achéménides dans leurs relations avec les provinces de l’Ouest. Le persan, en effet, ne pouvait convenir pour les communications à faire aux sujets de ces régions dont il importait d’emprunter la langue : l’aramécn. Ce souci de se mettre à la portée des différents peuples de l’immense empire se retrouve jusque dans les inscriptions royales ; certaines sont accompagnées de traduction dans les langues de Babylone et de Suse, d’autres le sont d’une version hiéroglyphique (insr cription du canal de Suez), d’autres d’un texte grec. Meyer, op. cit., p. 9-10. Depuis longtemps, d’ailleurs, l’araméen s’imposait comme la langue des relations entre les provinces de l’Ouest. II Reg., xviii, 26, c< Quand la domination persane succéda à la chaldéenne (538), l’araméen ne perdit rien de son importance, il demeura la langue officielle de l’empire dans toutes les provinces occidentales : on le retrouve sur les monnaies de l’Asie-Mineure, sur les papyrus et les stèles de l’Egypte, dans les édits et la correspondance des satrapes et même du grand roi. » Maspero, Histoire ancienne des peuples de fUricni, Paris. 1904, p. 776. Pour les relations avec l’Egypte elle-même, I en effet, l’araméen s’était imposé. Corpus inscriptio-I num seniiticarum, Paris, t. ii, n. 138, 144, 146, 147 : î Clcrniont-Ganneau, Origine perse des monuments I aramcens d’Égi/pte, 1880. Rien donc que de très vraisemblable dans la rédaction en langue araméenne I de CCS documents du livre d’Esdras, dont le carac-I tcre officiel est manifeste. D’après Ed. Meyer, op. cit., p. 21 sq., ce serait des traductions ollicielles, ! reconnaissables h l’emploi de mots, d’expressions et de constructions d’origine persane : hriinkel et Lohr’ont combattu cette hypothèse, Zcitschrifl fiir die alllestamentlictw Wisscnscluifl, 1900.

Comment ces documents ont ils pu parvenir jusqu’ù l’auteur juif qui le premier les a utilisés ? La destination de plusieurs d’entre eux en faisait des écrits publics ; ce sont, en effet, des ordonnances aux instructions desquelles devaient se conformer tous les .luifs ; favorables ou non à leur cause, elles devaient leur être manifestées, et celles qui portaient mention de privilèges octroyés avaient leur place marquée dans les archives du temple. La découverte de linscriplion de (ladata, contenant une décision du roi des rois, Darius, fils d’Ilystaspe, cn faveur des serviteurs du sanctuaire d’.Apollon en conflit avec le fonctionnaire royal Gadata, est venue confirmer ces conclusions sur la réalité historique, le caractère public et la conservation par les intéressés de ces sortes do rescrits. Bulletin de iorrcspondemcc hellénique, t. xiu.