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ENFER DANS L’ECRITURE SAINTE

peuple hébreu. Cependant, lorsque Dieu instruisit son peuple, les esprits n’étaient pas à l’état de table rase. Ils avaient les idées de leur jiays d’origine et la révélation divine aurait pu s’y grelïer, en dissipant progressivement les ténèbres et en projetant sur la vérité une plus vive lumière. Il n’y aurait donc rien d’étonnant que les conceptions primitives des Hébreux sur le séjour d’outre-tombe et les mots qui les exprimaient aient eu des rapprochements et la même signification que les idées et les termes chaldéens, Abraham étant sorti d’Ur en Chaldée.

D’au ire part, même en adoptant la première signification, seô/ (Septante : aoT) ;  ; Vulgate : i/i/er/iHs) ne signifie pas davantage enf^>r au sens strict, lieu de damnation, mais demeure des morts en général, justes et impies. Cf. par exemple, Gen., xxxvii, 35 ; Num., XVI, 30. Et cela avec raison, car, avant l’ascension de Jésus-Christ, aucune âme ne pouvait entrer au ciel ; on pouvait donc dire que tous les morts étaient en un même lieu, loin du ciel et de la surface de la terre. Dans le Nouveau Testament, la même conception du se’ôl est gardée dans tous les textes qui décrivent l’au-delà en son état primitif, avant les changements opérés par le Christ. Ainsi dans la parabob ? de Lazare et du mauvais riche, celui-ci est enseveli dans l’iSriÇ, celui-là est porté dans le sein d’Abraham, les limbes, Luc, XVI, 22, mais les deux régions semblent faire jiarlie d’un même lieu. Voir t. i, col. 111-115. Act., 11, 2 I ; Kph., iv, 9 ; I Pet., iii, 19. C’est dans le même sens qu’il est parlé de la descente de Jésus-Christ aux enfers. La rédemption et l’ascension bouleversent réconomic ancienne ; dans le Se’<5Z antique, il ne reste plus que les pécheurs et spécialement les damnés ; l’enfer des damnés reçoit alors un nom spécial géhenne, févr/oi, ~ : n’5, gé-hinnùm. L’origine du mot est donc hébraïque. En hébreu, il signifie : vallée de Hinnôm ; on disait aussi gé-ben-hinnôm : vallée du fils d’Hinnom, ou encore gé-benon-hinnôm : vallée des fils d’IIinnom. Ilinnom doit être un nom propre, celui de quelque projjriétairc ancien pas autrement connu. Cette vallée était un ravin au S.-O. de Jérusalem. Cf. Hagen, Lexicon bibliciim, t. ii, p. 179 ; Diclionnaiie de la Bible de M. Vigouroux, art. Géennomci Géhenne, t. ii, col. 153-155 ; Wilke-Grimm ; surtout G. Warrcn, Hinnom, dans Dictionary oj the Bible, Edimbourg, 1002, t. ii, p. 385-388. Sous les rois impies Achaz et Manassc, IV Heg., xxiii, 10 ; Jer., XXXII, 35 ; II Par., xxxiii, 6, les Juifs y avaient immolé leurs enfants à Moloch dans les brasiers de Tophet..losias rendit ce lieu impur en y faisant jeter <les innuondices de tous genres, cadavres, etc., IV Heg., xxiii, 10, et celle pratique ayant continué après lui, ce lieu devint comme la senlinc de Jérusalem ; des feux y brûlaient en conséquence jiresque perpéluelletnenl pour consumer ces pourritures,.ussi, dès le temps d’Isaïe, la lugubre vallée devint la figure de l’enfer, Is., lxvi, 21, et fut appelée géhenne du feu « . Jésus-Christ n’a donc pas créé le mot, ni sa signification infernale ; il en a fait seulement un large usage, jiarce que le ravin ténébreux et maudit, avec ses cadavres lenleinent dévorés par les vers, ou brûlés sur des bûchers sans fin, élail un emblème expressif <hi véritable enter ; l’enfer était cela, mais pour toujours : un ver qui ne meurt pas, un feu qui ne s’éteint pai

Ce lieu est encore nommé itbinw, Luc, viii, 31 ; Apoc, IX, 11 ; XX, 1, 3 : fonrntiisr de feu, Matth., xiii, 42, 50, clc.ileuélrrnet. Milth., xviii.S ; xxv,’ll ; Jude, 1 ; étang de /eu et de soufre,.mc., xix, 20 ; xx, 0, 15 ; XXI, H ; ténèbres rrtérieiires, Maltli., viii, 12 ; xxii, 13 ; XXV, 30 ; cf. lll’cl., Il, 17 ; Jude, 13 ; tien de tourments, Luc, XVI, 28 ; perdition, destrnrtion, Mallh., vii, 13 ; Phil., iii, 19 ; I Tim., vi, 9 ; II Thess., i, 9 ; cf. Gal.,

vi, 8 ; mort, seconde mort, Rom., vi, 21 ; Apoc. ii, 11 ; XX, 6, 14 ; XXI. S ; larlarc, II Pet., ii, 4. Sur le vocabulaire biblique de l’enfer, voir Salmond. art. Hell, dans JJictionary oj the Bible, t. ii, p. 3 43-31().

Nous étudierons successivement l’enfer : 1° dans l’Écriture ; 2° d’après les Pèros ; 3° d’après les théologiens ; 4° d’après les opinions erronées ; 5° d’après les décisions de l’Église ; puis, nous exposerons : 6° la synthèse de l’enseignement théologique sur l’enfer.

I. ENFER DANS L’ÉCRITURE SAINTE. — I. Dans l’Ancien Testament. II. Dans le Nouveau.

I. Dans l’Ancien Testament. — 1° Penlatcuque, Juges, Rois. — Comme chez tous les peuples, la croyance à l’au-delà fait partie essentielle de la religion hébraïque primitive. Cet au-delà est un lieu cl un état. Le lieu, comme il a été expliqué plus haut, est appelé scôl, caverne souterraine, engloutissant tous les morts. Ce lieu est certainement distinct du tombeau. Pour sa description générale ainsi que celle de l’état commun de ses habitants, voir F. Vigouroux, La Bible elles découi’crles modernes, C’= édit., Paris, 1896, t. iv, p. 570-581 ; Dictionnaire de la Bible de ÎI. Vigouroux, art. Enfer, t. ii, col. 1792-1795 ; J. Touzard, dans la Reinie biblique, 1898, p. 212-217.

Nous ne nous occuperons ici que de l’enfer au sens strict, c’est-à-dire du lieu et de l’état des âmes en état de péché mortel après la mort.

L’état des âmes dans le se’ôl fui d’abord chez les Hébreux très obscur. Que peut, en effet, dire de certain la raison sur cet état ? La raison, nou éclairée par la révélation divine, est impuissaute à le connaître clairement ; l’expérience de l’humanité dans toutes les religions anciennes le montre bien. Or, l’exercice de la raison était peut-être moins déveloiipé chez les Juifs en général que chez beaucoup d’autres peuples. Race toute positive et toute pratique, race très jalouse et très cxclusivisteaupoint de vue de la nationalité, les Juifs primitifs n’étaient que très peu aples à réfléchir et à spéculer sur l’au-delà individuel. Ils croyaient à l’autre monde, mais ils pensaient surtout à celui-ci pour y cliercher le bonheur personnel et la prospérité nationale. Voir en particulier cette opposition entre l’eschatologie individuelle et l’eschatologie nationale, mise en relief jusqu’à l’excès par P. J. Toner, The catholic Encgclopedia, art. Eschalologij, New York, 1909, t. v, p. 531 ; R. H. Charles, EneijelopæJia biblica de Cheyne, art. EschatologiI. Londves, 1901, 1. M. p. 1335 sq.

La révélation primitive hébraïque n’.ijouta que très peu de chose aux notions imparfaites fournies par la raison. Par suite, sous le rapport de la sanction morale dans lcSeôl, i conscience juive fut d’abord très imparfaitement éclairée. ICile avait un vif sentiment de sa responsabilité, individuelle et nationale, devant Jilivé. Cf. Gen., iii, 3 19 ; IV, 7, 13, 23 ; xii sq. : histoire des patriarches,.Ahraliani, xxiv, 40 ; Isaac, xxxi, 48-54 ; Jacob, xLvii, 9, 31 ; xi.ix, 18 : Joseph, xxxix, 9 ; Exod., IV, 24 —2(5 ; V, 21 ; XV, 20 ; xvi.6-9 ; xviii. 10. etc., toute la constitution tiiéoeratique d’Israël au point de vue moral, social, politique. économiriue niêuie, et toute l’histoire des chutes, des châtiments et des conversions d’Israël s’avouant coupable, digne de châtiment, implorant le jiardon <le Dieu. Ceci à rencontre des idées sur l’amoralisme primitif des Hébreux, dans R. H. Charles, toc. cit.. col. 1335 1313. Cependant, cette responsabilité morale des 1 lébreux devant Jahvé était surtoul à échéance terrestre. La loi, Lev., XXVI, 14-21 ; Deut., xxviii, 15-45. cnumère toutes sortes de châtiments pour ceux qui Ir.msgressent les préccptes divins, et les cliàtimeiits sont tous terrestres, cf. Milton S. Terry. liibliral Dog-