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ERREUR DOCTRINALE - ERREUR, EMPÊCHEMENT DE MARIAGE


vente ; enfin, lorsqu’elle porte sur une qualité de la chose, qui est voulue avant tout, et même plutôt que la chose elle-même, prise dans sa nature. L’erreur peut être, en outre, antécédente et donner cause au contrat ; ou bien elle peut n’être qu’incidente ; ou, enfin, si la volonté se comporte indifl’éremment touchant l’objet du contrat, à propos duquel il y a eu erreur, celle-ci est dite simplement concomitante. Enfin, l’erreur peut se compliquer, dans son origine, de dol ou de fraude, de la part d’un des contractants ; ou bien elle peut exister sans qu’il y ait eu aucune fraude chez l’un ou l’autre contractant.

Or : 1° toute erreur portant directement sur la substance, ou rejaillissant sur la substance du contrat, rend invalide le contrat lui-même ; en efiet, le consentement manque alors directement son objet, et fait ainsi complètement défaut ; peu importe d’ailleurs que, si l’erreur avait été connue, le consentement aurait eu lieu quand même, car, dans les contrats, il faut toujours considérer ce qui est fait et non ce qui aurait été fait. 2° L’erreur qui ne rejaillit pas sur la substance du contrat, mais donne pourtant cause à celui-ci, rend invalides, ou au moins résiliables au for de la conscience, les contrats gratuits, mais non les contrats onéreux, pour lesquels il faut simplement se conformer aux dispositions des lois positives. Cf. Lessius, De jiistitia et jure, 1. II, c. xvii, n. 33. La raison est que, dans les contrats gratuits, une erreur antécédente peut plus facilement afi’ecter la substance du consentement, puisque alors l’objet lui-même est supposé venir de la seule libéralité du contractant. Au contraire, dans les contrats onéreux, où la part d’obligation est la même de chaque côté, il est juste que, pour l’erreur d’une partie, l’autre partie ne supporte pas le dommage de la nullité du contrat. Toutefois, d’après Lessius, loc. cit., la partie qui est dans l’erreur ne serait pas tenue, au for de la conscience, à l’accomplissement du contrat si la chose était encore intacte, pourvu qu’elle compensât vis-à-vis de l’autre partie contractante le dommage qui pourrait en résulter. En outre, si l’erreur qui a donné cause au contrat procédait du dol ou de la fraude de la part d’un des contractants, le contrat lui-même serait résiliable aux dépens du fraudeur. Cf. Lessius, loc. cit., n. 20.

3° L’erreur qui ne rejaillit pas sur la substance du contrat, ni ne donne cause au contrat, neprend ni invalide ni résiliable le contrat lui-même.

Mais que dire en particulier de l’erreur touchant la personne avec laquelle s’effectue le contrat, ou bien touchant le motif du contrat, ou enfin, touchant la détermination de la chose dans le contrat ? 1. Si l’erreur porte sur la personne elle-même avec laquelle s’effectue le contrat, elle doit être, en principe, tenue pour substantielle dans les contrats gratuits, mais non dans les contrats onéreux, à moins que la personne ne constitue la matière même du contrat, comme nous le verrons bientôt à propos du mariage. "Voir Erreur, EMPÊCHEMENT DE MARIAGE. 2. SI l’crreur vlsc le motif du contrat, ou bien ce motif se trouve seulement impulsif, et alors l’erreur ne fait rien au contrat si ce n’est pour le contrat gratuit qu’elle peut rendre résiliable ; ou bien le motif est vraiment déterminant et final, et, dans ce cas, l’erreur rend invalide ou résiliable le contrat, même onéreux, pourvu toutefois que le motif en question ait été manifesté à l’autre partie contractante. 3. Si l’erreur porte sur la détermination ou la désignation qui a été faite de la chose dans le contrat, ou bien l’erreur concerne la qualité, et alors le contrat n’est pas invalide, à moins que l’erreur ne rejaillisse sur la substance ; ou bien l’erreur vise la quantité, et, de nouveau, il faut distinguer deux cas : ou la chose a été désignée d’une manière purement démonstrative, c’est-à-dire, en premier lieu,

la chose elle-même, et ensuite, de façon seulement secondaire, la quantité, par exemple : tel terrain, situé à tel endroit, et mesurant 1000 mètres carrés ; dans ce cas, l’erreur sur la quantité ne change rien au contrat, en sorte que toute la chose est due, malgré que la quantité puisse être supérieure à la désignation ; ou bien la chose a été désignée d’une manière taxative, c’est-à-dire d’abord la quantité, et ensuite la chose elle-même, par exemple, 1000 mètres carrés de terrain ; et, dans ce cas, l’erreur sur la quantité modifie l’obligation du contrat, en sorte que l’excédent en plus de la quantité désignée n’est pas dû, à moins que d’après les circonstances il n’en appert autrement de l’intention du contractant. Cf. Lehmkuhl, op. cit., n. 1203, 1279 ; Marc, Instilulioncs morales alphonsianæ, Rome, 1904, t. i, n. 1047.

S. Thomas, Siim. theol., I’, q. xvii ; Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu, c. i, n. 16 ; Stuart Mill, Logique, 1. V, c. I, a. 3 ; Jaffre, Cours de pliilosophie, Lyon, 1878, p. 75 sq. ; Ginebra, Elemenlos de fdosofia, Santiago de Chili, 1887, p. 57 ; Castelein, Cours de philosophie. Logique, Bruxelles, 1901, p. 229, 231, 232, 241 ; Mercier, Cours de philosophie, Louvain, 1902, t. i, n. 141 ; Willems, Insiitutiones pliilosophiæ. Trêves, 1906, p. 119 sq., 445 sq. ; Boirac. Cours de philosophie, Paris, 1907, p. 473.

Lessius, De juslilia et jure, 1. II, c. xvii, n. 29, 33 ; d’Annibale, Sumnuila iheologiie moralis, Rome, 1896, part. I, n. 48 sq. ; E. Berardi, Praxis confessariorum, Fænza, t. ii, n. 520 ; Clément Marc, Instiluiiones morales alphonsianæ, Rome, 1904, t. I, n. 1046 sq. ; Lehmkuhl, Theologia moralis, Fribourg-en-Brisgau, 1910, t. i, n. 417, 1261 sq., 1279.

E. Valton.

II. ERREUR, EMPÊCHEMENT DE MARIAGE. — LL’em pêchement d’erreur en général. II. L’empêchement d’erreur à propos de la condition servile.

I. L’empêchement d’erreur en général. — 1° Notions préliminaires.

L’erreur, nous l’avons

dit, col. 435, est une fausse science, falsa rei apprehensio, et réside dans l’intelligence, comme dans son sujet, qui se forme de la chose une idée, ou mieux, un jugement inexact, tandis que l’ignorance est un défaut de science, et ne comporte aucune idée positive touchant son objet.

Or, outre les divisions de l’erreur, que nous avons signalées à propos des contrats en général, à savoir : l’erreur substantielle, qui affecte la substance même du contrat ou l’objet essentiel du consentement, et l’erreur accidentelle qui porte seulement sur des accidents, l’erreur antécédente ou celle qui donne cause au contrat, et l’erreur simplement incidente, ou concomitante, voir col. 446, nous observerons, à propos du contrat de mariage, trois grandes classes d’erreur, à savoir : l’erreur de fait, qui peut porter sur la personne elle-même, ou sur ses qualités ; l’erreur de droit, qui peut porter sur l’objet formel du mariage et le droit mutuel que se donnent les époux touchant les relations charnelles, ou bien sur les propriétés essentielles du contrat matrimonial, telles que son indissolubilité ou son unité qui comprend également la fidélité conjugale ; et l’erreur, tantôt de droit, tantôt de fait, touchant la validité du mariage lui-même, c’est-à-dire quand l’un des contractants juge que son mariage est nul à cause d’un empêchement qu’il suppose exister alors qu’il n’en est rien en réalité.

Alais, avant d’étudier l’empêchement d’erreur dans le mariage proprement dit, nous allons examiner les effets de l’erreur dans les fiançailles.

L’erreur dans les fiançailles.

Si l’erreur porte

sur la personne elle-même, ou sur sa condition servile, ou bien sur une qualité de la personne qui aurait été recherchée par le contractant comme une condition sine qua non, ou enfin sur une qualité qui rejaillirait sur la substance du contrat, en sorte que l’erreur se transformerait en une erreur sur la personne, dans