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ERREUR DOCTRINALE


cisément parce qu’on n’en prend pas conscience, mais qu’on veut juger quand même, alors qu’on ne sait pas ou qu’on ne sait qu’imparfaitement. Tels sont les sens qui nous transmettent souvent des impressions plus ou moins altérées par les conditions du milieu extérieur ou par l'état de nos organes. Telle est surtout l’imagination, ouvrière infatigable d’erreur qu’on a appelée la « folle du logis » . Telle est aussi la parole de nos semblables qui peut nous suggérer et nous inculquer des idées fausses. Telle encore l’habitude qui, en reproduisant sans cesse les mêmes sensations ou les mêmes idées, finit par leur communiquer la force de s’imposer à l’esprit, etc. Or, ces diverses causes ne deviennent, en définitive, des sources d’erreur, qu’autant que l’esprit ne réfléchit pas et que la volonté l’incline à juger d’une façon anormale qui ne répond pas à la réalité des choses.

Cette intervention nécessaire de la volonté dans la genèse du jugement erroné démontre assez l’influence que peuvent également exercer nos dispositions morales pour nous détourner de la vérité. Voici comment Stuart Mill, Logique, 1. V, c. i, a. 3, explique le rôle que jouent parfois les dispositions morales à propos de l’erreur : « Les sources d’erreur morales peuvent être rapportées à deux classes principales : rindifierence pour l’acquisition de la vérité et les inclinations, dont la plus commune est celle qui nous fait abonder dans le sens de nos désirs, quoique nous soyons presque autant portés à accueillir indûment une conclusion désagréable, si elle est de nature à mettre en branle une passion forte. Les personnes d’un caractère craintif et timide sont les plus disposées à croire les choses les plus propres à les alarmer. C’est même une loi psychologique, déduisible des lois plus générales et de la constitution morale de l’homme, qu’une forte passion nous rend plus crédules à l'égard de l’existence des objets capables de l’exciter. Mais les causes morales des opinions, quoique les plus puissantes de toutes chez la plupart des hommes, ne sont que des causes éloignées : elles n’agissent pas directement, mais par l’intermédiaire des causes intellectuelles, avec lesquelles elles sont dans ce même rapport qu’en médecine les causes prédisposantes avec les causes excitantes, etc. »

Remèdes.

Un principe qui découle de tout ce

que nous avons dit, c’est que l’erreur n’est pas une nécessité physique pour notre intelligence et qu’on peut ainsi, à la rigueur, toujours l'éviter. Cependant nous ne nions point que l’erreur ne soit parfois moralement nécessaire, c’est-ù-dirc qu’elle ne puisse, en certains cas, être difficilement évitée, et cela en raison de l'éducation ou du genre de vie qui empêclient beaucoup d’hommes de réfléchir et de s’appliquer les remèdes qui s’imposent.

Quels sont ces remèdes de l’erreur ? S’il s’agit des préjugés, le remède sera l'étude sérieuse, car l'étude chasse l’ignorance qui est la source de nombreux jugements précipités et préconçus. S’il s’agit des sophismes proprement dits, le préservatif sera la connaissance et l’usage des méthodes rationnelles de la logique : on s’habituera à définir et h mettre les raisonnements en forme, car la définition met de la clarté dans les idées, et la méthode syllogistique produit l’ordre dans l’esprit. S’il s’agit enfin des erreurs en général, il faudra s’accoutumer à sus))endre son jugement, tant qu’on n’aura pas suffisamment examiné et trouve les preuves ; se tenir en garde contre l’innuence de l’au torité, de l’habitude, de l’imagination, des passions, en un mot, de toutes les causes déterminantes de l’erreur ; enfin, s’exercera ne juger et raisonner que des choses parfaitement connues, en réservant toujours une part suffisante à l’inconnu.

Bossuct, Connaissance de Dieu, c. i, n. IG, résume

en quelques mots vigoureux les causes de l’erreur, et, par là même, en vertu du principe que les contraires se guérissent par les contraires, il en suggère les remèdes : « La cause de mal juger, dit-il, est l’inconsidération qu’on appelle autrement la précipitation. Précipiter son jugement, c’est juger avant d’avoir connu. Cela nous arrive ou par orgueil, ou par impatience, ou par prévention. »

II. Ar POINT DE VUE DE i.A FOI. — A cc jioiut de vue, l’erreur peut s’entendre dans un sens général, de toute doctrine en désaccord avec les vérités de la foi, et elle comprend ainsi également les thèses hérétiques, les thèses proches de l’hérésie, et même les thèses simplement téméraires, ou bien, dans un sens spécial, comme censure théologique particulière, voir Censure, et elle désigne l’erreur proprement dite, ou les thèses erronées, et les thèses proches de l’erreur.

L’hérésie est une erreur libre et obstinée contre la foi, chez celui qui avait déjà reçu le bienfait de la foi. Aussi bien, l’hérésie se consomme d’abord dans l’intelligence, et elle est, en conséquence, une véritable « erreur » , mais sa cause formelle réside dans la volonté, et c’est un acte de cette faculté qui constitue sa malice, en sorte que c’est une erreur « libre » , ou mieux délibérée ; enfin « l’obstination » dans l’erreur est un élément nécessaire de l’iiérésie, et c’est même ce qui en fait la malice spécifique. Il faut, en outre, pour qu’il y ait hérésie proprement dite, que l’erreur soit contraire directement et immédiatement à une vérité révélée, et proposée d’une manière certaine par l'Église, comme objet de foi. Voir Hérésie. « L’erreur » strictement dite, ou la thèse « erronée » . est opposée à une vérité qui n’est pas formellement révélée, en elle-même, mais qui est conclue évidemment d’un dogme par la raison, en sorte qu’elle se trouve contraire au dogme seulement d’une façon médiate, à savoir, par l’intermédiaire d’une autre vérité légitimement déduite d’une vérité révélée. Faisons d’ailleurs observer que celui qui soutient une thèse erronée est également dit « suspect d’hérésie » et est présumé lui-même hérétique. Cf. Lehmkuhl, Tbeologia moralis, Fribourg cn-Brisgau, 1010, t. i, n. 417.

La proposition est « proche de l’hérésie » , si le dogme lui-même auquel elle est dite contraire n’est pas absolument hors de doute, parce que la déiniition de l'Église n’est pas tout à fait évidente, ou si cette opposition avec le dogme n’est pas pleincment manifeste, ou encore, si la vérité qu’elle combat est seulement « proche de la foi » . Bien plus, on n’a pas coutume de censurer une proposition de cette note de " proche de l’hérésie » , si déjà elle n’est pas en même temps et d’une manière certaine « erronée » au sens expliqué plus haut.

Une thèse est dite « proche de l’erreur » , si elle est opposée à une vérité qui, avec une grande probabilité, est conclue d’une doctrine révélée.

Enfin, la proposition est « téméraire » . si elle est contraire à l’enseignement coniniunément reçu dans l'Église, sans qu’elle s’ai)pule d’ailleurs sur des arguments sérieux.

m. Au POINT DE VUE DES CONTRATS. — L’crrcur peut affecter plus ou moins le consentement dans les contrats selon qu’elle atteint directement la substance du contrat lui-même, ou, ce qui revient au même, rejaillit sur la substance du contrat, ou bien. l)orte seulement sur des accidents ; selon qu’elle est antécédente, inci<lente ou concomitante ; enfin, selon qu’clle estsimple, ou quelle procède du dol et de la fraude.

L’erreur porte sur la substance du contrat, ou rejaillit sur la substance du contrat, lorsqu’elle vise l’objet même du contrat ou sa nature ; lorsqu’elle intéresse l’espèce du contrat, par exemple, donation au lieu de