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ERREUR DOCTRINALE


ginablc. C’est en vertu de ce préjugé que l’on niait jadis l’existence des antipodes. 3° Confondre ce qui paraît inexplicable avec ce qui est faux ou absurde. C’est sur une confusion de ce genre que se Ijasent les rationalistes pour rejeter les mystères. 4° Répudier a priori un ou plusieurs moyens de connaître, et déclarer alors inconnaissalile, d’une manière absolue, ce qui échappe au seul moyen de connaissance que l’on a arbitrairement réservé. C’est ainsi que les rationalistes répudient par une fin de non-recevoir arbitraire toute révélation surnaturelle, comme si l’évidence intrinsèque, que la nature a mise à la jiortée de notre raison limitée, était le seul moyen de connaître la vérité. 5° Dans la philosophie de la nature se rencontrent également beaucoup de préjugés très répandus : par exemple, celui-ci : « la nature procède toujours par les voies les plus courtes. » 6° Enfin dans l’ordre politique et social existent également mille préjugés, entre autres ceux qui ont été introduits par le « contrat social " de Jean-Jacques Rousseau et par la Révolution française : par exemple, les suivants : l’homme naît naturellement bon ; ou encore, l’homme a droit à une liberté illimitée, et, par conséquent, l’autorité est l’ennemie de la liberté, etc. Cf. Mercier, op. cit., p. 141.

Causes.

On peut distinguer deux sortes de

causes qui peuvent concourir à la genèse de l’erreur : l’une médiate et occasionnelle, dans la première phase de l’erreur, c’est-à-dire avant le jugement, et l’autre immédiate et formelle qui se rencontre dans le jugement lui-même.

Si nous considérons l’erreur dans son origine médiate, ou dans sa première phase, avant le jugement, où elle a son siège et sa forme propre, nous ne lui découvrons pas une cause essentielle, mais seulement une occasion accidentelle. C’est une tendance de noire esprit à former, à associer, ou à objectiver nos idées sous des influences troublantes. Il existe, en effet, dans l’esprit, ime tendance, ou une influence désordonnée, qui le prédispose à associer ou à objectiver nos idées dans des conditions vicieuses, c’est-à-dire dans des conditions où ces idées ne seront pas formées, associées ou objectivées selon la réalité même des choses représentées par ces idées. Notre intelligence obéit à cette tendance dès que les images dont les idées sont tirées, ou les souvenirs d’idées antérieures, atteignent un degré suffisant de vivacité. Or, cette vivacité dans les représentations sensibles ou intellectuelles, isolées ou associées, ne peut pas correspondre à la réalité des choses ainsi représentées. Car l’intuition, soit sensible, soit intellectuelle, des choses peut se faire sous des influences troublantes, aussi bien internes qu’externes, en raison du vice accidentel du milieu, ou du manque d’attention de nos facultés qui s’appliquent trop incomplètement à leur objet, en sorte que la première impression des choses, ou le travail de l’imagination qui en groupe les images, ou le travail de l’intelligence qui forme et en considère les idées, ne peut s’accomplir d’une façon normale. De là, un trouble qui retarde et entrave le jugement ; de là, une formation vicieuse de nos idées, premiers éléments de nos jugements ; de là, enfin, une première cause d’erreur. En outre, notre tendance spontanée à associer soit les images, soit les idées, comme elles se présentent en bloc, ou encore à les associer d’une manière qui réponde à nos passions ou à l’influence d’idées antérieures, peut amener des associations d’idées qui ne sont point conformes aux relations réelles des choses. Enfin, toute représentation vive, dans l’intelligence ou même dans l’imagination, tend par sa nature à s’objectiver ; si donc une telle tendance n’est pas corrigée ou arrêtée par une représentation d’idée ou d’image contraire, ou par un jugement de la raison, que l’on peut appeler « pouvoir ou acte d’inhibition » , il pourra en résulter

une foule de rejjrésentations erronées ; c’est ce qui explique l’hallucination, ou l’impression de réalité produite par nos rêves, alors que le pouvoir d’inliibition de la raison se trouve paralysé. Telle est la cause accidentelle, médiate et occasionnelle, de l’erreur. Ce n’est d’abord pas une cause essentielle, ni nécessitante, car, autrement, il faudrait reconnaître un désordre essentiel dans la nature humaine, qui doit, en cffet, .subordonner, comme des instruments, les facultés inférieures aux facultés supérieures, et il faudrait nier que l’intelligence soit, par sa nature et par son essence, ordonnée à la vérité, qui est son objet projjre. Ensidte, cette cause d’erreur est seulement médiate, car, nous l’avons dit, l’erreur ne se rencontre formellement que dans le jugement, et, seul, un acte du jugement peut en être la cause immédiate. Enfin, cette cause est simplement une cause occasionnelle, parce que « si cette tendance à former, à associer et à objectiver nos idées d’une manière parfois irrégulière, était pour le jugement une cause eflcctive ou absolument déterminante d’erreur, il faudrait admettre que l’erreur, autant que la vérité, serait l’objet propre de l’intelligence ; car l’acte propre de l’intelligence dans la poursuite de son objet propre est le jugement, et, dans l’hypothèse faite, ce jugement pourrait être absolument déterminé à prendre l’erreur pour la vérité. » Castelein, op. cit., p. 233.

La cause immédiate et formelle de l’erreur existe donc dans le jugement, car, seul, le jugement lui donne sa forme propre qui est la fausse interprétation d’une idée ou d’une sensation et le désaccord positif entre la pensée et son objet. Toutefois le jugement ne snurait être déterminé à l’erreur d’une manière nécessaire, c’est-à-dire par sa nature et par les conditions essentielles de son acte, car l’intelligence étant faite pour le vrai, son acte normal et régulier, qui est le jugement, doit la conduire au vrai. L’erreur ne peut donc être qu’accidentelle dans l’acte du jugement. Elle provient d’un mode vicieux qui afiecte l’exercice du jugement et qui n’est pas autre qu’une précipitation à interpréter les idées, ou les sensations, sans les avoir suffisamment contrôlées, dans leur origine et dans leurs divers éléments. Or, cette précipitation du jugement dérive d’une influence de la volonté. En effet, lorsque des idées, ou des sensations, se présentent à son regard, l’intelligence est excitée et inclinée à les juger, en vertu de cette loi que toute faculté tend à entrer en acte quand l’objet de son acte est présent. Or « cette excitation peut être in fluencée par la volonté, et cela de deux façons que bien des philosophes ne distinguent pas suffisamment. D’abord, par le pouvoir qu’exerce la volonté libre sur notre attention : elle peut diriger notre attention, l’accentuer, la prolonger, la détourner sur d’autres aspects ou d’autres idées, et ainsi elle prédispose notre intelligence à juger mal des idées imparfaitement considérées. Pascal a très bien mis en relief ce pouvoir direct de la liberté sur l’attention, et, par là, son pouvoir indirect sur nos jugements. Ensuite la volonté peut, dans l’ordre des idées qui lui présentent son bien réel ou apparent, stinuiler plus énergiquement l’intelligence dans son acte d’adhésion et rendre celui-ci plus intense et plus résolu. » Castelein, op. cit., p. 231. Ainsi donc la cause immédiate de l’erreur est le jugement volontairement précipité, ou, du moins, que la volonté a laissé se précipiter, alors qu’elle pouvait, à un certain moment, l’empêcher ou le corriger, par un acte d’inhibition, ou d’examen, de la raison réfléchie. Toutes les causes particulières qu’on assigne ordinairement à l’erreur n’influent vraiment que par l’intermédiaire de cette cause générale, à savoir, de cette précipitation volontaire du jugement. Telle est l’ignorance, qui, sans être l’erreur, est bien le champ où germe l’erreur, pré-