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ERIGÉNE


eus iniquitale propria c.vlrinsecus cumiilabitur pœna, c. XVI, XVII, XIX, col. 417, 426, 436-437. — c) Le retour en Dieu. — Dissolution des corps, résurrection, transfiguration du corps en csprii, de l’esprit dans les causes premières, des causes premières en Dieu, tels seront les degrés de l’ascension de l’homme et, en lui, de la création entière. Le Christ s’est revêtu de la nature humaine, parce qu’elle résume et renferme toute la création, et afin de rapporter à son Père la création sauvée et purillée. Ce n’est pas le monde, tel qu’il est aujourd’hui, qui revivra en Dieu ; celui-là disparaîtra. Tout ce qui a été fait dans le temps et dans l’espace doit périr. C’est ainsi que disparaîtra la distinction des sexes. Mais la substance des choses ne périra point. C’est dans ses causes que le monde subsiste ^éritablement ; les corps que nous voyons ne sont qu’une ombre de cette substance qui est dans les causes premières. Les substances sont demeurées dans les causes, et les causes dans le’Verbe ; c’est dans ces substances et dans ces causes que le monde ressuscitera, et, transfiguré, retournera à Dieu. De divisione nalarse, 1. V, c. vii-vni, xiv, xvii-xviii, xx, xxiii-XXV, col. 874-881, 885-887, 888-890, 892-897, 899-910. Faut-il en conclure que l’individualité humaine s’évanouira, confondue avec Dieu et absorbée en lui ? Non. L’air subsiste quand il devient tout lumineux ; le fer subsiste quand, plongé dans le feu, il semble de la flamme ; à s’élever aux formes supérieures les formes inférieures ne sont pas détruites, mais elles sont sauvées et elles ont plus de subsistance en devenant une même chose avec elles, 1. V, c. viii, col. 879. Des natures dilTérentes peuvent s’unir sans se confondre ; les facultés de notre âme, les lampes placées dans une église, les voix qui forment un chœur, produisent, sans se confondre, de l’unité, 1.’V, c. ix-xiii, col. 88188.5, et c. XX, col. 893-894 : universalis erealura ercatvri adunabitur, et erit in ipso et cum ipso unum. Et hic est finis omnium visibilium et invisibilium, quoniam omnia visibilia in inielligibilia, et intcllii/ihilia in ipsum Dcum iransibunt mirnbili et incffabili udunatione, non autem, ut sœpe diximus, esscntiurum aul substantiarum confusione ant inleritu. — /) La vie future. — L’humanité tout entière doit retourner en Dieu, onne conscquens erit nullam œtcrnam morleni miseriæ, nulliun impiorum pœnam remansurani ? se demande Ériugène, 1. V, c. xxvii, col. 921. Il répond qu’en effet le mal, que Dieu n’a pas fait, et le châtiment du mal seront abolis et effacés de la création, qu’il s’agisse du démon ou de l’homme coupable, 1. V, c. xxvii-xxviii, col. 921-935. S’il en est ainsi, fiu’est-ce que les supplices dont parle l’Écriture ? Pour le comprendre, il importe de se débarrasser des grossières idées du peuple : ni il n’y aura des châtiments matériels, ni un endroit, situé sous la terre, où ces tourments seront infligés. I^c supplice sera dans les consciences. L’humanité tout entière retournera dans son état primitif. C’est là le jiaradis. Tous réunis dans le jiaradis, les élus y seront en pensée, proches du Christ par l’amour, bienheureux, déifiés, sans pouvoir toutefois s’élever jusqu’à Dieu et devenir une même chose avec Dieu, car cela le Christ, tête de l’i'-glise, se l’est réservé, 1. V, c. xxv, col. 911, pendant que les réprouvés se sentiront loin de lui par leur |)cnséc mauvaise. Se rendre compte qu’ils sont loin du Christ, loin de Dieu, c’est le jugement. Demeurer loin de lui par la pensée et par la direction de ses actes, c’est l’enfer. Les descriptions d’un enfer matériel qu’on trouve dans les Pères ne sont que des manières de s’exprimer qui s’imposaient à eux, afin d’avoir prise sur des auditeurs charnels.l. V’, c.xxxvir, col. 080. Or, les supplices des impies n’empêcheront pas le retour de l’humanilc en Dieu. L’humanité tota in omnibus est et iota in sinrjulis ; comme le soleil traverse les souillures

sans y ternir sa lumière, elle n’est pas obscurcie par les ténèbres des pécheurs ; les fautes de l’individu ne l’entachent pas, et pareillement elle n’est pas atteinte par les peines infligées à ces fautes ; Dieu maintiendra dans la pureté la nature, qui est son œuvre et qui ne peut être un mal ; il laissera s’acconiplir la punition de la volonté déréglée du pécheur, c’est-à-dire de ce qui n’est rien, quoniam in numéro eorum quse a conditore omnium subsiitula sunt non sunt, 1. V, c. xxxi, col. 942, 948. En somme, le mal sera détruit dans la nature humaine, mais le souvenir du mal restera toujours, et, par là, le châtiment, dans la conscience des impies, 1. V, c. xxxi, col. 948. Il n’est donc pas exact de dire, comme on le fait parfois, qu’Ériugène supprime finalement l’éternité des peines. Sa pensée se développe du chapitre xxvii au chapitre xxxiii ; tel texte isolé pourrait laisser des doutes, mais l’ensemble des développements et la marche des idées ne permettent pas l’indécision : la nature, telle qu’il l’explique, écliappera au mal et à ses suites ; les méchants seront toujours punis. Tout cela est bien mystérieux ; al si, in liis omnibus, non solum humana, verum etiam angelica deficil ratio et intelliyentia, paticns esta, dii’imcque inrtuti ineomprchensibili locum da eain jne silentio honoriftca, 1. V, c. xxxiii, col. 950.

/II. APpnÉciATiox. — 1° L’hétérodoxie d’Ériugène.

— 1. Est-il hérétique, rationaliste ? — Le rationalisme de Scot est presque un des lieux communs de l’histoire de la philosophie. B. Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique, Paris, 1872, t. i, p. 153, 154, l’appelle t un très libre penseur…, dont le nom doit être inscrit le premier sur le martyrologe de la philosophie moderne, » et déclare, Xolices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque impèricde et cuitres bibliothèques, Paris, t. XX, 2 « partie, p. 18, que, " avant d’être chrétien, il est libre penseur, il est philosophe. » Ce jugement a fait loi ; il se trouve, sous des formes diverses, dans une foule de livres. On le base, quand on prend la peine de le motiver, sur les textes où Scot confond la philosophie et la religion et accorde à la raison le primat sur l’autorité. Que penser de cette manière de voir ? Remarquons, d’abord, que ni Scot ni personne au moyen âge n’a été, au sens strict du mot, l’apôtre de la libre-pensée ; et lui, et ceux qui ont spéculé le plus aventureusement, acceptaient la foi et entendaient lui rester fidèles, sauf à l’interpréter de façon inexacte. Cf. Gaume.Art Révolution, l. xui. Le rationalisme, Paris, 1857, p. 27 ; lvand, Johannes Scotlus, p. 23. A cela s’ajoute que les textes qu’on allègue ne prouvent pas qu’il ait été rationaliste. Sans doute il assimile la pliilosophie et la religion ; il ne songe pas à voir en elles deux disciplines hétérogènes et distinctes comme nous sommes habitués à les considérer. Mais Scot, s’il a insisté plus qu’aucun autre de ses contemporains sur cette conception pliilosophico-religieuse, ne l’a pas inventée ; « elle se présenle à nous comme une forme de pensée, héritée des âges précédents, et s’imposant même à leur i ; isu, dans toutes les manifestations de leur activité, aux esprits de ce temps : là où elle n’est pas clairement exprimée et facilement saisissable…, elle se retrouve toujours à l’état diffus, pour ainsi dire, G. Brunhes, Lrt foi chrétienne et la philosophie au temps de la renaissance carolingienne, ]).57. Cf. toute la IF partie de cet ouvrage, ]). 49-100, et. pour la période postérieure, G. Robert, Les écoles et l’enseignement de la théologie pendant la première moitié du xii’siècle, Paris, 1909, p. 182-185. La confusion était fâcheuse, clic eut des résultats regrettables, elle en eut tout particulièrement dans l’œuvre de.lean Scot ; mais il est impossible de la taxer de rationalisme au sens courant de ce terme. De même qu’il no distingue point entre l’objet de la philosojjhie et celui do la foi, il ne distingue pas non plus « entre le travail de la raison