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ÉRASME


Mccxcix. C’est à Bâle pourtant qu’il mourut, dans la nuit du Il au 12 juillet 1536, patient dans la souffrance et résigné à la volonté de Dieu : « Seigneur, ayez pitié de moi !. avait-il dit en rendant l’âme. Mais l’implacable Luther ne voudra pas croire à la sincérité de ses dernières paroles ; cet épicurien, cet antichrétien n’avait pu, selon lui, mourir en invoquant le Christ. Érasme avait-il appelé un prêtre catholique à son chevet ? On l’ignore ; on ne sait pas non plus au juste pourquoi il n’a pas reçu les sacrements de l’Église. On l’enterra, au milieu d’une affluence de luthériens, à la cathédrale de Bâle, dans l’ancienne chapelle de la Sainte-Vierge, et une inscription latine y rappelle encore en termes pompeux les services rendus par Érasme aux bellestettres et à la théologie.

II. Œuvres. — La Biblioihcca Erasmiana, Gand, 1893, ce répertoire modèle des productions d’Érasme, les partage en deux séries : d’un côté, les éditions, les traductions et les paraphrases publiées par l’érudit flamand ; de l’autre, ses lettres et les ouvrages littéraires qu’il a écrits, dans sa laborieuse carrière, sur les sujets les plus variés, pédagogie et rhétorique, morale et piété, politique courante et polémique religieuse.

1° Indépendamment des éditions et des versions, soit complètes, soit partielles, d’auteurs païens, par où l’antiquité classique se révélait aux esprits con-_ temporains étonnés et charmés, la première série comprend les éditions de nombre de saints Pères et de quelques vieux écrivains ecclésiastiques. Citons, entre autres, l’édition de saint Jérôme, pour lequel Érasme a toujours eu un véritable culte, 9 in-fol., 1516-1520, celle de saint Hilaire, Bâle, 1523-1535, celle aussi d’Algerus de Liège, qui, dans son traité de l’eucharistie, garantissait l’orthodoxie de la foi de son éditeur sur la transsubstantiation, et celle enfin du commentaire sur les Psaumes d’Haymon de Halberstadt. Ces éditions patristiques étaient accueillies du public d’alors avec une grande faveur. Il faut pourtant reconnaître que, sauf en ce qui concerne le ne Trinilale de saint Hilaire, l’éditeur n’a guère pris la peine de consulter les manuscrits, et qu’en tout cas, il en a très peu profité pour établir son texte.

Les travaux scripturaircs d’Érasme, qui, aussi bien, se distingue des autres humanistes par son zèle de l’exégèse sacrée, publiés et dédiés successivement aux papes Léon X et Clément VII, à l’empereur Charles-Quint, aux rois et aux grands personnages du temps, parurent ensemble à Bâle, chez le libraire Froben, de 1523 à 1525. Érasme a traduit et annoté tous les livres du Nouveau Testament ; il les a commentés presque tous, hormis l’Apocalypse. L’édition érasmicnne du Nouveau Testament contient, en face du texte grec primitif, une traduction latine, écrite avec un soin particulier, et des paraphrases qui vont à éclaircir les difficultés du texte originaire. L’ouvrage, en accroissant la renommée d’Érasme, n’a pas laissé de donner prise à la critique. On a reproche à l’éditeur, quoiqu’il s’en soit énergiquement défendu dans sa dédicace au pape Léon X, de n’avoir étudié pour l’établissement du texte, ni assez de manuscrits, ni des manuscrits assez anciens ; on a critiqué pareillement le vernis par trop classique de la version latine, qui détonne dans son élégance avec la rude simplicité de la Vulgale, et enfin les taches dont l’œuvre est parsemée. Du vivant d’Érasme, la traduction latine a eu cinq éditions. Il est à regretter que le succès du texte grec érasmien, sur lequel s’appuient les éditions postérieures de Robert Estienne et d’Elzevir, ait dépassé de beaucoup celui de la polyglotte d’Alcala. Cf. K. Reuss,

Biblioihcca Novi Testamenti græci, Brunswig, 1872, p. 27-44 ; S. Berger, La Bible an xvie siècle, Paris, 1879, p. 4-69 ; E. Mangenot, Les erreurs de mémoire fies évangélisies d’après Érasme, dans La science catholique, 1893, t. vii, p. 193-220 ; A. Bludau, Die beiden ersten Erasmus-ausgaben des Neuen Testaments und ihre Gegner, dans Biblische Siudien, Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. vii, fasc. 5.

2° Des ouvrages littéraires d’Érasme se détache sur le premier plan, avec les Colloquia familiaria, 1518, l"EYxw(Xiov Mtùpia. ;, seu laus slullitix, 1509 : satire amère et outrée, comme Érasme le reconnaîtra plus tard, du monachisme, des désordres du clergé, de la corruption générale. L’œuvre qu’on a pu regarder comme le prologue de la grande tragédie théologique du xvi<e siècle, Janssen, op. cit., trad. franc., t. ii, p. 15, était d’une hardiesse inouïe. Elle n’avait pas été destinée primitivement à la publicité ; les divers morceaux n’en avaient d’abord pour but que de distraire et d’égayer le chancelier Morus dans une maladie. La première édition de l’Eloge de la folie parut à 1800 exemplaires, chiffre énorme pour le temps, et, moins d’un mois après la mise en vente, il n’en restait plus que soixante en librairie. Mais le commentaire dont Gérard Listrius, en 1515, accompagnera la nouvelle édition du livre, sous l’inspiration et peut-être avec le concours d’Érasme qui lui prêta sa plume, soulèvera d’ardentes et légitimes réclamations. Les théologiens de Louvain, en 1515, crieront au scandale, et la Sorbonnc, six ans après la mort d’Érasme, censurera son pamphlet. J’ai déjà cité le traité fameux De libéra arbiirio et Vllyperaspistes, en deux parties, la première de mars 1525, la deuxième de septembre 1527.

Érasme a publié, en outre, de très nombreux ouvrages, soit d’enseignement, soit d’éducation, soit de théologie et de piété. Je citerai notamment ses Adagia, recueil de proverbes grecs et latins qui ira grossissant, Paris, 1500 ; son Enchiridion, 1504, où il se plaît à relever l’utilité des lettres pour la formation du chrétien et du théologien ; son livre De ratione sladii et institucndi piieros, 1512, où il s’élève énergiquement contre les corrections manuelles ; son Instilutio principis christicmi, qui était l’acquittement d’une dette de reconnaissance envers le futur Charles-Quint, Louvain, 1515 ; sa Ratio perveniendi ad veram theologiam, manifeste théologique dans lequel Érasme déclare une guerre à mort aux recher ches oiseuses et aux procédés de l’École, 1518 ; son Ciceroni anus scn de optimo dicendi génère, protestation, au nom du bon sens comme de la foi, contre la manie de n’employer aucun mot qui ne s’autorise de Cicéron, et ensemble adjuration de ne parler des choses chrétiennes que dans la langue du christianisme, Bâle, 1530 ; son traité De sarcienda Ecclesiæ concordio, où il n’attend que d’un concile général le retour de la paix religieuse, 1533 ; son Ecclesiasles sive concionalor evangelicus, cours d’éloquen" ? sacrée, qui parut â Bâle, en 1535, et dont la première édition, tirée à 2600 exemplaires, fut presque aussitôt épuisée que publiée.

Il nous reste encore d’Érasme plus de 2200 lettres, toutes en latin naturellement, et qui sont d’un très haut intérêt pour l’histoire littéraire et religieuse de l’époque. A côté des lettres de pure politesse et des lettres envoyées périodiquement par Érasme à ses amis, la plupart des lettres du grand humaniste roulent sur les affaires, sur les progrès de la Réforme, sur les livres de ses docteurs, ou formulent des jugements sur quelques hommes émincnts, ou retracent (les biographies de morts illustres. La correspondance érasmiennc a été souvent publiée â part. On remarque, entre autres éditions, celle de Nichols