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ENCRATITES

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à se inainlenir et mC’me à s’organiser en communautés, ce ne fut pas faute d’avoir été combattus, car ils le furent par la parole et par la plume, à Lyon, à Rome, à Alexandrie et ailleurs, dès leur apparition et tant qu’ils furent regardés comme un danger soit pour l'Église, soit pour l'État, dès que l'État fut devenu chrétien et eut adopté une politique chrétienne.

III. Opposition a l’encratis : ie hérétique. — 1° Ceux qui le comballenl.

L'Église veillait à l’intégrité de la foi et à la pureté des pratiques religieuses ;

aussi dés qu’une secte menaçait l’une ou l’autre, la dénonçait-elle comme une nouveauté dangereuse et condamnable. Nous ignorons, faute de documents, les mesures prises dès la fin du ii<e siècle et pendant le iii<^ ; nous savons du moins que Tatien, mal vu de l’Eglise romaine, dut aller en Orient répandre sa funeste doctrine. Les hércsiologues contemporains, témoins des origines et des premières évolutions de la secte, l’inscrivent au catalogue des hérésies : tels, saint Irénée, Conl. hxr., i, 28, P. G., t. vii, col. 690-691 ; le pseudoTertuUien, De /jra'.sr/// ; /., .52, P. L., t. ii, col. 72 : l’auteur des Philosophninwna, édit. Gruic :, Paris, 1860, p. 421. Les deux grands maitres du Didascalée d’Alexandrie, Clément et Origènc, la combattent dans leurs leçons. Nous savons par Eusèbe de Césarée, H. E., iv, 28, P. G., t. XX, col. 400, qu’un certain Musanus écrivit à quelques-uns de ses frères passés à la secte toute récente des encratites, dont le clief était Tatien, pour les en détourner ; et Théodoret nous apprend qu’un autre écrivain de la même époque, Apollinaire, combattit les sévériens, Ilivrct. fiih., i. 21, P. G., t. Lxxxiii, col. 372 ; c’est vraisemblablement l'évêque d’Hiérapolis en Phrygie, dont Eusèbe nous dit qu’il écrivit contre les prophètes monlanistes. H. E., V, 19, P. G., t. XX, col. 481. Et si l’on jiouvait en croire l’auteur du Prirdestinalux, qui place les sévériens avant les tatianistes, un certain Eu|)In-anon, évoque de Rhodes, aurait réfuté les sévériens, tandis qu’un Épiphane, évêque d'. cyre en Galatie, aurait combattu les tatianistes. Prædestiiuitus, 21, 25, P. L., t. un, col. 595.

2° Mesures canoniques ri législatives dont ils ont été l’objet. — - Qualifiés d’hérétiqucs, les encratites, quand ils voulaient se convertir, furent, de la part de l'Église, l’objet de certaines mesures disciplinaires, dont la première était évidemment la renonciation à leurs erreurs. Mais il en est une qui donna lieu à de vifs débats au milieu du m'e siècle, celle de savoir ce que valait leur baptême, s’il fallait le considérer connne de nulle valeur, et par suite s’il ne convenait pas avant tout de leur conférer le baptême ratholique. Si la question de la nullité de leur baptême avait été tranchée partout d’une manière uniforme, la querelle des rebaptisants n’aurait certainement pas éclaté. Voir t. ii, col. 219-2.33. Mais elle éclata, Irancliéc dans un sens par saint Cyprien de (^arthage et par saint Eirmilien de Césarée en Cappadoc, tranchée dans un sens contraire par le pape Etienne et le plus grand nombre des évêques. Et l’uniformllé était encore loin d'être acquise, à la fin du iV siècle, puiscpie saint Rasile, successeur lointain de saint I-"lrniilien sur le siège de (Césarée, constate des divergences. Il ra|)pelle, quant à lui, quc saint Cyprien et saint Firniilien n’admettaient les encratites, les cathares et les hydroparaslates qu’en leur conférant le baptême catholique, et il estime qu’on doit agir ainsi, malgré certaines coutumes contraires, bien c|u’on ait admis dans les rangs du clergé deux de leurs évoques. Episl., clxxxviii, can. 1, P. G., t. xxxii, col. 660. i : t si telle est sa décision, c’est que l’hérésie des encratites, issue du marcionismc, abhorre le mariage et le viii, sous le prétexte erroné que la créature de Dieu est souillée, et se vante.'i tort de haptisir au nom du l'ère, du 1-ils et du Saint-i : spril, puiscpie, à

l’exemple de Marcion, elle regarde Dieu comme l’auteur du mal. Toutefois, parce qu’il n’est pas absolu et intransigeant dans sa manière de voir, s’il n’admet qu’en les rebaptisant les encratites, les saccophores et les apotactiques, il sait qu’un usage contraire existe ailleurs qu'à Césarée, et il fait remarquer à Amphilochius qu’il serait bon de réunir les évêques à ce sujet pour en délibérer comme il convient. Episl., cxcix, can. 47, P. G., t. xxxii, col. 732.

Mais, d’autre part, certaines pratiques, soupçonnées d’encratisme hétérodoxe, s'étaient glissées dans la vie de quelques chrétiens, et notamment chez des membres du clergé. De là des précautions prises et des canons formulés contre ces usages suspects d’hérésie. C’est ainsi qu’en 314, le concile d’Ancyre permet bien aux prêtres et aux diacres de s’abstenir de viande, mais à la condition d’en goûter tout d’abord. Si, la dédaignant et se refusant même à manger des légumes cidts avec de la viande, ils n’obéissent pas au présent règlement, ils doivent être exclus des rangs du clergé. Can. 14, Lauchert, Dic Kanones der ii’ichligsten allkirchlichen Concilicn, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 32. Une telle mesure paraîtrait excessive, s’il s’agissait simplement d’une abstinence raisonnable et parfaitement conforme aux principes ascétiques de la mortification chrétienne ; mais la sévérité s’explique, parce que le canon du concile d’Ancyre vise un faux ascétisme, d’inspiration gnostique ou manichéenne, comme celui des encratites ; ce motif n’est pas allégué, mais il est sous -entendu. Il est en tout cas assez clairement indiqué dans les Canons apostoliques. Le canon 51"= (50) parle, en effet, des clercs, évêques, prêtres ou diacres, cjui s’abstiennent du mariage, de la viande et du viii, non pour un motif légitime d’ascétisme bien compris, mais par infamie, [iSsX’jpîav, c’est-à-dire parce qu’ils oublient que tout ce que Dieu a fait est bon, qu’il a créé l’honune mâle et femelle, et parce qu’ils blasphèment l’dHivre du démiurge. Can. apost., can. 51 (50) ; Lauchert, op. cit., p. 8. On reconnaît là sans peine l’erreur particulière des encratites. Aussi le canon 53'^ (52) frappe-t-il l'évêque, prêtre ou diacre, qui, les jours de fête, refuserait de manger de la viande et de boire du viii, non pour un motif ascétique parfaitement respectable, mais par un dégoût qui n’est autre que la [iSsÀ-joi’a. citée plus haut, [iSeXuT’jôii.Evoî xa’i oC 81' auy.riiTiv. Lauchert, op. cit., p. 8. Un tel clerc, est-il dit, /.aOaipEto-Oo) wç xexa-jTïipiaffj.lvo ; tV' {ôiav <yjV£ ; 'Sr, 'ji-/, y.ai a.ÏT : oi TxavSâXou TtoXÀoîç ytvdixevo ;  ; il est frappé pour deux motifs : d’abord, parce que, selon le mot de saint Paul à Timotlue, I Tim., iv, 2, il a la marque de la flétrissure dans sa propre conscience ; ensuite, parce qu’il est une cause de scandale pour plusieurs.

♦De son côté, l’i’Mat, quand il devint favorable au christianisme, s’appliqua à combattre l’hérésie dans un but de paix religieuse et sociale. Constantin, peu après le concile de Nicée. s’inspirant de cette idée, fit une constitution contre les héréticiues. Il oid)lia, il est vrai, d’y comprendre les ariens, parce qu’il était alors sous l’influence des deux Eusèbe, et particulièrement sous celle de révêque de Nicomédie, mais il cite nommément les valentiniens, les marcionites et les cataphryges, avec lesquels les encratites avaient des principes connnuns, et leur interdit de tenir <les réunions ou des conventicules. lùisèbe, Vila Conslantini, iii, 64, 65, /'. G., t. XX. col. 1140, 1141. He.iucoup idus tard, à la fin du ive siècle, en 381 et 383, Théodosc le Grand ne se contenta pas de condanmer les manichéens en général, il entendit frappertous ceux qui, sous divers noms, professalent plusieurs erreurs du manichéisme, et notamment les encratites, les apo tactiques, les liydro)iarastates et les saccophores, qui n'étaient à vrai dire que des sectaires intolérables.