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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


La confirmation, voilà le mot Cqui définirait le mieux le propre de l’opérati()n du Saint-Esprit dans le cas présent, comme c’est aussi le terme consacré pour désigner le sacrement, le sceau de la validation imprimé au clirétien déjà baptisé. En nous rappelant le sens f ;  ; énéral de l’intervention du Saint-Esprit dans l’économie clirétienne, ces analogies nous aident à pénétrer le caractère très effectif de ce qui lui est attribué dans l’épiclèse.

Au fait, il y a dans le vocubulaire gallican une expression singulièrement profonde pour désigner la période du canon qui nous occupe, et cette expression rentre littéralement dans l’ordre d’idées exposé présentement. Ce terme est celui de confirmatio sacramenti. Cagin, loc. cit.

Je dois faire remarquer cependant que la leçon conformatio sacramenti paraît bien être la leçon primitive des textes auxquels il est fait ici allusion, celle, par exemple, de saint Isidore de Scville, De eccl. officiis. 1. I, c. XV, P. L., t. Lxxxiit, col. 752 : Porro sexla (oratio) exhinc siiccedil cosformatio sacramesti, ut oblatio quæ Deo offertur, sanctificata per Spiritum Sancium, Christi corpori ac sanguin i coxformetur.

Cette remarque faite, poursuivons l’exposé de l’interprétation de dom Cagin. « Or, continue-t-il, en quoi consiste, à quels objets s’applique, définitivement, cette action sanctificatrice particulière, cette confirmatio sacramenti ? C’est ce que nous apprend avec un ensemble remarquable l’analyse des épiclèses de toutes les liturgies. Il y a là un fait extrêmement intéressant. Certainement, nous ne voyons pas de moment de la messe, après le récit do la cène, où les intentions eucologiques soient moins abandonnées à l’arbitraire et partant plus identiques dans toutes les liturgies. Il suffit de les lire pour constater que toutes se meuvent, avec plus ou moins de concision, dans les lignes que nous allons relever. Toutes les formules, à la vérité, ne contiennent pas chacun des traits qui forment le tlième commun, ni chacun de ceux qu’elles conservent, d’une façon également explicite. Mais toutes en expriment ou en développent toujours tantôt l’un, tantôt l’autre, souvent plusieurs et même tous à la fois. » Ibid.

Et dom Cagin énumère ici les trois idées contenues dans les formules d’épiclèse ou soudées en quelque sorte avec elles : à) l’anamnèse (Unde et memores) ; b) l’oblation (Offerimus majestati laie de tuis donis ac datis hostiam puram, hostiam sanctam… ; c)la demande d’acceptation du sacrifice avec la signification symbolique de cette acceptation. Ce troisième membre, au dire du savant bénédictin, répond à la confirmatio sacriflcii. La préoccupation plus spéciale d’adapter le sacrifice à la communion et la pensée des effets sacramentels, généralement mentionnées, formeraient la confirmatio sacramenti proprement dite. La première serait surtout mise en relief dans les liturgies latines ; la seconde, dans les liturgies orientales. De ces dernières dom Cagin va jusqu’à dire : « C’est à peine si l’on peut croire qu’elles songent à la confirmatio sacrificii, préoccupées qu’elles semblent être exclusivement d’obtenir la con/îrmo//o sacramenti corrélative à l’effet sacramentel. » Ibid.

J’ai noté ailleurs ce qu’il y a de subtil dans de telles distinctions et que, si l’on tient au nom de confirmatio sacriflcii ou sacramenti, l’une et l’autre idée se retrouvent aussi bien dans les liturgies orientales que dans les sacramentaires latins. Voir mon article : Formules orientales analogues aux oraisons « Supra quæ et Supplices te » du canon romain, dans la Revue augustinienne, mars 1909, p. 303-318. J’ajouterai que, à s’en tenir aux propositions de dom Cagin, les textes, entre autres celui de saint Isidore de Séville, sont loin de devenir plus clairs, puisque l’appellation

bien précise confirmatio sacramenti signalée là pour les documents occidentaux ne répondrait pas à la réalité, mais conviendrait plutôt aux liturgies orientales. Aussi bien, la meilleure explication, et la plus naturelle, nous semble-t-il. de cette appellation et de ces textes, c’est la petite phrase du saint docteur csjjagnol où nous venons de lire.-co.v/’Ofl.v^ï/o SACRA.vEyrr ut oblatio… Christi corpori coxformetur. L’cxprassion très claire et très précise de saint Isidore de Séville nous oblige à adresser à l’interprétation de dom Cagin la même critique fondamentale qu’à celle de Bougeant. La confirmatio sacrificii ou sacramenti, quelle que soit la haute portée liturgique et théologique prêtée à ces termes, ne saurait jamais être qu’une explication partielle de l’épiclèse, et nullement son explication totale. Notons, du reste, que plusieurs auteurs anciens avaient donné une forme analogue à leur interprétation. Ainsi Juvenin, Commentarius historiens et dogmaticus de sacramentis, 2^ édit., Paris, 170.5, p. 157165, dit qu’il voit dans l’épiclèse, avec Arcudius, stabilitatem et confirmationcm rei quæ jam peracta supponitur.

Quelques années avant dom Cagin, le P. E. Bouvy présentait une interprétation analogue sous une forme un peu différente et basée, elle aussi, non sans ingéniosité et pénétration, sur les textes liturgiques. Dans un rapport présenté au Congrès eucharistique de Reims, en 1894, le savant assomptioniste montrait comment, à son avis, les conceptions théologiques de l’Orient expliquent l’origine de l’épiclèse en même temps que sa survivance dans la liturgie. « Le génie latin a toujours recherché, même dans les choses divines, la netteté et la précision des formules. Dans la théologie sacramentaire, il a distingué la matière et la forme ; et pour l’eucharistie il a dit : le pain et le viii, voilà la matière ; les paroles de l’institution, voilà la forme. Aussitôt que cette forme a été appliquée à la matière, le mystère est consommé. Le pain et le vin sont changés instantanément au corps et ausang du Christ, et il n’en reste que les espèces ou accidents. Matière, forme, transsubstantiation, permanence des accidents, instantanéité du prodige : voilà les conceptions dominantes de la théologie latine. Les Grecs ont pu quelquefois se servir de ces mots, surtout du mot transsubstantiation, ou de ses équivalents, qui sont comme les mots nécessaires du dogme. Pour saint Jean Chrysostome, comme pour saint Tliomas d’Aquin, les paroles de l’institution, paroles du Christ lui-même, sont seules capables de réaliser l’ineffable miracle. Mais en général, les théologiens orientaux ont considéré le mystère du sacrement sous un autre aspect. La théorie de la matière et de la forme ne les préoccupe pas ; le mode de présence du Christ et toutes les difficultés d’ordre métaphysique, qui ont tant exercé le génie de nos théologiens, n’ont guère attiré leur attention. Surtout, ils ne paraissent pas avoir jamais insisté sur l’instantanéité du changement de substance. » Nous ferions ici quelques réserves, si elles ne se dégageaient déjà de l’examen que nous avons présenté de la tradition ecclésiastique et des témoignages que nous en avons cités. En tenant compte de ce correctif, nous continuons à transcrire l’exposé du P. Bouvy : « Ils (les théologiens orientaux) ont pris le drame liturgique dans son ensemble, ils ont fait ressortir la suite harmonieuse et progressive des rites sacrés, tous importants et solennels, depuis la doxologie et le commencement de l’anaphore jusqu’à la communion. Il nous semble même, après une étude attentive des textes, qu’ils distinguent, dans la présence substantielle du Christ sur l’autel, deux phases successives. La vie eucharistique du Sauveur, selon l’analogie de sa vie mortelle, subit une mystérieuse croissance. Après l’anamnèse (l’auteur veut désigner ici par ce nom le