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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE

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lU’cs nprôs, 1’.- P. Boiigoant, S.. !., publie sa RéjuUilion de la disacrldlion du l’. Le Brun sur la fur/ne de la consécralion, Paris, 1727. ]1 y défend le senliment commun, que la forme de l’cucliaristie consiste dans les seules paroles de Jésus-Christ. Le Brun réplique par la Défense de l’ancien sentiment sur la forme de la consécratiuii de l’eucharistie, Paris, 1727 : il essaie d’y montrer, par la tradition patristiquc et surtout par les liturgies, que l’invocation du Saint-Esprit est également nécessaire pour l’accomplissement de la transsubstantiation.

La Sorbonne en corps, ainsi que les journalistes de Trévoux, prirent jiart à la controverse. Mémoires de Trévoux, 1728, p. 564-572. La lettre (de Le Brun) qui découvre l’illusion des journalistes de Trévoux, etc., du 29 mars 1728, fut imprimée alors, mais supprimée ensuite par l’auteur, sur le conseil de Tournély. Voir manuscrits de la bibliothèque Mazarine, n. 2146, p. 236-248, Dénonciation de la réplique du P. Le Brun.

La même année, paraissait un ouvrage du P. Hongnant, S. J., Apologie des anciens docteurs de la faculté de Paris, Claudes de Saintes et Nicolas Isambert, contre une lettre du P. Le Brun, Paris, 1728. Le savant oratorien mourut, le 6 janvier 1729, avant d’avoir pu publier le nouveau volume qu’il avait entrepris sur cette question. La même année, le P. Bougeant donna un second volume, dont le titre indique bien le plan général : Traité théologique sur la forme de la consécrcdion de l’eucharistie, divisé en 2 parties : où l’on démontre, peul’unanimité des écoles, par la tradition de l’Église latine et grecque, par la définition de plusieurs conciles et par la pratique de l’Église universelle, la nonvecnUé du sentiment des Grecs modernes et du P. Le Brun, et où l’on éclaircil par de nouvelles recherches la décision du concile de Florence et le vrai sens des lilurgies orientales, Lyon et Paris, 1729. Cf. Mémoires de Trévoux, 1721, p. 1447-1467, 16441668 ; Journcd des savants, janvier 1730, p. 35 sq.

Dans l’intervalle, l’anglican Grabe avait fait paraître son traité : De forma consecrationis eueharisticœ… A Defence of the grcek Chureh against the Roman in the article of the consécration of the eucharisticcd cléments, Londres, 1721. Cf. dom Cabrol, Le ccmon romain et la messe, dans la Revue des sciences philosophiques et Ihéologiques, 1909, t. iii, p. 511.

La discussion continua encore après la mort de Le Brun, comme en témoignent les ouvrages suivants : Breyer, Nouvelle dissertation sur les paroles de la consécration de la sainte eucharistie, Troyes, 1730, 1733 ; Orsi, O. P., Dissertedio Iheologica de invocaiione Spiritus Sancli in litnrgiis Grœcorum et Orientalium, Milan, 1731 ; Petrus Bencdictus, Antirrheticon alterum adversus Le Brunum et Renaudolium, dans Opéra S. Ephrsem sijr.-lat., Rome, 1740, t. ii.

Dès avant que Touttce, Renaudot et Le Brun eussent fait connaître leur pensée sur ce sujet, deux dominicains Combefis († 1679) et Le Quien († 1733) avaient énoncé une opinion analogue. On peut la voir exprimée dans les notes de Le Quien au De fide orthodoxa, 1. IV, c. XIII, de saint.Jean Damascéne, P. G., t. xciv, col. 1140 sq. On sait que l’édition des Opéra Damasceni est de 1711. Ces deux critiques, tout en reconnaissant comme forme les paroles de Jésus-Christ, attribuent à l’épiclèse et, en général, aux prières du canon, une sorte de nécessité liturgique. Telle est aussi à peu près la conclusion de Hoppe, op. cit., Schnffhouse, 1864, p. 316 sq.

De nos jours, Schell est allé plus loin : il n’a pas craint d’avancer qu’il y avait deux formes également valables pour le sacrement de l’eucharistie. Dans la liturgie latine, la forme est constituée par les paroles de l’institution ; dans les liturgies orientales, par l’épi clèse. Katliolische Z>oj/mo/(7f, ’Paderborn, 1893, t. iir, p. 539 sq. On sait f(ue la Dogmatique de Schcll a été mise à’Index.

Tout récemment, enlin, un autre théologien catholique, Rauschen, professeur à l’université de Bonn, a émis l’opinion suivante : dans les liturgies orientales, ou bien l’épiclèse doit disparaître, ou bien il faut dire que la consécration n’est aclicvée qu’après l’épiclèse. Rauschen, op. cit., 2e édit., Fribourg-en-Brisgau,

1910, p. 126 ; trad. franc., par Declcer et Ricard, p. 124. Mais cette opinion est inacceptable : ou bien, d’une part, elle condamne un fait liturgique authentiquement attesté et auquel Rome a plusieurs fois interdit de rien modifier, voir Collectio lacensis, t. ii, col. 196-197 ; ou bien, d’autre part, elle se heurte à l’idée de l’instantanéité de la transsubstantiation que nous avons établie au début de cet article, et aux enseignements formulés par les papes et les conciles. Sur ces deux questions, bien d’stinctes, de l’usage liturgique autorisé de l’épiclèse, et de l’interprétation à lui donner conformément à la doctrine catholique sur la forme de l’eucharistie, voir Orsi, op. cit. y p. 155 sq. ; Le Brun, op. cit., p. 212 sq., 267-268, 281285. L’épiclèse liturgique orientale pouvant donc res j ter intacte, l’opinion de Rauschen revient dès lors à celle de Renaudot, Touttée et Le Brun.

On peut en dire autant du sentiment exprimé par le prince Max de Saxe, dans son article : Pensées sur la question de l’union des Églises, dans Romae l’Oriente, n. 1, novembre 1910, p. 23, 26. « Puisque, dans l’Église orientale, et d’après ses intentions, l’épiclèse, qui suit les paroles de Notre-Seigneur, est la partie principale de la consécration et sa fin, il s’ensuit qu’en Orient les paroles produisent leur effet par l’épiclèse et que Notre-Scigneur est seulement présent lorsque l’épiclèse est terminée. » Ajoutons que Pie X, en condamnant l’article signalé, a spécialement censuré ce passage. Voir la Lettre pontificale aux délégués apostoliques en Orient, dans les Échos d’Orient, janvier

1911, t. XIV, p. 7. Voir plus haut, col. 200. Conclusion à tirer de l’étude de la tradition ecclésiastique. — Que conclure de l’examen méthodique que nous venons d’entreprendre ? La conclusion qui s’impose, c’est que la tradition ecclésiastique est, dans son ensemble, nettement favorable à la doctrine catholique de la consécration par les paroles du Sauveur, tout en attestant l’existence de prières ou invocations eucharistiques, notamment de l’épiclèse, et la croyance àla vertu transsubstantiatrice du Saint-Esprit. L’association, dans les œuvres des grands docteurs orientaux et dans toute la tradition occidentale, du sacerdoce du Chriît et de l’efficacité de ses paroles, avec l’opération eucharistique du Saint-Esprit exprimée par l’épiclèse, démontre la possibilité et le fait d’une conciliation de données qui semblent à première vue contradictoires.

Il serait aisé, d’ailleurs, de recueillir dans les liturgies elles-mêmes, maints éléments postulant et suggérant cette conciliation. Voir Hoppe, op. cit., p. 239 sq. On y trouve, par exemple, un grand nombre d’allusions à ce fait que les paroles de Jésus-Christ ne sont pas un simple récit, mais doivent être dites in personu Christi, et à la croyance de l’efficacité consécratoire de ces paroles. L’existence de formules d’cpiclèse, parfois très explicites, au moment de l’oflertoire ou même pendant la préparation de la messe, voire aussi après l’épiclèse proprement dite, l’existence de ce que Hoppe appelle les épiclèses d’oblation et de fraction, à côté des épiclèses de consécration, diminue de beaucoup la difficulté soulevée au premier abord par ces dernières. Hoppe, op. cit., p. 170, n. 408, p. 267 sq., 291 ; Orsi. op. cit., p. 102 sq., . 118 sq. Enfin, la dispaiition ou l’atténuation de l’épi-