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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


dépit de l’apparente précision de certaines formules, ne laisse pas de présenter dans l’ensemble maints éléments contradictoires. C’est ainsi que l’on n’aurait pas de peine à découvrir dans les pages de ces deux auteurs byzantins tous les principes théologiques qui doivent logiquement amener un esprit droit à la conclusion catliolique.

Cabasilas, par exemple, affirme clairement que c’est le Christ, en la personne du prêtre, qui offre le sacrifice, col. 428 ; cf. col. 4(59, même idée avec allusion aux paroles de l’institution ; et surtout col. 477, où il est piquant de trouver sous la pluiue de ce polémiste antilatin des expressions et un raisonucm nt allant directement à prouver la thèse catholique. Voici ce passage qui réfute péremptoirement Cabasilas par Cabasilas lui-même. On ne saurait mieux préciser la distinction entre les prières dites par le prêtre en son propre nom et les paroles prononcées au nom du Christ qu’il représente. < Quoique ce soit lui (le Christ) qui accomplit l’action sacrée, n’allons pas pour autant lui attribuer tout ce qui s’y fait ou s’y dit. L’acte même du sacrifice et son effet, c’est-à-dire la consécration des éléments et la sanctification des fidèles, c’est lui seul qui l’opère. Mais les prières, invocations, supplications qui encadrent ces clioses essentielles, sont le fait du prêtre. Là c’est l’œuvre du Seigneur ; ici celle d’un serviteur. Celui-ci prie, celui-là réalise les prières. C’est le Sauveur qui donne, le prêtre se contente de rendre grâces pour les dons accordés. Le prêtre présente les offrandes, le Seigneur les reçoit, l^e Seigneur, il est vrai, offre lui aussi, mais il s’offre lui-même au Père et il offre ces oblations quand elles sont devenues lui-même, quand elles ont été transformées en son corps et en son sang, c. xlix, col. 477, cf. col. 48L

Les théologiens catholiques ne raisonnent pas autrement, nous l’avons vii, pour montrer le bien fondé de la doctrine traditionnelle sur li forme de l’eucharistie. Jésus-Christ, disent-ils, est le prêtre en même temps que la victime du sacrifice eucharistique. La consécration des espèces étant évidemment de l’essence du sacrifice, c’est donc Jésus-Clirist qui doit l’opérer par le ministère du prêtre humain par lant en son nom. Or, parmi les prières qui constituent la messe, seules les paroles de l’institution peuvent être prononcées in persona Christi. Les autres prières, dans lesquelles est comprise l’épiclèse, sont dites par le prêtre en son propre nom et au nom de l’Église qu’il représente, mais non pas directement au nom de.Jésus-Christ. C’est donc par les paroles de l’institution prononcées par le prêtre revêlant la personnalité de Jésus-Christ, et non point par l’épiclèse, que s’opère la consécration. Inconséquent avec ses principes, Cabasilas n’en déclare pas moins de nouveau, quelques pages plus loin, que la transsubstantiation et le sacrifice s’accomplissent au moment de l’épiclèse, c. lt, col. 485.

De même Siinéon de Tliessaloniquc, dans un des passages où il expose de la manière la plus explicite sa théorie de l’épiclèse, nous fournit cette excellente formule ((ui pourrait servir de résumé à toute la doc trine caliiolitiue sur cette question : Ce n’est pas l’homme qui agit, mais c’est le Ciirist dans le Saint-Esprit par le sacerdoce des prêtres. » De lemplo, n. 88, col. 1 : M.

De même encore, les autres principes de solution traditionnels et catholiques, à savoir la coopération eucharistique des trois personnes divines et l’analogie avec l’incarnation sont très neltement mis en relief par les deux conlroversistes. Pour Cabasilas, voir surtout Liltirr/iæ exposil., c. xxviii ; pour Siméon, De lemplo, n. 88, col. 736-7.37. Mais l’explication da mascéniennc de l’anlitype, ibid., et la controverse

liICT. DE THÉOL. CATHOL.

avec les latins faussent leur perspective et les empêche de faire une sereine application de ces principes à l’objet du débat. Il faut dire, un peu à leur décharge, que les latins auxquels ils répondent paraissent bien ne s’être point bornés à attaquer seulement l’opinion théologique dérivée de saint Jean Damascène, mais avoir voulu s’en prendre directement à la formule liturgique de l’épiclèse. Cette exagération donne beau jeu aux deux polémistes bj’zantins pour bien souligner le caractère épiclétique des divers rites sacramentels dans toutes les liturgies. Mais la distinction, si clairement établie par Cabasilas et d’une manière équivalente par Siméon, op. cit., col. 736, entre les prières dites par le prêtre en son propre nom et celles dites au nom du Christ, aurait dû suffire à faire une complète mise au point. Nous constatons qu’elle ne l’a pas faite. Cf. Hoppe, op. cit., p..5, note 13 ; p. 191, note 427.

Les contradictions que nous venons de signaler dans la théologie de Nicolas Cabasilas et de Siméon de Thessalonique, concernant la forme de l’eucharistie, montrent assez que les idées des Grecs sur ce point étaient assez confuses et qu’ils n’étaient pas sans éprouver quelque embarras à concilier le sens obvie des paroles de l’institution avec leur formule traditionnelle de l’épiclèse. Cet embarras éclata plus visiblement encore au cours des discussions qui eurent lieu au concile de Florence. On > demanda aux Grecs de s’expliquer sur la question de ré]iiclèse et de la consécration eucharistique. Cette demande embarrassa les Orientaux, qui, raconte l’Iiistorien grec du concile, Dorothée, avaient décidé de ne pas soulever cette question, parce qu’ils n’avaient pas sur ce sujet des idées bien claires. Mansi, Concf/., t. xxxi, coI. 1012.

Sans nier l’efficacité des paroles de l’inslilution, leur attachement à la tradition liturgique les inclinait à la théorie daniascénienne. Le métroiiDlite Isidore de Kiev défendit cette théorie au cours des discussions : Dico quod credimus id qiiod conftcit mijstcrinm esse scrinonem Domini, et crcdimns donii~ nicam voccni cssc effeclriccm divinonim nuincruni ; et illa vox scmper replicaliir a sricerdole, et.iiiscipit saccrdos quod vox illa rcplicata aplctur et sit eadem vox ciun voce Domini. El ni ila aplctur, invocatur Spiriliis Sanclns et supplient saccrdos ul per virUitem Spirilus Scuuli conccdatur gratia, ut vox rcpctita effici(dur ila ef/ecliva, ul verbum Dei fuit. Et ila credimus consummalivam fieri per illam oralionem sacerdolis. El probo quod dominicæ voces habent opcrationrm ul semina, quia sine seminc non potest effici fructus : ila in luic dominica voce. Tamen ubi cadil.^emen, egcl aliis //i.sfrumentis, ul sacerdolis, (dlaris et oralionum. Unde credimus per hoc vobiscuni esse concordes. Mansi, t. XXXI, col. 1686-1687.

(k’pendanl, le cardinal.lean de Torfpiemada insista pour poser la question sur son vrai terrain : Xccesse est ul in noslra cedula, si debeat dari dorlrina onwihus fidclibus, et maxime simplicibus, qui possent dnbitarc an (dia verba sanctorum quæ apponuntur sint verba de subslanlia consecrationis, vcl non, quod ponatur hoc quod rcrbis Salvaloris fit consecratio. Sec aliquis débet moveri per hoc quod quis dicit quod missale estscriptum manu magni Sancli. Aliud est dieere : hoc missale est unius Sancli ; el aliud quod Sanelus dicit quod omnibus contentis in hoc missali conficiatur corpus Christi. on est credenduni bealum liasilium ncc alium dorlorcm dixissc quod cdiis verbis quam Christi conficiatur corpus, quantumcumque sunt mullir oraliones et prcccs ibi.

Le pape lùigènc IV parla dans le même sens, et ce fut néanmoins après les paroles du pape qu’Isidore de Kiev tint le langage que nous avons dit. lorqucmada insista encore sur la vraie portée de la qucstion et sur la nécessité de s’entendre sur une formule w(. V. — <>