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EPICLÈSE EUCHARISTIQUE


le calice de mon sang, « déjà prononcées, mais qu’elle doit l'être seulement au moment où se dit cette oraison ou invocation. Telle est, en effet, la croyance actuelle de l'Église orientale orthodoxe, qui a mis cet article au nombre des différences dogmatiques entre elle et l'Église romaine. Que tel ne soit pas, au contraire, l’enseignement de la tradition patristique et de l’ancienne Église, nous aurons à le montrer dans l’examen que nous en ferons, en indiquant même le point précis à partir duquel s’est produite dans l'Église orientale la déviation dont sa doctrine présente est la conséquence. Une fois cette démonstration établie, il nous restera à concilier la tradition catholique touchant la consécration avec le fait liturgique de l'épiclèse. Mais avant d’aborder l'étude de la tradition et la solution de la difficulté que semble lui opposer la liturgie, il est nécessaire d’exposer tout d’abord avec quelque détail les données théologiques qui doivent servir de base à la discussion, puis les notions de liturgie comparée, de nature à mettre pleinement en relief le problème épiclctique ; d’essayer, enfin, de répondre à une question préalable, savoir par quelle formule le Sauveur a consacré au cénacle.

II. Données théologiques.

1° Thèse catholique sur la forme de l’eucharistie : décisions et déclarations de l'Église. — La thèse catholique est celle-ci : La forme de l’eucharistie est constituée par les paroles de Jésus-Christ à la dernière cène : Ceci est mon corps, ceci est le calice de mon sang…, paroles que le prêtre répète à l’autel au nom et en la personne de NotreSeigncur. Une fois ces paroles prononcées, la transsubstantiation est parfaitement accomplie.

Bien que cette doctrine n’ait pas été solennellement définie par l'Église, on peut la considérer comme définie par le magistère ordinaire, ou tout au moins comme une vérité certaine et proche de la foi. « La doctrine qui fait des paroles de l’institution la forme de l’eucharistie est tenue par l’enseignement commun pour fidei proxima. » Mgr Batiffol, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, 1899, t. i, p. 78, en note. Le pape Eugène IV s’exprime ainsi dans le décret pro Armenis : Forma huius sacramenti sunt verba Salvaloris, quitus hoc conficit sacramentum. Nam ipsorum verborum virtute substantia panis in corpus Christi et substantia vini in sanguinem convertuntur. DcnzingerBannwart, Enchiridion, n. G98 (.593). De sérieuses raisons portent à croire que les motifs allégués quelquefois par les théologiens pour diniliuicr l’autorité du décret aux Arméniens en matière de doctrine sacramentaire, n’ont pas lieu de s’appliquer en ce qui concerne l’eucharistie. Nous savons, (lu reste, par l’histoire du concile de Florence, que cet enseignement touchant la forme du sacrement eucharistique était unanimement proclamé à cette époque, et depuis longtemps. Peu s’en fallut qu’on n’en fît une définition de foi. Ilefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, t. XI, p. 451 sq. Si on ne le (il |ias, ce n’est point, ainsi que l’ont à tort affirmé Beiiaudot et quelques autres après lui, parce que le concile estimait que cette question ne regardait pas la foi ; ce fut uniquement pour ne pas infliger aux Orientaux — et cela sur leur propre demande — le déshonneur de laisser croire qu’ils eussent jamais eu un autre sentiment. Le concile, d’ailleurs, ne prêtait point aux Grecs cet autre sentiment ; mais il voulait insérer dans le décret il’union la croyance catholique, afin d'éviter les occasions d’erreur que pouvait provoquer dans les esprits peu éclairés la formule d'épiclèse, ; ic occasionem errandi ex invocationis ver bis rudes ncciperent. Orsi, Dliserlalio theologica de liluryira.Spiritns invocatione. Milan, IT.'Jl, p. 1.58. C’est ce qu’affirmait, dans la séance du 16 juin 1 1.39, Eugène IV lui-même : « Ce qu’on vient de dire ne signifie aucunement qu’on

vous accuse, vous Grecs, d’attribuer la vertu consécratoire à d’autres paroles qu'à celles du Christ ; mais il fallait introduire cette remarque dans la charlula à cause des ignorants et pour éviter tout malentendu. » Nec proptcr hoc ponitur in illa cedula, ut credamus id vos non credere, sed proptcr rusticos. Mansi, Concil., t. xxxi, col. 1014. Isidore de Kiev combattit l’idée de cette insertion en affirmant que tous les Grées, même les simples fidèles, croyaient à l’efficacité consécratoire des paroles du Sauveur : Credimus dominicam vocem esse effeclricem divinorum munerum… Rudes ita clare tenuerunl, et ita tenebunt, unde non est necessariuni hoc poni in diffinitione. Hardouin, Acta concil., t. ix, col. 977. Il est vrai que le métropolite de Kiev attribuait à cette affirmation un sens assez voisin de la théorie grecque actuelle, en considérant les paroles de l’institution comme une semence que l'épiclèse vient féconder ; et le cardinal Jean de Torquemada avait raison de réfuter ce point de vue. Mais après d’assez longues discussions au cours de plusieurs conférences, les Grecs firent des déclarations plus précises, telles que celle-ci, du 26 juin : Afin que vous soyez parfaitement rassurés sur notre loi, consultez saint Chrysostome, qui s’exprime très clairement là-dessus (sur la vertu consécratoire des paroles du Christ). Nous sommes prêts, du reste, à reconnaître que la consécration s’opère exclusivement par les paroles du Christ. » Hardouin, col. 978. Là dessus, on renonça à insérer dans le décret d’union le point relatif à la consécration et l’on se contenta de la déclaration orale solennelle, par laquelle, dans la séance générale du.5 juillet, Bessarion, métropolite de Nicée, attesta en son propre nom et au nom de tous ses compatriotes (suo ac aliorum Patrum Ecclesiani Orienlalem reprœsenlanlium nomine) qu’ils se ralliaient à la doctrine des Pères de l'Église et spécialement de leur grand docteur saint, Iean Chrysostome, et reconnaissaient aux paroles de Jésus-Christ ' toute la vertu de la consécration, n Cette attestation est trop importante, dans les circonstances où elle fut faite, pour n'être point citée ici : (?HonjV/ ;)i / ;  ! pra’cedenlibus congrcgalionibus nostris intcr alias difjcrcntias nostras orlunx est dublum de conscrratione sacratissimi sacranwnli cucharisliæ, et aliqui suspicati sunt nos et Ecclesiam noslram non credere illud pretiosissimum saaiamentum pcr verba Saloaloris I). M.J.C. confici ; proptcr hanc causum adsunuis corcun Vestra Bealiludine omnibusque aliis hic astantibus. qui pro parle sanctse Romanic Ecclesix sunt, ad cerlificandum Vcsiram Beatiludinem et alios Patres et dominos hic présentes de hac dubilatione, et dicimus breviler : nos usos fuisse Scripturis et sententiis Pairum clrationibus, spretis humanis inventis ; qua quidem dere, Pater bentissime, cum in omnibus aliis auctorilatibus Patrum sanctorum usi sumus, cliam his prsesenti dubilatione ulimur. Et quoniam ab onmibus sanctis docloribus Ecrlesiæ, pra’sertim ab illo bealissimo.foannc Chrysostomo, qui nobis notissimus est, audivimus verba dominica esse illa qux mutant et Iranssubstantiant panem ri vinum in corpus verum Christi et son /uinem ; elquod illa verba divina.Salvatoris omnem virtutem transsubstantiationis habent, nos ipsum sanriissimuin doclorem et illius sententiam sequimur de necessilate. Mansi, op. cit., col. 1045.

C’est pour avoir confondu cette déclaration solennelle, faite en séance plénière la veille de la clôture du concile, avec des attestations semplables données antérieurement, dans des séances de commission, par un groupe de prélats orientaux, que Henaudot se borne, non sans une pointe de dédain, à voir dans les paroles de Bessarion la pensée de cinq ou six évcques grecs seulement. L’histoire authentique des débats conciliaires leur assure une importance beau-