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ÉPHÉSIENS (ÉPITRE AUX)


sentiment exprimé déjà par Uslicr, de 1650 à 1054, ont déclaré que l’Épîtrc dite aux Épliésiens n’a pas été adressée aux Éphésiens, mais que, comme le prouve son caractère f^énéral, elle était une lettre circulaire destinée à un certain nombre d’Éf^’lises asiates, que l’apôtre ne connaissait pas pour la plupart. C’est pourquoi elle ne contenait aucun détail personnel, aucune salutation, et elle traitait un sujet général et didactique. Le porteur Tycliitiue devait donner de vive voix les explications nécessaires. Cette circulaire devait être transmise de Laodicée à Colosses. Col., iv, 16. Cependant ce dernier point crée une dilTiculté. Puisque l’Épîtrc aux Colossiens roule sur le même tlième, puisque Tychique, son porteur, Col., iv, 7, aurait pu laisser à Colosses copie de la circulaire en remettant la lettre spéciale, on ne voit pas pourquoi la circulaire aurait dû revenir de Laodicée à cette ville. Pourquoi aussi faire lire aux Laodicéens l’Épître aux Colossiens ? On peut, il est vrai, supposer que, comme l’Église de Colosses avait eu besoin d’une lettre spéciale en raison des erreurs qui avaient cours chez elle et contre lesquelles elle devait être prémunie, celle de Laodicée, éloignée de Colosses de quelques lieues seulement, courait le risque de subir la première le contrecoup des fausses doctrines répandues dans la communauté voisine, et avait profit à lire, même après la circulaire, la lettre spéciale aux Colossiens. L’hypothèse d’une lettre circulaire ne résout donc pas toutes les difficultés. Elle est toutefois sulFisamment fondée pour se concilier non seulement avec l’origine paulinienne de l’Épître, mais même avec la tradition unanime de l’Église à y reconnaître une lettre aux Éphésiens. L’Église d’Éphèse rentrait dans le cercle des communautés chrétiennes auxquelles elle était destinée. Une copie, au moins, en aurait été laissée à Éphèse par Tychique, et cette copie aurait servi à former le recueil complet des Épîtres de saint Paul. La lettre, quoique circulaire et encyclique, aurait par suite passé comme adressée aux seuls Éphésiens, et cette persuasion lui aurait fait donner le titre, qu’elle a toujours porté dans la tradition ecclésiastique, d’Épître aux Éphésiens.

IIL Occasion et but. — L’Épître ne nous fournit aucun renseignement direct sur les circonstances dans lesquelles elle a été écrite, et la tradition ecclésiastique n’a pas suppléé à ce silence. On est donc réduit à de simples conjectures, fondées tout au plus sur le caractère, d’ailleurs général, du contenu de la lettre, et aussi sur les rapports avec l’Épîtrc aux Colossiens.

Occasion.

Prisonnier à Rome, saint Paul avait

appris d’Épaphras, si rempli de sollicitude pour les Églises de Colosses, de Laodicée et d’Hiérapolis, Col., IV, 12, 13, quelle était, au point de vue religieux et moral, la situation de la communauté de Colosses en particulier, et probablement aussi des autres communautés chrétiennes del’Asie proconsulaire. Il écrivit donc une lettre spéciale aux Colossiens, sur le compte desquels il était mieux renseigné, voir t. iii, col. 380, avec le billet à Philémon, et en même temps une seconde lettre, plus générale, pour les Églises voisines dont la situation était à peu près semblable.

But.

Le but de l’apôtre répondait vraisemblablement

à la situation religieuse et morale de ces Églises, telle qu’il la connaissait par Épaphras. Nous ne la connaissons, nous, que par la lettre elle-même, et comme elle n’y est pas nettement dessinée, les exégètes l’ont déterminée diversement et, par suite> ont attribué à saint Paul des buts différents.

1. Comme le ton de la lettre est irénique, tout but directement polémique doit être écarté. Comme, d’autre part, l’auteur s’adresse tour à tour aux païens et aux juifs convertis, selon Baur, cet auteur, qui n’était pas saint Paul, écrivait dans le dessein de ré concilier les pctriniens et les pauliniens, en faisant du (Christ le centre de l’unité dans l’Église. Les disciples de IJaur ont nuancé diversement cette intention conciliatrice ; la lettre était écrite ou bien pour favoriser les païens attaqués par les judaïsants (Ililgenfeld et Klopper), ou bien, au contraire, pour réprimer la licence des païens convertis et l’antinomisme qui les poussait à rompre avec les judéochrétiens (Pfleiderer). Le but de l’apôtre aurait donc été indirectement polémique.

2. D’autres, ne trouvant dans l’Épître aucune intention polémique, même indirecte, n’y découvrent qu’un but exclusivement didactique, mais en sens différents. Pour les uns, c’est une lettre pastorale, de nature très générale, sans portée dogmatique, écrite dans un but surtout pratique, pour réunir les juifs et les païens dans l’Église unique (Reuss, Holtzmann, von Soden). Pour A. Sabatier, le but de l’Épître est tout spéculatif : l’apôtre y tente un essai de métaphysique chrétienne, dans lequel il expose et déroule le plan éternel de la rédemption, embrassant non seulement la série des âges, mais l’univers entier. L’apôtre Paul, 3e édit., Paris, 1896, p. 247. Pour F. Godet, le but de l’Épître est surtout moral : l’apôtre veut engager les Églises d’Asie, en majeure partie paganochrétiennes, à élever leur conduite morale à la haute sainteté que réclame leur dignité de membres du corps mystique du Christ.

3. Plus probablement, le but de l’apôtre était préventif et prophylactique. Bien que l’Épître soit un exposé positif de doctrine, on sent que saint Paul veut barrer le chemin à des idées particulières, contraires à l’Évangile. S’il recommande l’unité dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, pour que ses lecteurs ne soient plus des enfants, ne flottent pas à tout vent de doctrine par la tromperie et la ruse des hommes, IV, 13, 14, il a en vue un danger qui les menace et qu’il veut éloigner. Il se propose de prévenir certaines erreurs et de réagir contre elles, en exposant le plan divin de la révélation. Il ne les combat pas directement, il cherche à les détruire par l’énoncé des vérités chrétiennes, qui leur sont opposées. Ces erreurs sont analogues, sinon même identiques, à celles qu’il vise expressément dans la lettre aux Colossiens : spéculations sur les anges et pratiques ascétiques pour parvenir à une sainteté supérieure. Voir t. iii, col. 380-381. Ces fausses doctrines, qui atteindront leur plein développement et leur systématisation dans le gnosticisme du ii'e siècle, pouvaient se répandre de-Colosses dans les Églises voisines. L’apôtre prémunit celles-ci contre elles par une circulaire de principes, tandis que l’Épître aux Colossiens était directement polémique.

IV. Lieu et date.

1° Contemporaine des lettres aux Colossiens et à Philémon, l’Épître aux Éphésiens a été écrite, comme elles, par l’apôtre prisonnier pour Jésus-Christ et enchaîné. Eph., iii, 1 ; iv, 1 ; vi, 20 ; Col., IV, 3, 10, 18 ; Philem., 9, 23. Si elle est, comme on le pense généralement, de la même époque que la lettre aux Philippiens, rédigée, elle aussi, par saint Paul dans les fers, Phil., i, 7, 13, 17, elle a été, comme cette dernière, Phil., iv, 22, composée à Rome et, par suite, durant la première captivité de l’apôtre en cette ville, en 61 ou 62. Depuis David Schulz (1829), plusieurs critiques, surtout protestants, ont prétendu cependant que les trois Épîtres aux Colossiens, aux Éphésiens et à Philémon dateraient de l’emprisonnement de saint Paul à Césarée en 57-59. Act., xxiii, 35 ; xxiv, 22, 27. En quittant Césarée pour aller en Italie, l’apôtre avait pour compagnons, Act., xxvii, 2, Luc, nommé Col., iv, 14 ; Philem., 24, et Aristarque, mentionné Col., IV, 10 ; Philem., 24. Or, il dit qu’Aristarque était prisonnier avec lui. Col., iv, 10 ; ce qui n’a pu se produire à Césarée, où l’apôtre, enfermé au