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EUGENE IV


blit à Florence ; il ne devait quitter cette ville définitivement que le 7 mars 1443, après un séjour de trois ans à Bologne. Dès le premier moment de l’exil, Jean Vilelleschi, évêque de Recanati, avait été député par Eugène IV dans le gouvernement de la ville pontificale leurrée et repentante. Les luttes de l’évêque condottiere contre les Vico, les Colonna, les Gætani, les Savelli et les Trinci, sa campagne contre Alphonse d’Aragon, compétiteur de René d’Anjou à la couronne de Naples, établirent la dictature dans Rome. La mort mystérieuse de Vitelleschi, attiré dans un guet-apens le 19 mai’s 1440, laissait le gouvernement de la ville papale au cardinal Scarampo. La capitale était reconquise, mais Eugène IV devait encore agir ailleurs.

Pendant les luttes qui laissaient la Marche d’Ancône envahie par le condottiere Sforza, le pape avait fait son œuvre de chef spirituel de l’Église devant les prétentions du concile. Voir Bale (Concile de), t. ii, col. 113-129. La mission du chanoine Jean Beaufrère de Besançon, ambassadeur de l’assemblée et du légat Césarini, donnait à Eugène IV, dès octobre 1431, des renseignements très contestables sur la situation du concile. On connaissait sa composition trop démocratique et le mode antitraditionnel de ses votes par commission. Mais, en somme, le légat Césarini lui avait donné quittus le Il septembre in slaluendo et firmando concilium. La bulle du 18 décembre 1431 l>orta cependant dissolution du concile de Bâle. Mansi, Concil., t. XXIX, col. 564. Pour l’opinion qui voyait dans le synode la panacée universelle, c’était une rupture. La réforme fiscale et morale, tant désirée et si nécessaire, était remise à ime date indéterminée. Eugène IV sauvegardait théoriquement le principe de la primauté pontificale soi-disant attaquée par une démocratie ecclésiastique turbulente. Une psychologie, trop ignorante des outrances coutumières aux revendications amusées ou méconnues, l’empêcha d’user de finesse quand la force lui manquait. "Transformant en question de principe une question de personnes posée à Constance, les Pères de Bâle professèrent la supériorité du concile sur le pape (15 février 1432). Eugène IV, heurté de toutes parts, retira purement et simplement son décret de dissolution, reconnut que le concile s’était légitimement poursuivi et en autorisa la continuation. Les instances de sainte Françoise, voir Arnellini, Viladi S. Francesca Romana Rome, 1882, la victoire des hussites à Taus, l’invasion de Visconti avaient imposé la prudence. Il était trop tard. Le 9 juin 1435, la suppression presque complète des droits fiscaux perçus par la cour de Rome dans différentes nations amena la noble protestation du pape devant toutes les cours d’Europe. La maigre bouchée échappait à l’exilé. quandcile lui était surtout nécessaire pour la reconquête de ses États.

Dans cet engagement, le concile devait aller plus loin. En choisissant dans un but de nationalisme intéressé, comme lieu d’entente avec les grecs, la ville d’Avignon ou quelque centre de Savoie à l’exclusion des villes de Florence ou de Modène, proposées par le pape, et de la Marche d’Ancône, désignée par les grecs, les Pères de Bâle, Louis d’Aleman, archevêque d’Arles, à leur tête, portaient à leur autonomie un coup décisif. La citation du pape devant le concile, le 31 juillet 1437, eut sa réponse. Nicolas de Cusa, un des soutiens du synode, était revenu au pape. Le 30 décembre 1437, Eugène IV transférait le concile à Ferrare par la bulle Docloris gentium. l/énergie du pontife avait maintenant toutes les raisons. Une démocratie, qui réalisait en sa faveur les abus financiers reprochés au pouvoir, ne pouvait en imposer au bon sens des souverains des nations. Voir Bale {Concile de), t. ii, col. 123-124. Sans doute, les évêques

de France, réunis à Bourges, adoptaient-ils (maijuin 1438) 23 décrets de Bâle transformés en loi d’État par la Pragmatique sanction (7 juillet 1438), consacrant la supériorité du concile sur le pape et l’indépendance de l’Église gallicane en matière d’administration. Cf. Ordonnances des rois de France de la 5 « race, par M. de Villevault, Paris, 1782, t. xiii, p. 267-291. En Allemagne, à la mort de l’empereur Sigismond (9 juillet 1438), les princes électeurs proclamaient à Mayence, le 26 mars 1439, la neutralité entre le pape et le concile et maintenaient la juridiction régulière. Ce ne fut là, d’ailleurs, qu’une déclaration. En somme, la victoire restait à Eugène IV ; le 5 juillet 1439, il signa à Florence, où le concile régulier était transféré peut-être à cause de la peste éclatée à Ferrare, pour des raisons pécuniaires à coup sûr, Frommann. Krilische Beilràge zur Geschichle der Florenliner Kircheneinigung, Halle, 1872, le décret d’union ; d’une importance capitale pour l’Occident, il renfemie la définition dogmatique de l’étendue de la puissance pontificale. La création de l’antipape Félix V, dont l’orgueil et l’avarice déconsidérèrent le synode (5 novembre 1439), n’empêcha pas Eugène IV de parfaire son œuvre. Après le concile, la conclusion logique était dans la croisade. Une encyclique, publiée en 1442 à la chrétienté entière, annonça le prélèvement d’une dîme sur les possessions des archevêques et évêques. Jointe au cinquième des revenus du trésor apostolique, elle était destinée à équiper une flotte et une armée contre les Turcs. Le 10 novembre 1444, les efforts du pape sur l’islam échouèrent à Varna. Le cardinal légat Césarini mourait massacré. Au spirituel, d’ailleurs, rien n’était perdu. La réconciliation avec l’empire d’Orient n’avait été qu’utilitairement officielle, l’hostilité évidente de la majorité des grecs contre l’union n’avait laissé au pape aucune illusion dans ses désirs de sauver la puissance byzantine ; mais les efforts d’Eugène IV avaient été féconds. Le 22 novembre 1439, le décret aux Arméniens, consacrait leur réunion à l’Église romaine ; les jacobites avaient suivi en 1443. Dans l’intervalle, Eugène IV avait pu se louer du sérieux de l’Occident. En France comme en Allemagne, on avait insisté sur les réformes nécessaires ; mais la personne du pape était restée intacte. Ces concessions, bien entendues, ramenèrent dès son avènement l’empereur Frédéric III. De toutternps, le souverain du saint empire avait été sensible au droit de première prière, de nomination à quelques évêchés et de collation à de bons bénéfices.

Assagi par l’expérience, Eugène IV, îles 1442, entra dans la voie des combinaisons prudentes et fécondes. Le moyen âge commençait de mourir ; un InnocentlII n’était plus possible. L’ère des concordats, préconisée par Martin V, rejetée par Condulmaro au début de son règne, semblait s’imposer à lui dans toute leur souplesse. En 1443, Alphonse d’Aragon, défenseur très équivoque de l’antipape Félix V, traitait avec le pape légitime ; sans aucune condition, le 4 novembre, l’Ecosse revenait à Eugène IV. Enfin, les 5 et 7 février 1447, le « concordat des princes » , signé par le pape sur son lit de mort, pendant que ses troupes reconquéraient définitivement ses États, ramenait dans le saint empire, la paix offlcielle avec Rome. iEnéas Sylvius Piccolomini, l’ancien abréviateur du concile de Bâle, convaincu de la justesse d’une cause longtemps méconnue, en avait été le plus habile artisan. Le 23 février 1447, Eugène IV rendait le dernier soupir. Le concile de Bâle, frappe de léthargie depuis 1440, avait tenu sa dernière séance solennelle le 16 mai 1443.

Dieu avait donné raison au pape qui avait su convaincre de la justesse de sa cause des adversaires tels que Nicolas Cusa et Piccolomini. La démarclie de pareils lutteurs était en faveur de l’autorité intellec-