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EUGÈNE r

EUGÈNE III

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Eugène avait fait différentes ordinations. Il est inscrit au martyrologe romain à la date du 2 juin.

Duchesne, Liber pontificalis, t. I, p. 341 ; Jafîé, Reg. pont, rom., l"édit., p. 164, 940 ; 2e édit., p. 234 ; P. L., t. cxxix, col. 591 ; Papebroch, Acta sanctorum, 1695, t. i junii, p. 220-222 ; 2e édit., p. 214-216.

A. Clerval. 2. EUGÈNE II, pape (824-827), fut élu pape le 6 juin 824. Son élection fut vivement disputée. Pascal II, comme avant lui Léon III, avait travaillé à diminuer l’influence des nobles romains qui, pour se soutenir, se rattachaient aux Francs. Il en avait même exilé plusieurs et confisqué leurs biens. A sa mort, ils cherchèrent à lui donner un remplaçant qui leur fût favorable. Mais le clergé, cà qui seul, depuis 769, appartenait l'élection, voulait un pontife dans le sens de Pascal IL Comme il était divisé luimême, il se trouva que deux candidats furent proclamés. Heureusement le moine Wala, conseiller de Lothaire, qui se trouvait à Rome, inclina les volontés vers le candidat préféré des nobles, Eugène, archiprêtre du titre de Sainte-Sabine, homme doux, distingué, généreux, conciliant et pieux.

Son premier acte fut de régler les funérailles de Pascal, qui n’avaient pu se faire selon les règles, puis d’envoyer une députation à l’empereur Louis pour lui notifier son élection, même avant sa consécration. Louis lui dépêcha son fils Lothaire escorté de Wala, avec mission de régler avantageusement la situation des nobles exilés, ou confisqués, ou d’indemniser les familles de ceux qui avaient été massacrés, avec la mission aussi d'édicter une constitution capable de prévenir les anciens abus de pouvoir. C’est ce qui eut lieu : les restitutions, réparations et rappels nécessaires furent ordonnés et l’on rédigea une Constitiilio romana, dont nous avons encore le texte. P. L., t. xcvii, col. 459. Elle se résume en cinq points qui concernent : 1° la protection impériale ; 2° le droit personnel ; 3° le choix des fonctionnaires ; 4° l’organisation du protectorat ; 5° l'élection pontificale. Le pape ne pouvait faire exécuter un protégé de l’empereur : les Romains pouvaient réclamer la loi selon laquelle ils voulaient être jugés ; les magistrats de Rome devaient se faire connaître à l’empereur : les deux missi permanents du pape et de l’empereur devaient faire à ce dernier un rapport annuel de l’administration ; ils soumettront au pape les plaintes qui leur seront faites, et s’il n’y peut faire droit, ils les porteront à l’empereur. L'élection du pape se fera par les Romains seuls, y compris les laïques, nonobstant la décision du concile de 769, et l'élu, avant sa consécration, devra prêter un serment convenu devant le missiis de l’empereur et devant le peuple. Les Romains doivent tous obéissance au pape. En résumé, cette constitution fort respectueuse pour le pontife, assurait la prédominance de l’empereur qui avait le droit de surveillance et de réforme sur tous les fonctionnaires et pouvait soustraire absolument certaines personnes à la haute justice du pape. Cette organisation acceptée par Eugène II rétablit la tranquillité et son règne passa dans la postérité pour une ère de douceur et de paix.

Il fit de lui-même une autre réforme dans l'Église. Au mois de novembre 826, il réunit à Rome un concile composé de 62 évêques de toutes les parties de l’Italie et y décréta une quarantaine de canons disciplinaires en rapport avec les circonstances ; ils furent communiqués aux évêques francs. Ils concernaient la formation des clercs, l'érection des hôpitaux, la vie claustrale, l’enseignement dans les grandes églises.

Il fut aussi consulté par les ambassadeurs de Louis le Pieux et de l’empereur de Constantinople, qui étaient venus à Rome ensemble quand Lothaire s’y trouvait

encore, sur la question des images. Michel II avait été assez tolérant pour supporter que Théodore Studite l’exhortât à se réunir, selon les vieilles coutumes, à l'Église de Rome. Son fils le fut moins, et sollicita Louis le Pieux d’appuyer son attitude. Celuici fit consulter le pape sur certains points de la question des images, puis, avant de donner une réponse à l’empereur grec, sollicita la permission de tenir une nombreuse assemblée d'évêques qui délibéreraient sur ce sujet. Pour préparer leurs travaux, il ordonna de rassembler une grande quantité de textes empruntés aux saints Pères. Mais la collection fut faite d’une manière indigeste, incompétente. Les Pères s’y embrouillèrent : leur lettre au pape s’inspira de l’esprit pédant et enfantin des livres carolins, et d’une complète inintelligence du décret du II « concile de Nicée. P. L., t. xcviii, col. 1293. Et cette activité théologique se dépensa sans utile conséquence.

Eugène II adressa « à tous les fils de l'Église » une lettre de recommandation pour Anschaire et ses compagnons, apôtres de la Scandinavie. Il mourut en août 827.

Duchesne, Liber poniificalis, t. ii, p. 69-70 ; Id., Les premiers temps de l'État pontifical, 1904, p. 196 ; Jalïé, Reg. pontif. rom.. Inédit., p. 224-225, 944 ; 2°= édit., t. ii, p. 60 ; P. L., t. cxxix, col. 985 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1911, t. iv, p. 50-55.

A. Clerval. 3. EUGÈNE iii, pape (114.5-1153), s’appelait Bernard Pignatelli ; né d’une noble famille aux environs de Pise, il fut successivement élevé dans l'église de cette ville, chanoine de la cathédrale, vice domimis, ou économe temporel. Il rencontra saint Bernard en 1130 au concile de Pise et le suivit à Clairvaux, où il fut moine : après avoir été employé à différentes affaires, il fut renvoyé en Italie pour relever l’abbaye de Farfa ; puis Innocent II le fit abbé des Trois-Fontaincs, près de Rome. Il était abbé de SaintVincent et de Saint-Anastase quand il fut élu, le 15 février 1145, immédiatement après la mort de Lucius II, tué en assiégeant le Capitole. Rome était en pleine révolte : les cardinaux s'étaient réunis de suite au cloître de Saint-Césaire : craignant que le peuple n’exigeât du nouvel élu l’abdication du pouvoir temporel, ils l’intronisèrent sans tarder dans l'église de SaintJean-de-Latran, puis ils se réfugièrent secrètement avec lui à Farfa, où se fit la consécration. De là, Eugène se fixa, en attendant les événements, dans la ville fidèle de Viterbe. Il devait passer presque tout son pontificat en dehors de Rome, aft’amée d’indépendance, sur les grands chemins de la France, de l’Allemagne et de l’Italie.

Eugène était le premier moine de l’ordre cistercien qui fût pape. Aussi saint Bernard lui écrivit de suite une lettre où les félicitations et les leçons se mêlent. Son premier acte fut d’essayer de reconquérir Rome. Le sénat, exaspéré de sa fuite, avait remplacé le préfet par un patrice de son choix : le peuple avait pillé les palais des nobles et des cardinaux, les églises, même celle de Saint-Pierre, et violenté les pèlerins. Avec le concours des comtes de Campanie, des habitants de Tivoli et la connivence de quelques Romains fidèles, Eugène réduisît ses adversaires, rétablit la préfecture et statua que le corps sénatorial purement municipal comprendrait 50 membres élus par le peuple, mais agréés par lui. Puis il fit son entrée solennelle le 19 décembre 1145. Mais ce fut pour peu de temps : il dut repartir en janvier 1146 pour ne rentrer qu’au mois de novembre 1149. Cette révolution était l'œuvre d’Arnauld de Brescia qui, condamné au concile de Latran de 1139 à quitter l’Italie, était revenu se jeter aux pieds d’Eugène à Viterbe et en avait obtenu son pardon, ; i condition de se soumettre. Mais ses pro-