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EUDOXE


d’après Socrate, que son église de Germanicie réclamait ses soins, H. E., ii, 37, P. G., t. lxvii, col. 304, ou, d’après Sozomène, représentant au prince la nécessité de surveiller l'élection du nouvel évêque d’Antioche. H. E., iv, 12, ibid., col. 1141. En réalité, l’ambitieux prélat voulait pour lui la succession de Léonce, et il réussit à s’en emparer, au mépris de tous les canons et malgré les protestations des évêques à qui appartenait le droit de pourvoir au siège vacant. Sozomène, ibid. Aussitôt après ce coup de force, il dépêcha à l’empereur Constance le prêtre Asphalius, disciple zélé d’Aétius, pour obtenir confirmation de ce qui s'était fait. Entre temps, il se mit à favoriser ouvertement l’arianisme rigide ou anoméisme, représenté par Aétius et Eunomius. Il donna toute sa tnveur à ces deux personnages et à leurs disciples, et, de concert avec Acace de Césarée, il fit approuver par un concile la formule de Sirmium de 357.

Asphalius fut bien reçu à la cour. Constan ce lui avait déjà remis des lettres confirmant l'élection d’Eudoxe, quand les députés du concile homoïousiaste tenu à Ancyre par l'évêque Basile (358) réussirent à gagner l’empereur à leur cause et à le tourner contre les anoméens. Asphalius dut rendre les lettres favorables à Eudoxe, et à leur place on en expédia d’autres fort dures pour l’ami d’Aétius et d’Eunomius. Sozomène, H. E., IV, 14, P. G., t. Lxvii, col. 1148-1149. C'était, pour Eudoxe, sinon la déposition et l’exil, du moins la disgrâce. Il ne devait plus paraître dans les assemblées et resta hors d’Antioche. Il crut prudent de se retirer en Arménie, pendant qu’Aétius était exilé à Pépuze et Eunomius interné à Midacon, en Phrygie. Le synode de Séleucie d’Isaurie, où il parut (359), lui réserva encore un échec, bien qu’il eût déjà recouvré, d’après Philostorge, les bonnes grâces de l’empereur. Mais il ne tarda pas à prendre sa revanche. Son ami, Acace de Césarée, vaincu comme lui à Séleucie, s’empressa de courir à Constantinople et de prévenir en faveur des siens le faible Constance. S’il ne réussit pas à faire agréer à la cour le sophiste Aétius, qui fut sacrifié, il parvint à consommer la déroute de l’orthodoxie, grâce au concours des délégués de Rimini. La formule que ce dernier concile avait souscrite proscrivait également r’ijj.oo jfjio ; nicéen, ro(j.oioo jatoç de Basile d' Ancyre et l’ivôixotoç d’Aétius et d’Eunomius ; elle disait simplement que le Fils est semblable, ôixoio ;, au Père. Un concile, présidé par Acace, se réunit à Constantinople, en janvier 360. Il sanctionna la formule de Rimini, qui devint l’expression de l’arianisme officiel, et prononça la déposition contre les prélats récalcitrants. Avec la souplesse qui le caractérisait, Eudoxe n’eut pas de peine à changer son anoméisme en homéisme et il reçut en récompense le siège de Constantinople, laissé vacant par la déposition de Macédonius. Il fut intronisé le 27 janvier, en présence de 72 évêques. L’ambitieux se trouvait au comble de ses vœux.

Quelques jours après son intronisation (15 février), eut lieu la dédicace de l'église Sainte-Sophie, en construction depuis vingt ans. A cette occasion, Eudoxe donna dans un sermon au peuple un spécimen de sa théologie : « Le Père, dit-il, est impie qug ;, ;), le. Fils pieux (ij<7ï@r, ;). » Ce langage étrange provoqua des protestations dans l’assistance : « Que ces paroles ne vous troublent pas, reprit tranquillement l’orateur, le Père est àa- : gf, ç, parce qu’il n’a personne à révérer ; mais le Fils est ôùdsêri ;, parce qu’il révère le Père, ô

yàp riatrip OLiiô'r^^, 'ixi o’JSîvx Téo ; i, ') îk Vih ; EJ'7côr|Ç,

fin Tsgït TÔv Uarépa. Socrate, H. E., l. I, c. XLiii, ibid., col. 356. Des rires accueillirent ce triste calembour, et l’on en conserva longtemps le souvenir à Constantinople. Eudoxe était d’ailleurs coutumier de cette gouaillerie théologique. Saint Hiiaire nous en a con servé un autre exemple. Pour prouver que Dieu n’avait pas de Fils, le prélat arien dit un jour dans un sermon, à Antioche : Erat Deus quod est. Pater non eral, quia neque ei Filius ; nam si Filius, necesse est ut ei femina sit, etcolloquium, etc. Adversus Constantium, 13, P. L., t. x, col. 591. Ces grossiers blasphèmes nous dépeignent bien le personnage qui était maintenant à la tête de l’arianisme olTiciel. Un de ses premiers actes fut de donner le siège de Cyzique à Eunomius, après que celui-ci eut signé la formule de RiminiConstantinople et promis de modérer son langage. De son côté, Eudoxe s’engageait à travailler à la réhabilitation d’Aétius, exilé à Mopsueste, puis à Amblada. Mais Eunomius ne sut pas tenir sa langue. Les habitants de Cyzique demandèrent sa déposition à l’empereur Constance, qui commanda à Eudoxe de faire une enquête sur son compte. Eudoxe obéit à contrecœur. Eunomius le tira d’embarras en abandonnant de lui-même son évêché.

Sous)e règne de Julien, les chefs de la secte anoméenne, Aétius et Eunomius, eurent les faveurs de la cour et la position d’Eudoxe devint assez délicate. Il essaya de se rapprocher de ses anciens amis, mais en évitant de se compromettre. Cette attitude louvoyante irrita Aétius et Eunomius, qui rompirent ouvertement avec lui et s’organisèrent en secte séparée. Aétius fut ordonné évêque. Des communautés anoméennes autonomes s’organisèrent en beaucoup d’endroits, et jusqu'à Constantinople même, où l'évêque anoméen, Pœmenius, devint le compétiteur d’Eudoxe.

L’empereur Jovien (363-364), bien que personnellement favorable à la foi de Nicée, laissa Eudoxe en paix ; mais, à cette époque, les acaciens l’abandonnèrent et il courut grand risque d'être déposé, à l’avènement de Valentinien et de Valens (364). Avec la permission de Valentinien, quelques évêques homoïousiastes se réunirent à Lampsaque, condamnèrent la formule de Rimini-Constantinople et sommèrent Eudoxe et les siens de se joindre à eux, en désavouant leur conduite passée. Eudoxe sut habilement détourner le coup qui le menaçait : il réussit à gagner les bonnes grâces de Valens, à qui Valentinien avait abandonné l’Orient. Quand les délégués de Lampsaque se présentèrent, ils furent mal reçus. Valens leur fit savoir qu’ils avaient à s’entendre avec Eudoxe, qui devint plus puissant que jamais et dirigea désormais la politique religieuse du nouvel empereur d’Orient. La formule de Rimini-Constantinople restait l’expression de l’orthodoxie ofiicielle. C’est Eudoxe qui baptisa Valens avant l’expédition contre les Goths, en 366 ou 367. C’est lui qui fit interdire le grand concile que les homoiousiastes d’Asie, réconciliés avec le pape Libère et la foi de Nicée, projetaient de réunir à Tarse, en 367. Quant à ses anciens amis, les anoméens, il ne s’en soucia guère et eut pour eux des paroles assez dures : il n’avait plus besoin d’eux. L’empereur Valens ayant manifesté le désir de voir Eunomius, lors de son séjour à Marcianopolis, à l’automne de 369, Eudoxe, qui se trouvait à la cour, fit tout pour empêcher cette entrevue et y réussit. Philostorge, E. H., ix, 81, P. G, t. Lxv, col. 576. Cependant, sa fin approchait. Il mourut au printemps de 370, au moment où il s’apprêtait à pourvoir au siège de Nicée, laissé vacant par la mort de l'évêque Eugène. Il fut enterré à Constantinople, dans l'église des Apôtres.

Eudoxe fut un intrigant et un ambitieux sans conscience. Il adopta successivement toutes les nuances de l’arianisme. D’abord partisan de V liomoioiisios, il se montra anoméen toutes les fois que ses intérêts lui permirent de manifester clairement sa pensée. La vague formule de Rimini-Constantinople était certainement interprétée par lui dans le sens de l’arianisme rigide, mais il ne lui en coûtait pas de dissimuler