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EUCHARISTIE DU XIII" AU XV « SIÈCLE


qui agit dans ce sacrement, soit pour donner droit à riiéritage éternel (ce que désignent les mots : noui el « terni Testamenti), soit pour augmenter la justice de la grâce qui s’obtient par la foi (d’où les mots : mijslerium fidei), soit enfin pour écarter les obstacles à ces deux premières fins, c’est-à-dire les péchés (c’est pourquoi on ajoute : qui pro vobis et pro muUis effunddur in remissionem peccatonim). Les prières du canon de la messe ne sont donc pas nécessaires pour la validité de la consécration, puisqu’elles diffèrent dans les différents rites. Le prêtre pourrait en réciter d’équivalentes. Cependant, il pécherait en ne récitant pas le canon, parce qu’il n’observerait pas le rite de l’Église, j In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, q. ii, a. 4, sol. 3^ Sum. iheol., IIIs q. lxxviii, a. 1, ad 4uni. Richard de Middletown soutient une doctrine analogue. In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, a. 3, q. i, ii. Duns Scot déclare que la forme précise de la consécration du pain est : Hoc est eorpus meum. Celle qui est usitée à la messe doit être récitée ou par respect pour le sacrement ou comme prière. Au sujet de la forme du calice, il combat le sentiment de saint Thomas et ne tient pour essentiels que les mots : Hic est ealix sanguinis mei. Les autres font partie de la prière. In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, q. ii ; Reportala, 1. IV, disL VIII, q. II. Voir t. iv, col. 1916. Durand, In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, q. II, et Pierre d’Auriol, In IV Sent., I. IV, dist. VIII, q. II, a. 4, adhèrent au sentiment de Scot et combattent celui de saint Thomas. G. Biel expose et discute les différentes opinions des docteurs sur la forme eucharistique. Sacri canonis missæ expositio, lect. XXXVIII. Capréolus réfute les arguments de Durand et de Pierre d’Auriol et soutient la doctrine de saint Thomas. In IV Sent., dist. VIII et IX, a. 3, § 5.

Les docteurs se demandaient quelle était la vertu des formes de la consécration, si elles étaient de simples citations des paroles du Christ, sans effet, ou si elles opéraient par elles-mêmes, par une vertu propre et inhérente et si cette vertu était créée ou incréée. Alexandre de Halès reconnaissait en elles une vertu qui leur avait été donnée par le Verbe incréé, et il en concluait que cette vertu était surtout incréée. Sununa theologiæ, part. IV, q. x, m. iv, § 6. Que la vertu des paroles consécratoires soit créée ou incréée, c’est le secret de Dieu, disait Albert le Grand. In IV Sent., 1. IV, dist. X, a. 7. Saint Bonaventure pensait que la forme agit virilité Verbi inereali adjuncta ministro circa maieriam nihil agenti. Le prêtre parle au nom du Christ ; c’est pourquoi il dit : corpus meum. Gomme simple ministre, il n’opère pas lui-même la conversion, et la forme ne l’opère pas davantage par elle-même. In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, part. II, a. 1, q. i. Une vertu spirituelle n’a donc pas été donnée par Dieu aux paroles de la consécration. D’après l’institution divine, il a été établi seulement que, les paroles étant proférées par le prêtre sur le pain avec l’intention de le consacrer, le pain était transsubstantié. C’est le Verbe incréé qui produit la transsubstantiation, lorsque les paroles sont prononcées par le prêtre. Celles-ci n’ont donc qu’un effet moral sur la conversion. Ibid., q. m. Saint Thomas repousse énergiquement l’opinion des docteurs qui prétendaient que les paroles de la consécration n’avaient en elles-mêmes aucune force créée pour opérer la transsubstantiation produite par la seule puissance divine au moment de la prolation des paroles. Cette opinion déroge à la dignité des sacrements de la nouvelle loi et elle est contraire aux témoignages des saints Pères. L’excellence de l’eucharistie entraîne cette conséquence que, dans les deux formes de ce sacrement, il y a quædam virtus creata ad conversionem Imjus sacramenti (aciendam, instrumentalis tamen, sicut et in aliis sacramentis. Elle tire son efii--cacité de la volonté de l’agent principal qui s’en sert.

Cum enim heec verba ex persona Christi proferantur, ex ejus mandalo consequentur virtutem inslrumentalem a Christo, sieul et cselera ejus facla vel dicta liabent instriimentaliler salutiferam virtutem. In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, q. I, a. 3 ; Sum. tlieol., III^, q. lxxviii, a. 3. Richard de Middletown plaçait la vertu de la transsubstantiation dans le prêtre, instrument principal de Dieu, plutôt que dans les paroles de la consécration. In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, a. 3, q. m. Duns Scot reconnaissait dans les paroles une puissance active et opérante. Voir t. iv, col. 1916. Mais il leur déniait toute force d’opérer à la façon d’une cause instrumentale ; leur action n’est que morale. Dieu, en vertu d’un traité librement consenti, est déterminé par elles à opérer la transsubstantiation.

Une dernière question au sujet de l’efficacité des deux formes eucharistiques était de savoir si elles opéraient la transsubstantiation indépendamment l’une de l’autre. Alexandre de Halès donne, en passant, une réponse affirmative, lorsqu’il présente la double consécration comme une image de la séparation du corps et du sang de Jésus. Les deux transsubstantiations sont distinctes et séparées par un court intervalle. Summa tlteotogiæ, part. IV, q. x, m. ii, a. 2. Albert le Grand enseigne aussi ; i ; c chacune des formes opère séparément son effet et que l’une n’attend pas l’autre pour avoir son efficacité. La forme du pain opère avant celle du vin. Le verbe est au présent : est, et non au futur : erit. On adore le corps du Christ avant la consécration du vin. Il n’y a pas de raison d’affirmer la dépendance des deux formes. In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, a. 8. Saint Thomas réfute l’ancienne opinion, qui prête. ".dait le contraire, et il dit d’elle : Non potest stare, quia jorma materise proportionnari débet. Il soutient donc que les formes agissent séparément, parce que chacune a, de soi, sa signification complète, et il résout en conséquence le cas d’une messe interrompue après la consécration du pain. In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, q. ii, a. 4. La puissance de conversion, qui est dans les formes eucharistiques, consequitur signiflcationem, quæ in prolatione ultimse diclionis terminatnr. Et ideo in ultimo inslanti prolationis verborum prædicta verba conseqmintur hanc virtutem, in ordine ad præcedentia. Sum. tlieol., III^, q. LXXVIII, a. 4, ad 3’"". Duns Scot dit aussi que les I deux formes produisent leur effet pro ultimo inslanti prolationis. In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, q. ii. Richard de Middletown avait déclaré que chacune d’elles était complète en elle-même. In IV Sent., I. IV, dist. VIII, a. 3, q. IV. Cf. G. Biel, Sacri canonis missæ expositio, lect. XXXIX.

4. Ministre.

Selon Alexandre de Halès, le pouvoir de consacrer l’eucharistie n’appartient pas aux anges ni aux laïques, fussent-ils justes, mais aux prêtres. Par respect pour le sacrement, il conviendrait qu’il fût fait par les évêques seuls, et même uniquement par le souverain pontife. Mais l’amplitude du culte exige que tous les prêtres puissent consacrer. Le mauvais prêtre lui-même consacre validement, parce que la consécration ne dépend pas de son mérite. De même, les prêtres hérétiques et schismatiques, qui ont le pouvoir d’ordre. Les prêtres dégradés gardent leur pouvoir, puisque la dégradation ne leur enlève pas le caractère sacerdotal. Summa theologiæ, part. IV, q. x, m. v, a. 1. Saint Bonaventure examine aussi la question du ministre excomnu nié, hérétique et bon. In IV Sent., 1. IV, dist. XIII, a. 1. Selon saint Thomas, l’eucharistie, à la différence des autres sacrements, consistant dans la consécration de la matière ou dans la conversion miraculeuse des substances du pain et du vin au corps et au sang du Christ, Dieu seul opère cette conversion et le ministre ne fait que proférer les paroles consécratoires et il le fait ex persona ipsius Cliristi