jeunes filles que la pauvreté ou l’inconduite de leurs parents exposaient à tomber dans le vice. Enfin, à l’exemple des sœurs de la Visitation, elles établirent, sous le nom île « petit noviciat » , un pensionnat qui devait faciliter leur recrutement. Ces diverses catégories de personnes forment des classes distinctes et entièrement séparées les unes des autres. Il arrive souvent que les pénitentes, venues pour un temps au monastère, demandent à y passer leur vie. Elles forment la classe des madeleines ou des persévérantes. Souvent ces pécheresses converties s’élèvent à une éminente sainteté, à la plus grande consolation de leurs généreuses maîtresses.
A la mort du P. Eudes, l’ordre de Notre-Dame de Charité comptait quatre maisons. A la grande Révolution, il n’en avait encore que huit. Au cours du XIXe siècle, il s’est développé dans des proportions considérables ; mais il s’est partagé en deux branches : celle de Notre-Dame de Charité du Refuge et celle de Notre-Dame de Charité du Bon-Pasteur d’Angers.
Les monastères du Refuge ont conservé dans son intégrité l’organisation établie par le fondateur et ils sont indépendants les uns des autres. D’après l’auteur des Origines de Notre-Dame de Cliarité, il existait, en 1891, 31 monastères du Refuge, dont 18 en France,
1 en Italie, 1 en Espagne, 1 en Autriche, 2 en Irlande,
2 en Angleterre, 3 aux États-Unis et 3 au Canada ; et ces divers couvents comprenaient 1 512 religieuses et novices, 1043 madeleines, 2 119 pénitentes et 1 824 préservées.
En 1835, 1a Mère Marie de Sainte-Euphrasie Pelletier, supérieure du monastère dit du Bon-Pasteur à Angers, obtint du souverain pontife que les maisons fondées ou à fonder par son monastère restassent sous la dépendance de la maison-mère, dont la supérieure recevait en même temps le titre et l’autorité de supérieure générale. Cette admirable religieuse, » qui était de taille à gouverner un royaume, » était animée d’un zèle extraordinaire pour le salut des âmes. Elle réussit à conuiiuniquer son ardeur à ses filles, et elle imprima à son institut un tel élan que bientôt le Bon-Pasteur eut des couvents dans toutes les parties du mondc.D’après le P. Ory, l’institut possédait, en 1893. 187 maisons, comprenant ensemble 4 800 religieuses et novices, 1425 madeleines, 10 500 pénitentes, 13000 préservées. Aujourd’hui le nombre des couvents du Bon-Pasteur dépasse 250. La I^Iérc Marie de Sainte-Euphrasie a été déclarée’Vénérable, le 11 décembre 1897. Une autre religieuse du Bon-Pasteur, la Mère Marie du Divin-Cœur, est mainteniuit célèbre dans le monde entier, pour avoir provoqué la consécration du genre humain au Sacré-Cd’ur de Jésus, qui fut faite par Léon XIII. U-lle est morte au monastère de Porto, dont elle était supérieure, le 8 juin 1899, et déjà l’on prépare l’inlroducLion de sa cause de béatification qui paraît devoir aboutir rapidement.
2o La congrégation de Jésus et Marie.
Nous avons
déjà parlé de la fondation de la congrégation de Jésus et Marie en esquissant la vie du P. Eudes. Nous avons vu qu’elle fut établie à Cæn le 25 mars 1C13, pour travailler à la formation du clergé dans les séminaires. Elle doit également s’employer au renouvellement de l’esprit ciu-étien parmi les fidèles par les exercices des missions ; mais cette œ-uvre n’est pour elle que secondaire et doit être subordonnée à l’œuvre des séminaires qui est la fin principale de la société.
Ln fin que le Bienheureux assigna à sa congrégation le décida à n’y point introduire les vœux de religion. Il avait la plus haute estime pour l’état religieux, mais il était persuadé que, mieux que des religieux, des prêtres trouvant, dans la seule dignité dont ils sont revêtus, la raison et les moyens do s’élever à la plus éminente perfection, étaient à même
IHCT. DE THÉOL. CATllOL.
d’inspirer aux ordinands une haute idée du sacerdoce et de la sainteté qu’il réclame. Il était convaincu d’ailleurs que les évêques ne confieraient volontiers leurs séminaires qu’à des prêtres entièrement soumis à leur juridiction. Sur ce point, le P. Eudes était en pleine communion d’idées avec le cardinal de Bérulle et M. Olier, qui ne crurent pas non plus devoir introduire les vœux de religion dans les sociétés qu’ils fondèrent, et même avec saint Vincent de Paul, qui ne le fit qu’après bien des hésitations et à la condition, ratifiée par le souverain pontife, que les prêtres de la Mission ne formeraient pas une congrégation religieuse proprement dite, mais seulement une congrégation ecclésiastique. La congrégation de Jésus et Marie est donc un corps purement ecclésiastique ; elle tient à rester dans la hiérarchie ecclésiastique, et bien qu’elle soit entièrement soumise au souverain pontife, qu’elle honore comme son chef suprême, elle entend rester sous la juridiction immédiate des évêques, pour être plus à même de leur venir en aide dans la formation du clergé. Elle se compose de prêtres et de clercs aspirant au sacerdoce, qui sont incorporés à la société après trois ans et trois mois de probation. Elle admet pourtant, dans son sein, en qualité de frères domestiques, quelques laïcs qui s’occupent des choses temporelles, mais qui, n’étant pas clercs, ne portent pas l’habit ecclésiastique, le seul qui soit en usage dans l’institut.
L’esprit de la congrégation n’est autre que l’esprit de Jésus-Christ, le fondateur et le chef de l’ordre sacerdotal. Pour développer cet esprit dans les membres de son institut, et l’inspirer aux ordinands qu’ils avaient mission de former à la vie et aux vertus sacerdotales, le P. Eudes fit célébrer chaque année, dans ses séminaires, la fête du divin sacerdoce de Jésus-Christ et de tous les saints prêtres et lévites. Après la fête du Cœur de Jésus et celle du Cœur de Marie, c’était l’une des fêtes principales de la congrégation. La solennité avait lieu le 13 novembre, avec octave. Elle servait ainsi de préparation au renouvellement des promesses cléricales, qui avait lieu le 21, jour de la Présentation de la sainte Vierge. Dès 1649, le Bienheureux avait composé pour cette fête un office propre. Quelques années plus tard, la fête et l’ofiice furent adoptés par les prêtres de Saint-Sulpice et par les bénédictines du Saint-Sacrement.
Tout en étant une société purement ecclésiastique, la congrégation de Jésus et Marie est soumise à une discipline qui ne diffère pas de celle des congrégations à vœux simples. En fait d’humilité, de pauvreté cl d’obéissance, le Bienheureux semble même plus exigeant qu’on ne l’est dans bien des sociétés religieuses, et la raison en est qu’à ses yeux il n’y a point de personnes qui soient plus obligées que les prêtres à pratiquer en perfection toutes les vertus chrétiennes.
L’administration de la société est modelée sur celle de l’Oratoire. L’autorité suprême réside dans l’assemblée générale, qui nomme le supérieur général et est appelée périodiquement à contrôler son administration. Elle seule peut faire des lois qui s’imposent à l’institut d’une manière durable. Dans l’intervalle des assemblées générales, le supérieur général, qui est nommé à vie, a tout pouvoir sur la société, au spirituel et au temporel. C’est à lui qu’il appartient de nommer et de déposer les supérieurs locaux, de fixer le personnel de chaque maison, de faire la visite, d’admettre et, s’il y a lieu, de congédier les sujets, d’accepter et d’abandonner les fondations, et généralement de faire, ou tout au moins d’autoriser tous les actes importants qui concernent l’institut. Il est aidé dans sa charge par des assistants que nomme l’assemblée générale, et qui ont voix décisive avec
V. - 47